Les violences continuent en Algérie, où après la prière du vendredi, des affrontements ont éclaté à Alger, Oran et Annaba entre des groupes de jeunes et les forces de l’ordre.
D’un côté, pneus enflammés, jets de pierres et de bouteilles en verre. De l’autre, coups de matraques, grenades lacrymogènes et canons à eau… Après la prière du vendredi, les affrontements entre manifestants et forces de l'ordre ont repris à Alger, dans le quartier populaire de Belouizdad (Belcourt), tandis que des incidents similaires éclataient à Annaba, dans l'est de l'Algérie.
Épargnée jusqu'à présent par la contestation qui a touché une dizaine de départements, la ville d’Annaba a été le théâtre de violents affrontement dans le quartier populaire dit « gazomètre ». Les incidents ont commencé vers 15 heures locales(14 heures GMT) quand des centaines de jeunes se sont mis à lancer des pierres contre les policiers déployés depuis la veille, en particulier autour des bureaux de la wilaya (département).
Une jeunesse sans perspective
À Oran (Ouest), où plusieurs édifices publics avaient été saccagés mercredi soir, les échauffourées ont repris vendredi après-midi dans la quartier du Petit-Lac, à quelque 2 km de la ville. Des dizaines de jeunes ont attaqué avec des pierres des policiers qui ont riposté avec des grenades lacrymogènes. La contestation s'est également propagée à certains quartiers de Tébessa, ville de l'est proche de la frontière tunisienne.
Les moins de 30 ans constituent 75 % des 35,6 millions d'Algériens. Depuis plus d'une semaine, des jeunes dénoncent un peu partout dans le pays les passe-droits, la corruption et ce qu'ils appellent leur « mal-vivre », un terme recouvrant le chômage (qui touche plus de 20 % des jeunes), le manque de logements, mais aussi la cherté de la vie. Les produits de première nécessité ont récemment augmenté de 20 à 30 %.
"Nous n'en voulons plus" de cette "vie sans lendemain"
"Nous crions, brûlons, cassons" car c'est le seul langage qu'ils comprennent. "De cette vie sans lendemain, nous n'en pouvons plus. Nous n'en voulons plus", clame "Johnny", déterminé vendredi encore à en découdre dans son quartier algérois de Bab el Oued.Ce quartier densément peuplé, considéré comme le coeur de toutes les révoltes d'Algérie, a vécu ces deux dernières nuits des émeutes extrêmement violentes contre la vie chère et l'augmentation soudaine des prix de première nécessité au 1er janvier.
Avec leurs jets de pierres, feux d'artifices allumés à 3 mètres de la cible, sabres et bâtons, ces jeunes ont attaqué un commissariat mercredi, incendié nombre de commerces qu'ils ont vidés aux petites heures du matin "sans rencontrer la moindre opposition de la police", ont affirmé plusieurs témoins.
Face à eux, les forces de l'ordre, en nombre, ont fait un large usage de canons à eau, de gaz lacrymogènes et de balles à blanc, "de crainte de faire des martyrs", selon les mots d'un Algérois rompu aux manifestations.
Il demeurait impossible vendredi d'avoir un quelconque bilan d'éventuelles victimes.
"Johnny", casquette vissée sur la tête, 18 ans, fume et prend un air de caïd entouré de camarades du même âge. Ils ne veulent pas révéler leur identité et fustigent tout ce qui représente l'autorité du pays.
Appuyés contre le mur d'un bâtiment sur la fameuse placette des Trois Horloges, l'un des lieux les plus chauds des émeutes, ils aiguisent leur agressivité avec des gros mots pour "réveiller les sourds à la misère du peuple".
"Il faut leur servir de la violence. Ils veulent qu'on les écoute et ils nous écoutent pas", lance "Johnny", comme "Johnny Cash, dit-il, mais sans le cash". . .
"Nous n'avons ni travail, ni avenir. Et maintenant on ne peut même plus manger", lance le plus grand du groupe, barbe parsemée et os saillants.
