mardi 11 janvier 2011

Vital KAMERHE : Quelle mouche a donc piqué Joseph KABILA ?

imageVital KAMERHE - Président honoraire du Parlement et ancien secrétaire général du PPRD


Président du tout nouveau parti «U.N.C» (Union de la Nation Congolaise), Vital Kamerhe a séjourné à Bruxelles où il a eu une séance de travail avec les membres du comité provisoire de la «Fédération Benelux» de cette formation politique. La rencontre a eu lieu samedi 8 janvier dans un hôtel bruxellois. En marge de cette rencontre, il a annoncé que les représentants des forces de l’opposition devaient faire une déclaration commune dimanche 9 janvier à Kinshasa. Dans un entretien avec Congoindépendant, l’ancien président de l’Assemblée nationale a bien voulu répondre à quelques questions d’actualités.
"L’UNC a un programme. Mais, il ne sert à rien de rabattre les oreilles de la population congolaise avec des termes sophistiqués tels que les «agrégats macro-économiques». Il faut faire simple : la population congolaise a des besoins essentiels qui ne sont pas satisfaits. Cette population a faim et soif. Elle veut des emplois, des soins de santé, une éducation de qualité et un habitat." Le développement économique et social du Congo doit partir de l’arrière-pays, selon le modèle brésilien. L’UNC entend instaurer l’Etat de droit et réhabiliter les fonctions régaliennes de l’Etat. La RD Congo ressemble aujourd’hui a un éléphant couché dont les membres ne sont pas brisés. Nous devons remettre cet éléphant sur ses quatre pattes. Les leaders de l’opposition ont décidé d’élaborer un programme électoral commun." C’est la substance du message transmis par le président de l’UNC à l’assistance venue l’écouter. 

«UNC, Mopepe ya Sika !»

Trois semaines après la sortie officielle de son parti, Vital Kamerhe est venu à Bruxelles échanger avec les membres du comité provisoire de la représentation de cette organisation au Benelux. Il est 17 heures 15 lorsque les participants, venus des quatre coins de Belgique, se sont engouffrés dans la salle de réunion. En attendant l’installation officielle de l’équipe, prévue le 23 janvier, Lino Amedika, Christian Buhendwa et Nico Kalimera animent respectivement les sections de la Région-Bruxelles-Capitale, de la Flandre et de la Wallonie. Des sympathisants venus de France et du Royaume-Uni étaient également présents. Au total, une quarantaine de personnes a répondu au rendez-vous. Quelques visages connus sont là ! C’est le cas notamment de : Hilaire Lumbaie Mulumba, alias «Tatu Hilaire», secrétaire fédéral pour le Benelux, Henri Nswana, ancien ambassadeur de la RD Congo à Londres et Guy Lokota. Après avoir fait entonner le slogan «UNC, mopepe ya sika !», Tatu Hilaire cède la parole à l’orateur du jour. 
Sur un ton de «causerie», Kamerhe a, exprimé, en liminaire, le vœu de voir l’année 2011 inaugurer une ère de «recrédibilisation» de la RD Congo. Il dit espérer voir le pays «quitter la zone de la honte, de la pauvreté et de l’humiliation». «Quand la locomotive est obsolète, il ne faut pas la rafistoler. Il faut simplement la remplacer !», lance-t-il. Le message paraît limpide. Pour lui, il faut mettre sur les rails une «nouvelle locomotive». Celle-ci devrait se présenter sous la forme d’un «leadership» incarné par des hommes et des femmes animés par deux ambitions majeures : la promotion du bien-être collectif et la défense de la souveraineté nationale.
Le président de l’UNC «rêve» d’un Congo qui ressemblerait à une locomotive tractant trois «wagons» dans lesquels embarqueraient respectivement les riches, la classe moyenne et la grande masse composée notamment des paysans (agriculteurs, éleveurs et pêcheurs). Pour lui, «le moment est venu de mettre fin à un développement à trois vitesses.» Contrairement à l’Etat-AFDL qui pourchassaient les nantis accusés, à tort ou à raison, de détenir des «biens mal acquis», Kamerhe veut rassurer en excluant toute chasse aux sorcières. Il prend l’exemple du Brésil où "Lula", alors chef d’Etat, a associé les riches brésiliens à la relance de l’économie et à l’éradication de la pauvreté. 

«Le Congo est un paradis que nous avons transformé en enfer»

Président de l’Assemblée nationale «démissionné» mi-mars 2009 - pour avoir exprimé sa «réserve» après l’entrée des troupes rwandaises dans les provinces du Kivu dans le cadre de la fameuse opération «Umoja Wetu» -, «V.K», comme l’appellent ses proches, a mis à profit son éviction du perchoir pour prendre le large. Il a effectué des voyages «studieux» : Canada, France, Belgique, Afrique du Sud etc. L’homme a trouvé un modèle de référence : le Brésilien «Lula» Da Silva.
«Il ne sert à rien d’innover alors qu’on peut s’inspirer de ce qui a marché chez les autres». Le 14 décembre dernier, Vital a rompu le cordon ombilical avec le parti présidentiel le PPRD en démissionnant notamment de son mandat de député. Après Kinshasa, il s’est rendu à Goma et à Bukavu pour installer les fédérations locales de sa formation politique. Un voyage «chahuté».
A Bruxelles, il a insisté sur son credo en soulignant que le Congo dispose des mêmes atouts que le Brésil : la terre, l’eau, la forêt, les ressources minières et humaines, le potentiel énergétique. Comme «Lula», Vital «rêve» de mettre le Congo sur le chemin du développement économique et social en l’espace de huit ans. «La RD Congo est un paradis que nous avons transformé en enfer», assène-t-il. Et d’ajouter : «Le Congo importe tout pour satisfaire ses besoins alimentaires. C’est une honte ! C’est une situation qui procède d’un manque de vision et de responsabilité». Et de dénoncer le déficit en eau courante et en énergie électrique auquel le pays fait face.

