RFI : Quel était l’objectif d’al-Qaïda en enlevant ces deux Français ?
Mathieu Guidère : Al-Qaïda voulait d’abord démontrer qu’elle était capable d’atteindre les Français partout où ils se trouvent et qu’elle était déterminée à récupérer deux Français supplémentaires pour les adjoindre aux cinq Français qu’elle détient déjà.
RFI : Pourquoi les ravisseurs voulaient-ils prendre deux otages supplémentaires ?
M. G. : En réalité, c’est parce que lors de l’opération franco-mauritanienne de l’été dernier, qui visait à sauver Michel Germaneau, la France avait neutralisé une cellule d’al-Qaïda avec sept combattants et le chef d’al-Qaïda avait considéré qu’il était de son devoir de venger ses combattants. Et depuis, nous sommes dans une logique de vengeance qui n’en finit pas aujourd’hui.
RFI : Donc sept otages français contre sept terroristes tués en juillet dernier près de Tombouctou, est-ce cela ?
M. G. : Oui, dans la logique interne de l’organisation, nous sommes effectivement dans une vendetta, œil pour œil, dent pour dent. C’est dans ce sens que ce commando, malheureusement, probablement, est allé chercher deux Français dans un café qui était d’ailleurs rempli de Français.
RFI : Donc pour vous, ce commando n’était pas commandité par un rival d’Abou Zeid comme Moctar Ben Moctar par exemple ?
M. G. : Non, je ne crois pas. Moctar Ben Moctar reste relativement sur son territoire, à savoir plutôt l’ouest du Sahel. Cette région, qui est plutôt l’est du Sahel, est dominée par les groupes dépendants essentiellement d’Abou Zeid.
RFI : Avant, les terroristes frappaient au nord du Mali ou au nord du Niger. Aujourd’hui, ils n’hésitent pas à frapper dans une capitale africaine. Est-ce qu’il y a un message ?
M. G. : Le message, c’est que... al-Qaïda veut faire croire que les Français ne sont en sécurité nulle part. C’est le message qui a été répété par Oussama ben Laden lors de son message au peuple français. Et c’est en frappant au cœur d’une capitale présumée sûre qu’ils veulent justement semer la pagaille, semer la zizanie et la peur parmi la communauté française à l’étranger.
RFI : Alors de fait à Paris, le Quai d’Orsay affirme que désormais, dans la région, aucun endroit ne peut plus être considéré comme sûr. Après Arlit, est-ce que le Quai pourrait demander aux Français d’évacuer Niamey par exemple ?
M. G. : Le Quai d’Orsay pourrait toujours demander, mais le problème c’est qu’il y a des enjeux économiques, qu’on a des gens qui ont leur vie là-bas, qui ont investi. Je ne pense pas que cela soit une solution raisonnable. La solution la plus raisonnable serait de mettre en garde les Français contre ce type de menace et qu’ils prennent eux-mêmes des mesures qui soient sûres et qu’ils n’aillent pas dans ces endroits en croyant qu’ils sont dans un endroit sûr. Il faut prendre les mesures qui s’imposent pour se protéger, pour protéger ses biens, ses intérêts.
RFI : Il y a actuellement quelque 1 500 Français à Niamey. Il y a un lycée français, des coopérants. Donc pour vous, la France ne peut pas plier bagage du jour au lendemain ?
M. G. : Non, d’ailleurs nulle part en Afrique. Bien sûr les expatriés peuvent décider de rentrer s’ils le souhaitent. C’est une décision personnelle de chacun, mais je crois qu’il serait dommageable à la fois à la présence française dans cette région, dommageable à l’économie, à l’intérêt de ces pays-là, que le Français plient bagage du jour au lendemain.
RFI : Un officier nigérien nous confiait hier « un kidnapping à 700 mètres de la présidence, pour nous c’est un affront insupportable ». Est-ce que Salou Djibo et Nicolas Sarkozy ont décidé de stopper la colonne des ravisseurs pour envoyer un message de fermeté ?
M. G. : Probablement. Je le pense. Je pense que le président Nicolas Sarkozy et le président nigérien ont probablement pris cette décision pour justement dire qu’on ne peut pas se permettre d’aller dans la capitale d’un pays, d’enlever des citoyens et de repartir avec impunément. Probablement oui. C’est une décision politique très importante mais qui s’imposait manifestement aux deux présidents.
RFI : Au risque de la vie de deux otages ?