Il éclate de rire lorsqu'on lui demande son nom et se contente de dire: "Ecoutes, plutôt. Les carottes, tu les paies maintenant 45 dinars le kilo (environ 45 centimes d'euro), les patates 75 dinars et moi on me paie 800 dinars par jour (moins de 8 euros), quand il y un patron qui veut bien de moi pour conduire son camion".
Le petit groupe se tait à l'approche de "deux paires d'oreilles", selon l'expression de l'un d'eux.
Car si la police en uniforme se voit, elle ne paraît pas massivement dominer le quartier. En revanche, à tous les coins de rue, des policiers en civil sont armés et entourés d'une armada d'informateurs, a constaté la journaliste de l'AFP.
Plus à l'est sur les hauteurs algéroises, des jeunes surveillent Belcourt, quartier densément peuplé où les affrontements ont à nouveau éclaté vendredi en fin d'après-midi.
Abdou, 24 ans, ne va pas se battre avec eux. "Je ne le fais pas parce que je suis seul à vouloir le faire, dit-il entouré de quatre copains. Mais je les comprends", dit cet étudiant, convaincu que son gouvernement "prive son peuple et sa jeunesse d'avenir". Quelque 75% des Algériens ont moins de 30 ans.
Abdelnour, 24 ans également, chômeur, marié, un enfant, attend la suite des événements. "Les jeunes d'aujourd'hui, dit-il, ne sont pas comme ceux de la révolte de la Faim en octobre 1988. Ils sont bien plus violents".
"Ils ont tout à gagner s'ils arrachent l'argent des gros de ce pays, riche en milliards de dollars de pétrole", ajoute cet ancien vendeur.
Mais pour le ministre algérien de la Jeunesse et des Sports Hachemi Djiar, les jeunes qui ont saccagé des édifices publics et des commerces devraient plutôt "réfléchir et voir tout ce qui a été réalisé en Algérie".
La violence, a-t-il dit, "n'a jamais donné de résultats".
Violents incidents à Annaba
Les affrontements entre manifestants et forces de l'ordre ont repris vendredi à Alger tandis que de violents incidents ont éclaté à Annaba, dans l'est de l'Algérie, où des manifestants ont affronté la police, ont constaté des correspondant de l'AFP.A Alger, dans le quartier populaire de Belouizdad (Belcourt), des groupes de jeunes ont affronté avec des pierres et des bouteilles en verre des policiers déployés en masse et lourdement armés, selon ces sources.
Les policiers se sont opposés aux manifestants en faisant usage de canons à eau et de gaz lacrymogènes.
A Annaba, épargnée jusqu'à présent par la contestation qui s'est étendue depuis son début à une dizaine de départements, de violents incident ont éclaté après la grande prière du vendredi dans le quartier populaire dit "gazomètre", selon un correspondant de l'AFP
Les incidents ont commencé vers 15H00 (14H00 GMT) quand des centaines de jeunes se sont mis à lancer une pluie de pierres contre des policiers déployés depuis la veille, notamment autour des bureaux de la wilaya (département).
Les échauffourées se sont ensuite étendues à la cité voisine des Lauriers-Roses avant que les manifestants ne coupent avec des barricades la principale artère menant vers le Centre hospitalier universitaire de la ville, selon la même source.
A Oran, la grande métropole de l'ouest algérien, où plusieurs édifices publics avaient été saccagés mercredi soir, les échauffourées ont repris vendredi après-midi dans la quartier du Petit-Lac, à quelque 2 km de la ville.
Des dizaines de jeunes ont attaqué avec des pierres des policiers qui ont riposté avec des grenades lacrymogènes, selon un correspondant de l'AFP.
Depuis plus d'une semaine, de petits groupes de jeunes dénoncent un peu partout dans le pays ce qu'ils appellent leur "mal-vivre", que ce soit faute d'emploi -plus de 20% des jeunes sont chômeurs- ou faute de logements.
