Ce serait à l'issue d'un accrochage au Mali entre forces spéciales françaises et ravisseurs que les corps ont été retrouvés.
C'est Nicolas Sarkozy en personne qui a donné, samedi, l'ordre d'intervenir aux unités des forces spéciales françaises pour intercepter les ravisseurs de deux otages français, Antoine de Léocour et Vincent Delory, enlevés vendredi vers 23 h 15 au restaurant Le Toulousain de Niamey, au Niger.
Samedi, vers 16 h 30, le président de la République est en Martinique. Il ouvre une table ronde à Schoelcher et déclare en préambule : "A la minute où je vous parle, il semble, je suis prudent, que la garde nationale nigérienne poursuive les terroristes dans leur progression vers le Mali. Cette opération est en cours." En réalité, Nicolas Sarkozy sait exactement ce qui se déroule de l'autre côté de l'Atlantique, dans le désert du Sahel. Il est d'ailleurs très possible qu'il sache déjà les tragiques conclusions de cette opération, dont nous avons pu reconstituer, au moins partiellement, le fil. Les militaires n'aiment jamais parler à chaud de leurs opérations, préférant attendre pour les évoquer que tous les rapports de mission soient remontés vers l'état-major des armées. Circonstances "aggravantes" dans ce cas précis : les forces spéciales françaises sont intervenues, et leurs opérations ne sont jamais détaillées ni commentées à chaud.
Échanges de coups de feu
Lorsque les deux Français sont enlevés à Niamey, l'armée nigérienne réagit rapidement, selon des sources militaires à Paris. Les Forces nationales d'intervention et de sécurité (FNIS, ex-garde républicaine) se lancent à la poursuite du véhicule des ravisseurs et les autorités nigériennes activent des postes de contrôle sur les routes allant de Niamey à la frontière avec le Mali, au nord.
Dans la nuit, vers trois heures du matin, c'est l'un de ces postes qui intercepte le véhicule en fuite. Selon nos sources, cette interception se produit vers Tillabéri, à la limite de la route goudronnée se dirigeant vers le nord. Des échanges de coups de feu éclatent, un officier nigérien est tué et les ravisseurs passent en force. Mais cette fois, le véhicule est "accroché" par un avion Bréguet Atlantique de la marine française qui, en alerte permanente, avait décollé au milieu de la nuit d'un aéroport de la région. Dès lors, les observateurs à bord de l'appareil ne lâcheront plus les ravisseurs qui poursuivent leur route vers le Mali, toujours traqués au sol par les forces nigériennes.
Deux soldats français blessés
En fin d'après-midi, les ravisseurs, qui ont fait une pause de plusieurs heures sur leur itinéraire, ont été rejoints par d'autres véhicules. Lorsqu'ils arrivent à la frontière malienne, aux abords de leur "zone refuge", ils sont nettement plus nombreux. Combien, précisément ? Impossible de le savoir à ce stade. Où se trouvent-ils vers 16 heures ? À Paris, on regarde ailleurs en affirmant : "Dans la zone frontalière entre le Mali et le Niger." En réalité, il semble bien qu'ils avaient déjà franchi la frontière et ils pouvaient donc se trouver au Mali. Ils vont avoir affaire à forte partie, car c'est alors - selon nos informations - qu'ils ont affronté les forces spéciales françaises. Des commandos du Commandement des opérations spéciales (COS) avaient, en effet, décollé de leur base non officielle de Ouagadougou (Burkina Faso) à bord de plusieurs hélicoptères. Les échanges de coups de feu ont été violents, et c'est à l'issue de cet accrochage, indique une source militaire française, que les corps des deux Français assassinés ont été retrouvés.
Du côté des ravisseurs, indique cette même source, "plusieurs ont été neutralisés définitivement, d'autres moins définitivement et d'autres encore se sont carapatés". Du côté français, deux militaires ont été "légèrement" blessés. Terme qui, précisons-le, n'est pas ici synonyme de "superficiellement". Il signifie qu'après leur convalescence, ces blessés ne connaîtront pas de séquelles physiques.
Message aux ravisseurs
L'identité des ravisseurs n'est pas formellement établie d'après le colonel Thierry Burkhard, porte-parole de l'état-major des armées à Paris. Mais d'autres sources militaires affirment qu'il s'agit de l'une des deux katiba concurrentes dans l'Aqmi, celle de Mokhtar Belmokhtar. Pour des sources proches du renseignement français, Abdelhamid Abou Zeïd (assassin de l'otage britannique Edwin Dyer en 2009, ravisseur du Français Michel Germaneau mort en juillet 2010 et geôlier des otages d'Arlit) n'est pas concerné par l'enlèvement.
Quant à qualifier l'opération, l'état-major des armées explique qu'il ne s'agit "pas d'un succès". "Notre but était de libérer les otages, pas de faire du bilan sur l'Aqmi." Une autre source militaire est plus radicale : "L'opération d'enlèvement des otages a échoué, et il faut le dire. Le risque de mort des otages a toujours été pris en compte. Mais le message qui a été envoyé aux ravisseurs était clair, fort, délibéré et voulu comme tel. Ça suffit ! Nous disons aux ravisseurs : nous vous pourchasserons et nous vous détruirons, y compris si nos otages y perdent la vie. Je suis bien sûr navré pour ces morts de deux compatriotes. Mais je le dis : c'est une opération réussie."
Selon nos informations, le général Frédéric Beth, chef du Commandement des opérations spéciales, se trouve actuellement dans l'avion qui le conduit à Niamey. Il sera rejoint lundi dans la journée par le ministre de la Défense Alain Juppé, qui a modifié l'organisation de la brève tournée dans l'Ouest africain qu'il devait démarrer dimanche.
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