M. G. : Vous savez, on sait que c’est au cours des premières vingt-quatre heures que tout se joue et que, par la suite, c’est vraiment très risqué. On ne sait pas si on peut récupérer les personnes vivantes, on ne sait pas comment faire pour les récupérer. Et là je crois que la décision a été prise de tenter de les sauver pendant qu’on a encore leurs traces.
RFI : On ne touche pas aux capitales africaines ? Il ne faut pas laisser créer un précédent, est-ce bien cela ?
M. G. : Là c’est une décision je crois de chaque président, de chaque capitale bien sûr. On le voit à travers l’insistance des forces nigériennes qui n’ont pas lâché prise tout au long de la nuit, que les Nigériens ne veulent pas que leur capitale apparaisse comme étant une passoire, comme étant perméable à tous les terroristes de la région. Mais malheureusement, cela fait qu’il y a des victimes qui peuvent en pâtir.
RFI : Pierre Camatte, Michel Germaneau, les cinq otages d’Arlit, les deux de Niamey. Depuis un an, à quelques exceptions près, la plupart des expatriés enlevés sont Français. Est-ce un hasard ?
M. G. : Non, malheureusement ce n’est pas un hasard. Après l’opération franco-mauritanienne de cet été pour tenter de sauver Michel Germaneau, nous sommes entrés dans une logique de la vengeance contre la France, contre les intérêts français. C’est en particulier le message de Ben Laden le 27 octobre 2010 qui a désigné la France, pour la première fois d’ailleurs, chose unique, comme un ennemi global au même titre que les Etats-Unis. Et c’est là véritablement le tournant pour tous les jihadistes de base, cela suffit pour s’attaquer aux Français et aux intérêts français.
RFI : Voilà près de quatre mois que cinq Français, un Togolais et un Malgache sont otages d’al-Qaïda dans le nord du Mali. Cette affaire tragique peut-elle avoir des conséquences pour eux ?
M. G. : Le fait qu’il y ait de nouveau une perte de combattants d’Aqmi peut effectivement entraîner encore une logique de vengeance et peut faire en sorte que Aqmi voudra se venger d’avoir perdu ses hommes. Les otages eux-mêmes ne semblent pas pour l’instant menacés parce qu’ils constituent tout de même une carte très importante entre les mains des terroristes. Ils ne peuvent pas se permettre de les sacrifier alors qu’ils n’ont rien obtenu encore. Mais par contre, sur le long terme, cela n’augure pas d’un apaisement de la situation sécuritaire dans cette région.
Mathieu Guidère : Al-Qaïda voulait d’abord démontrer qu’elle était capable d’atteindre les Français partout où ils se trouvent et qu’elle était déterminée à récupérer deux Français supplémentaires pour les adjoindre aux cinq Français qu’elle détient déjà.
RFI : Pourquoi les ravisseurs voulaient-ils prendre deux otages supplémentaires ?
M. G. : En réalité, c’est parce que lors de l’opération franco-mauritanienne de l’été dernier, qui visait à sauver Michel Germaneau, la France avait neutralisé une cellule d’al-Qaïda avec sept combattants et le chef d’al-Qaïda avait considéré qu’il était de son devoir de venger ses combattants. Et depuis, nous sommes dans une logique de vengeance qui n’en finit pas aujourd’hui.
RFI : Donc sept otages français contre sept terroristes tués en juillet dernier près de Tombouctou, est-ce cela ?
M. G. : Oui, dans la logique interne de l’organisation, nous sommes effectivement dans une vendetta, œil pour œil, dent pour dent. C’est dans ce sens que ce commando, malheureusement, probablement, est allé chercher deux Français dans un café qui était d’ailleurs rempli de Français.
RFI : Donc pour vous, ce commando n’était pas commandité par un rival d’Abou Zeid comme Moctar Ben Moctar par exemple ?
M. G. : Non, je ne crois pas. Moctar Ben Moctar reste relativement sur son territoire, à savoir plutôt l’ouest du Sahel. Cette région, qui est plutôt l’est du Sahel, est dominée par les groupes dépendants essentiellement d’Abou Zeid.
RFI : Avant, les terroristes frappaient au nord du Mali ou au nord du Niger. Aujourd’hui, ils n’hésitent pas à frapper dans une capitale africaine. Est-ce qu’il y a un message ?
M. G. : Le message, c’est que... al-Qaïda veut faire croire que les Français ne sont en sécurité nulle part. C’est le message qui a été répété par Oussama ben Laden lors de son message au peuple français. Et c’est en frappant au cœur d’une capitale présumée sûre qu’ils veulent justement semer la pagaille, semer la zizanie et la peur parmi la communauté française à l’étranger.
