jeudi 30 décembre 2010

V. Kamerhe : opposant ou « en mission » dans l’opposition ?


Écrit par Emmanuel Ngeleka Ilunga   
Lundi, 27 Décembre 2010 18:25
On savait déjà que le manque de constance idéologique était la caractéristique essentielle du personnel politique congolais. On savait également qu’en cette fin d’année 2010, les grandes manœuvres électorales en vue des présidentielles et législatives de 2011 avaient déjà commencé. Aussi, lorsque M. Vital Kamerhe effectue sa sortie en fanfare le 14 décembre dernier à Kinshasa, peu d’observateurs sont surpris. C’est du « déjà vu ». Ce qui étonne par contre, c’est que l’auteur du panégyrique « Pourquoi j’ai choisi Kabila » agit à contre-courant de la logique habituelle des politiciens de RDC,  en quittant le camp présidentiel, grand pourvoyeur des fonds, ce qui éveille du coup des suspicions sur ses vraies intentions. D’où la question : la démarche de Vital Kamerhe est-elle dénuée d’arrière-pensées ? 
Dans cette première partie, nous exposerons des faits relatifs à la « dissidence » de Vital Kamerhe qui sèment le doutent dans notre esprit. Dans la seconde partie (prévue pour la semaine prochaine) nous reviendrons sur son exceptionnel parcours politique.
1. La date de sortie bien choisie.  La date du 14/12/2010 semble n’avoir pas été choisie au hasard. En effectuant sa sortie ce jour-là plutôt qu’un autre, sa « mission » serait de ravir la vedette à … Etienne Tshisekedi, qui venait d’être investi candidat aux présidentielles par le congrès de son parti, UDPS. V. Kamerhe  a « réussi » son coup puisqu’il a eu la primeur de l’actualité internationale. Sa sortie a mobilisé la presse internationale et l’investiture du « Sphinx » de Limété n’a pas retenu plus d’attention escomptée. Plus communicateur que lui, tu meurs !

C’est de bonne guerre: autant le retour triomphal de Tshisekedi le 08/12/2010 avait ravi la vedette à Joseph Kabila qui s’adressait au Parlement dans son « Discours sur l’état de la Nation», autant la sortie de l’ancien Président de l’Assemblée ce jour-là retenait l’attention des media qui détournaient leur attention de Tshisekedi. Question : qui engrangeait les dividendes de la « sortie » de Kamerhe « ce jour-là plutôt qu’un autre » ? Son mentor, bien sur !

2. Peut-il se passer des fonds de Kabila ?  En politique plus qu’ailleurs, l’argent est le nerf de la guerre. Ajoutez-y la propension de notre personnel politique à la corruption et à la vie facile sans oublier la pauvreté ambiante au Congo et vous comprendrez pourquoi le tout nouveau président du parti UNC ne saurait réellement franchir le Rubicon en quittant Joseph Kabila.

Un parti politique a besoin de fonctionner, donc de l’argent. Des courtisans qui se comptent par milliers ont besoin d’ « un peu d’aide » de temps en temps pour continuer à faire leurs courbettes à Kamerhe. Vous savez, les per diem. Autrement ils s’en iront frapper ailleurs : nos populations ont leur préférence pour les politiciens « généreux ». Jean-Pierre Bemba  qui était taxé d’ « égoïste » en a eu à ses dépends. Beaucoup de ses collaborateurs sont allés « en face», servir le «  généreux » Joseph Kabila.  2011 étant une année électorale, beaucoup d’argent sera nécessaire à Vital Kamerhe pour parcourir ce grand pays. D’où lui viendront les fonds ? Aurait-il gagné à la Lotto ?

3. Son ancien parti ne le critique pas. Au PPRD, on se dit « pas surpris » de son « départ» qui était certes en l’air depuis quelque temps déjà. M. Koya Gyalo se réjouit sur RFI de « porter le flambeau » allumé par Kamerhe ! Son ancien parti refuse de le critiquer en relativisant son départ et de  l’affaiblir ainsi politiquement. Ne me dites pas que la courtoisie est devenue le bien le mieux partagé par nos politiciens ! En ne lui décochant aucune flèche, le PPRD semble en réalité le considérer encore comme « un fils de la maison ». Pouvez-vous imaginer un cadre de l’APARECO ou UDPS quitter ces partis pour le PPRD et être félicité par ses anciens amis ? Suspect, non ?