Les jeunes --les moins de 30 ans constituent 75% des 35,6 millions d'Algériens-- dénoncent aussi pèle-mêle la cherté de la vie, les passe-droits et la corruption.
La France dans l'embarras face aux troubles en Tunisie et Algérie
Pas d'appel à la libération de blogueurs en Tunisie, pas ou peu de réaction face aux émeutes qui secouent l'Algérie. . . La France, souvent prompte à appeler à la liberté d'expression dans le monde et à la retenue lors de manifestations, est dans l'embarras avec ses voisins du sud."Le silence des alliés de Tunis n'est pas sain. On laisse à Zine El Abidine Ben Ali (président de la Tunisie) le temps de se retourner (. . . ) On le soutient, on fera comme d'habitude", déplore Souhayr Belhassen, de nationalité tunisienne, présidente de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH) basée à Paris.
Vendredi, le ministère français des Affaires étrangères s'est retranché lors de son point-presse quotidien, à propos de l'Algérie, derrière un banal: "Nous suivons la situation avec attention". Rien sur la Tunisie et les blogueurs et cyber-dissidents arrêtés la veille, selon des ONG.
Lors d'un colloque au ministère français de l'Economie, portant sur les relations entre les deux rives de la Méditerranée, un seul intervenant, tunisien, s'est saisi vendredi des mouvements sociaux qui touchent le Maghreb pour réclamer à l'Europe une ouverture et non un repli face au Sud.
"Imaginez un ou deux Mahmoud Ahmadinejad (président d'Iran) arrivant au pouvoir en Algérie, en Tunisie ou au Maroc (. . . ) C'est entre cinq et dix millions de personnes qui quitteraient l'Afrique du Nord, en bateaux, à la nage, sur des radeaux, pour venir en Corse, en Sardaigne, en Sicile, sur la Côte d'Azur", a mis en garde Tarak Ben Ammar, hommes d'affaires et producteur.
Sans citer de pays, la ministre française des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, également présente, s'est bornée à évoquer "la problématique de l'emploi" à laquelle il faut trouver une solution. Selon les experts, le chômage qui frappe en particulier les jeunes diplômés est l'une des causes de la crise qui frappe la Tunisie et l'Algérie.
Lors d'un voyage en octobre à Alger, alors qu'elle était ministre de la Justice, Mme Alliot-Marie avait parlé des relations franco-algériennes comme étant "très étroites, un peu comme dans un couple".
La réserve, voire le silence, affichée par la diplomatie française tant à l'égard de la Tunisie que de l'Algérie, tient sans doute aux intérêts économiques importants entretenus dans ces pays par la France et à la présence sur le territoire français d'importantes communautés maghrébines.
"Si jamais la situation empirait, la France craint un débordement de l'immigration en France avec les tensions que cela comporte", estime à propos de l'Algérie Karim Pakzdad, de l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris).
De son côté, la Tunisie a longtemps été perçue par Paris comme un "modèle" dans la région du Maghreb "pour ses progrès économique et social, sa maîtrise des courants migratoires, sa lutte contre le terrorisme", ajoute ce chercheur.
La retenue française vient aussi probablement des accès de tension survenus au cours des deux dernières années avec Tunis et Alger qui, bien qu'aujourd'hui résorbés, ont marqué les esprits au Quai d'Orsay.
En février 2010, l'ex-chef de la diplomatie française Bernard Kouchner avait affirmé que la relation bilatérale, passionnelle depuis près d'un demi-siècle, serait "peut-être plus simple" lorsque la génération de l'indépendance algérienne ne serait plus au pouvoir. Alger avait vivement réagi et refusé toute visite du ministre.
Avec la Tunisie, la relation s'était aussi sévèrement refroidie après des critiques en novembre 2009 du même Bernard Kouchner après des arrestations de journalistes tunisiens. Il s'était dit "déçu" et avait qualifié ces détentions d'"inutiles". Tunis avait alors dénoncé une "ingérence étrangère inacceptable".