RFI : Alors de fait à Paris, le Quai d’Orsay affirme que désormais, dans la région, aucun endroit ne peut plus être considéré comme sûr. Après Arlit, est-ce que le Quai pourrait demander aux Français d’évacuer Niamey par exemple ?
M. G. : Le Quai d’Orsay pourrait toujours demander, mais le problème c’est qu’il y a des enjeux économiques, qu’on a des gens qui ont leur vie là-bas, qui ont investi. Je ne pense pas que cela soit une solution raisonnable. La solution la plus raisonnable serait de mettre en garde les Français contre ce type de menace et qu’ils prennent eux-mêmes des mesures qui soient sûres et qu’ils n’aillent pas dans ces endroits en croyant qu’ils sont dans un endroit sûr. Il faut prendre les mesures qui s’imposent pour se protéger, pour protéger ses biens, ses intérêts.
RFI : Il y a actuellement quelque 1 500 Français à Niamey. Il y a un lycée français, des coopérants. Donc pour vous, la France ne peut pas plier bagage du jour au lendemain ?
M. G. : Non, d’ailleurs nulle part en Afrique. Bien sûr les expatriés peuvent décider de rentrer s’ils le souhaitent. C’est une décision personnelle de chacun, mais je crois qu’il serait dommageable à la fois à la présence française dans cette région, dommageable à l’économie, à l’intérêt de ces pays-là, que le Français plient bagage du jour au lendemain.
RFI : Un officier nigérien nous confiait hier « un kidnapping à 700 mètres de la présidence, pour nous c’est un affront insupportable ». Est-ce que Salou Djibo et Nicolas Sarkozy ont décidé de stopper la colonne des ravisseurs pour envoyer un message de fermeté ?
M. G. : Probablement. Je le pense. Je pense que le président Nicolas Sarkozy et le président nigérien ont probablement pris cette décision pour justement dire qu’on ne peut pas se permettre d’aller dans la capitale d’un pays, d’enlever des citoyens et de repartir avec impunément. Probablement oui. C’est une décision politique très importante mais qui s’imposait manifestement aux deux présidents.
RFI : Au risque de la vie de deux otages ?
M. G. : Vous savez, on sait que c’est au cours des premières vingt-quatre heures que tout se joue et que, par la suite, c’est vraiment très risqué. On ne sait pas si on peut récupérer les personnes vivantes, on ne sait pas comment faire pour les récupérer. Et là je crois que la décision a été prise de tenter de les sauver pendant qu’on a encore leurs traces.
RFI : On ne touche pas aux capitales africaines ? Il ne faut pas laisser créer un précédent, est-ce bien cela ?
M. G. : Là c’est une décision je crois de chaque président, de chaque capitale bien sûr. On le voit à travers l’insistance des forces nigériennes qui n’ont pas lâché prise tout au long de la nuit, que les Nigériens ne veulent pas que leur capitale apparaisse comme étant une passoire, comme étant perméable à tous les terroristes de la région. Mais malheureusement, cela fait qu’il y a des victimes qui peuvent en pâtir.
RFI : Pierre Camatte, Michel Germaneau, les cinq otages d’Arlit, les deux de Niamey. Depuis un an, à quelques exceptions près, la plupart des expatriés enlevés sont Français. Est-ce un hasard ?
M. G. : Non, malheureusement ce n’est pas un hasard. Après l’opération franco-mauritanienne de cet été pour tenter de sauver Michel Germaneau, nous sommes entrés dans une logique de la vengeance contre la France, contre les intérêts français. C’est en particulier le message de Ben Laden le 27 octobre 2010 qui a désigné la France, pour la première fois d’ailleurs, chose unique, comme un ennemi global au même titre que les Etats-Unis. Et c’est là véritablement le tournant pour tous les jihadistes de base, cela suffit pour s’attaquer aux Français et aux intérêts français.
RFI : Voilà près de quatre mois que cinq Français, un Togolais et un Malgache sont otages d’al-Qaïda dans le nord du Mali. Cette affaire tragique peut-elle avoir des conséquences pour eux ?
M. G. : Le fait qu’il y ait de nouveau une perte de combattants d’Aqmi peut effectivement entraîner encore une logique de vengeance et peut faire en sorte que Aqmi voudra se venger d’avoir perdu ses hommes. Les otages eux-mêmes ne semblent pas pour l’instant menacés parce qu’ils constituent tout de même une carte très importante entre les mains des terroristes. Ils ne peuvent pas se permettre de les sacrifier alors qu’ils n’ont rien obtenu encore. Mais par contre, sur le long terme, cela n’augure pas d’un apaisement de la situation sécuritaire dans cette région.
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