4. Des déclarations cosmétiques. Mais Vital Kamerhe n’a-t-il pas fait des déclarations qui dérangent le pouvoir ?  En disant qu’il y avait « un système maffieux », il n’a rien dit de ce que nous ne savions déjà. C’était juste ce qu’il fallait pour faire les gros titres des journaux kinois et alimenter les conversations, c’est tout. En déclarant à Jeune Afrique « Je suis du coté du peuple congolais, et le peuple congolais se présente à présent comme un opposant » il n’a fait que nous caresser dans le sens du poil. Des déclarations cosmétiques, quoi. On aurait voulu qu’il parle du dossier Chebeya, du cas des généraux Numbi, Laurent Nkunda et Bosco Ntaganda qui ne sont  toujours pas inquiétés. Ou des « cinq chantiers ». Sur ces dossiers-là, il a plutôt gardé le silence.

5. Un passif commun avec Kabila. Même dans ses rêves les plus fous, on ne peut imaginer Vital Kamerhe se voyant le prochain président de la République. L’opinion générale le considère encore comme « kabiliste » et le passif de Kabila est le sien. L’échec des « cinq chantiers » est leur échec. Il le sait bien, lui qui est fin communicateur. L’encre du livre « Pourquoi j’ai choisi Kabila » est à peine sèche qu’il se dédit. En attendant la publication d’une contradiction du premier ouvrage – que nous attendons vivement – leur sort est lié. Du moins pour le moment. N’a-t-il pas rappelé sur RFI qu’en Cote d’Ivoire « les Baoulés n’ont pas voté pour Laurent Gbabo au second tour » ? L’application de ce postulat n’est-il pas que (tous) les originaires du Kivu et Maniema ne voteraient pas pour lui car ayant géré avec le régime en place a Kinshasa ?
6. Kabila banalise sa « dissidence ». Vu les responsabilités qu’il a assumées au sein du système qui a porté Joseph Kabila au pouvoir, son départ éventuel dans l’opposition aurait pu être une perte colossale et serait mal vécue. Kabila remuerait ciel et terre  pour l’empêcher de s’en aller, jusqu'à le menacer de le livrer en pâture sur la place publique en publiant certains dossiers compromettants. Rien ne dit qu’il a des « mains propres ». Mais tout semble se passer comme si Kamerhe n’est qu’un « politicien d’ordonnance » comme un autre, lui devant son ascension rapide dans le cercle du pouvoir. Récemment il se plaignait de ne « pas avoir rencontré le président seul à seul depuis mars 2009 ». Que Kabila banalise la « dissidence » de Kamerhe, cela est louche…

7. Vous avez dit fief  du Kivu? L’opposition de Kamerhe ne réduirait-t-il pas  le fief supposé de Kabila à sa portion congrue ? Faux. D’abord la réussite électorale ne tient qu’à la triche et à l’intimidation, autrement JP Bemba serait au pouvoir. Ensuite le Kivu et Maniema seront très disputés lors des élections à venir. Les CNDP, Mayi Mayi et autres groupuscules sortiront les gros moyens pour se faire élire afin d’exister au lendemain des élections et pourquoi pas, faire élire leur leader Joseph Kabila.
Valentin Mubake pour sa part, sait qu’il ne peut prétendre à la succession de Tshisekedi que s’il émergeait des élections législatives comme leader régional en se faisant élire comme député avec une marge confortable.  Kabila ne sera pas en reste et se battra pour avoir à tout prix l’Est du Congo dans sa gibecière. Donc, s’il était sincère en étant opposant, Kamerhe ne serait pas moins rien qu’un épouvantail. Plutôt un leader comme un autre.

8. Pas de conflit idéologique avec Kabila. N’eut-été sa déclaration « malheureuse » sur Radio Okapi en février 2009 ( sur l’entré des troupes rwandaises au Kivu sans l’accord de l’Assemblée nationale), M. Kamerhe trônerait encore au Parlement. Nous savons quelles sont les idées de Tshisekedi ou Ngbanda et ce qu’ils reprochent à Joseph Kabila. Qu’est-ce qui l’oppose à Kabila ? A y voir de près, c’est puisqu’ il n’a pas apprécié d’être lâché par le Président au point de perdre le Perchoir qu’il a décidé d’aller en dissidence contre Kabila. Amorce-t-on une carrière politique sur une saute d’humeur ?

A qui comparerions-nous Vital Kamerhe ? Plutôt à un Ngunz-a Karl-i-Bond qu’à Honoré Ngbanda ou E. Tshisekedi. Le charisme et la réputation internationale en moins. Comme Ngunz, il est versatile. Comme Ngunz, il a le verbe facile. Comme Ngunz il aime la vie facile. Et pour entretenir ce train de vie, il convient d’être du coté de « la mangeoire ». Pas ailleurs. Aussi, l’ « alliance triangle Tshisekedi-Bemba-Kamerhe » que prône Vital Kamerhe ne serait qu’un moyen d’infiltrer l’opposition afin qu’au final gagne son champion. L’homme est-il sincère ? Il nous est permis de douter, au vu de ce qui précède. Ses faits et gestes dans les prochains jours nous renseigneront davantage. (A suivre).

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