Les partis réclament des mesures pour enrayer la flambée des prix en Algérie
La majorité des partis politiques algériens ont appelé le gouvernement à prendre des mesures pour enrayer la flambée des prix, à l'origine des émeutes qui ont fait depuis mercredi deux morts et environ 400 blessés, dont 300 policiers.Ces prises de positions sont intervenues alors qu'un comité interministériel était réuni samedi pour tenter de juguler l'augmentation des prix des denrées de base.
Le Front de libération nationale (FLN, au pouvoir) a appelé "à la mise en oeuvre de mesures concrètes pour contrer la flambée des prix et protéger le pouvoir d'achat" des Algériens, dans un communiqué transmis samedi à l'AFP.
"Un contrôle doit être imposé sur les prix. La spéculation et le monopole doivent être combattus", a ajouté le FLN qui a condamné "le vol et le pillage" des infrastructures publique et des bien privés.
Le Mouvement de la Société pour la Paix (MSP, islamique), membre avec le FLN d'une coalition gouvernementale, a plaidé pour "le plafonnement des prix" des produits de base pour "atténuer les tensions sociales".
La secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT, troskyste), Louisa Hanoune, a de son côté appelé le gouvernement à "ouvrir la porte du dialogue autour de toutes les mesures pouvant être prises afin d'améliorer les conditions socioprofessionnelles" des Algériens.
Le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, opposition) a estimé que les manifestations de jeunes "décrites, à juste titre, comme la conséquence d'une inflation débridée, connaissent aussi des raisons plus profondes".
"On ne peut pas fermer tous les espaces d'expression à l'opposition et se désoler que la rue s'impose comme le lieu de révélation de la problématique sociale", a précisé à l'AFP le président du RCD, Saïd Sadi.
"Je suis député d'Alger et président d'un parti politique, cela fait plus de six ans que je n'ai pas pu m'exprimer à la télévision et à la radio, en dehors des campagnes électorales", a-t-il ajouté.
Le Front des forces socialistes (FFS) du chef historique Hocine Aït Ahmed a estimé que les dernières augmentations de prix "ont exacerbé les sentiments d'insécurité et de peur chez beaucoup d'Algériens et d'Algériennes".
Il a appelé à la prise de "mesures d'ouverture politique" portant sur "la levée de l'état d'urgence, en vigueur depuis 1992, le rétablissement des libertés civiles, l'ouverture du champ médiatique et la garantie des droits d'association et de manifestation".
Nouvelles violences à Annaba, transformée en ville fantôme
De nouvelles violences dans la ville côtière d'Annaba (600 km à l'est d'Alger) ont opposé samedi manifestants et forces de l'ordre et transformé cette agglomeration de 800. 000 habitants en cité fantôme, selon des sources concordantes. Evènement.
Au moins 21 personnes ont été blessées, dont sept policiers, depuis vendredi, selon les secouristes, et la police a arrêté une cinquantaine de manifestants, selon une source préfectorale dans cette ville proche de la frontière avec la Tunisie.
Samedi, des jeunes manifestants ont brûlé des pneus et dressé des barricades pour barrer les accès du centre de cette métropole industrielle, ont rapporté les correspondants de presse. Et ils ont lancé des pierres contre les brigades anti-émeutes de la police, qui ont riposté par des tirs de gaz lacrymogènes.
De crainte de nouveaux pillages, les magasins ont gardé leurs rideaux baissés alors que les transports en commun étaient rares.
Annaba, surnommée "la coquette" pour la beauté de ses plages, offrait l'image d'une ville fantôme. Le Cours de la Révolution, principale avenue sur le front de mer, abritant des banques, des édifices publics et des représentations consulaires, faisait l'objet d'une surveillance renforcée des forces de l'ordre.
Avec AFP
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