Réhabiliter les missions régaliennes de l’Etat

Sur le plan économique, l’orateur dit que l’UNC entend voir le Congo cesser d’être un simple exportateur des matières premières qui lui reviennent en produits finis. «Nous nous sommes réjouis trop vite de l’arrivée des Chinois en oubliant que ceux-ci sont devenus des capitalistes qui défendent d’abord leurs intérêts.»
Au plan social, il a fustigé l’extrême pauvreté de la population. «La RD Congo est un pays où vivent des milliardaires et des pauvres, martèle-t-il. Nous avons amené la population à un niveau de misère tel qu’elle a fini par s’accommoder de la pauvreté.»
Au plan politique, il a mis l’accent sur l’instauration de l’Etat de droit, «ce qui implique la réhabilitation des fonctions régaliennes de l’Etat.» Pour illustrer son propos, «Vital» a pris l’exemple de l’Etat belge qui continue à fonctionner normalement alors qu’il n’a plus de gouvernement de «plein exercice» depuis plus de 200 jours. "Une situation impossible sans une administration impartiale qui continue à gérer le pays", ajoute-t-il. Et de poursuivre : «L’Etat de droit est tout le contraire d’une dictature. C’est un Etat impartial, régi par des règles et non par la volonté d’un "homme fort" ou d’un "homme seul". «L’Etat de droit suppose une armée républicaine capable d’assurer la défense des frontières, une police chargée du maintien d’ordre public, une administration publique moderne, une diplomatie efficace et une Justice impartiale.»
Pour Kamerhe, le Congo a urgemment besoin d’une armée capable de mettre fin aux sorties frauduleuses de ses minerais. Il regrette de voir que le Rwanda et le Burundi sont devenus "des exportateurs de nos matières premières à cause de la porosité de nos frontières." Et d’égratigner les personnalités congolaises civiles et militaires qui participent à l’exploitation frauduleuse des ressources du pays. «C’est en fait l’Etat qui pille l’Etat.» 

Présidentielle à un tour 

Jetant un regard sur l’idée du scrutin présidentiel à un tour proposée par la mouvance kabiliste, Kamerhe a invité les juristes et les politologues congolais a démontré l’«immoralité» de cette initiative. «Quelle mouche a-t-elle pu piquer la famille politique du chef de l’Etat ?, s’est-il interrogé. Comment peut-on proposer que le président de la République soit élu grâce aux votes des électeurs de deux ou trois provinces du pays sur onze? On cherche en vain où se trouve l’intérêt des Congolais dans cette idée. Une modification de la Constitution apporte-t-elle des solutions aux problèmes existentiels des Congolais?»
S’agissant de l’opposition, il a annoncé que les représentants des forces de l’opposition devaient rendre publique, dimanche 9 janvier, une déclaration commune rédigée à l’issue des concertations à Limete. Le président de l’UNC a invité les membres de son parti à s’abstenir de toute attaque ou injure contre les autres partis. «Nous devons promouvoir une opposition fondée sur des arguments et des propositions. "L’UNC n’est pas le parti des natifs de Bukavu. Aucune province ne doit être privilégiée au niveau de la représentativité par rapport à d’autres". Cet idéalisme résistera-t-il au temps?

Entretien

Depuis l’annonce de sa candidature au poste de président de la République, Vital Kamerhe reçoit une volée de bois verts. D’aucuns mettent en doute sa citoyenneté congolaise. D’autres lui reprochent d’avoir écrit, en 2006, le fameux opuscule «Pourquoi j’ai choisi Joseph Kabila» et le suspectent d’être un «infiltré» au sein de l’opposition.
L’auteur de ces lignes lui a posé quelques questions en commençant par les «tracasseries policières» rencontrées lors du voyage à Goma et à Bukavu. Comment a-t-il vécu les péripéties de ce double voyage? «J’ai vécu le voyage à Goma et à Bukavu de manière douloureuse. Je peux vous dire que la transition sous le régime 1+4 s’est déroulée sans heurts parce que le pouvoir a été arrêté par le pouvoir.» Vital considère ce déploiement des forces de l’ordre parfaitement injustifié du fait que «j’étais porteur d’un message de paix».
Il a enchaîné en énumérant une série d’exigences que l’opposition entend articuler. A savoir : la mise sur pied du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication, l’installation de la Cour constitutionnelle et la sécurisation des candidats aux prochaines élections. Pour lui, il y a urgence d’installer l’autorité chargée de régir les médias "pour calmer l’excès de zèle" de l’actuel ministre de la Communication et des médias.
A-t-il déjà été titulaire d’une autre nationalité ? La réponse est catégorique : «Jamais !». L’homme suspecte ses anciens camarades de la mouvance kabiliste d’être au centre de cette «campagne». Affichant un petit sourire, il réplique : «Est-il infamant d’être Rwandais? Je ne le pense pas. Je n’ai jamais été titulaire d’une autre nationalité. Voilà tout.»
Que peut-il répondre à ceux qui le suspectent d’être un «infiltré» qui travaille pour le compte du président sortant? «On ne me suspecte pas, Emile Bongeli {secrétaire nationale à la communication du PPRD} l’a sous-entendu. Je peux vous affirmer que je travaille pour la nation congolaise et non pour des individus. Je travaille pour une nation congolaise que je voudrais grande et dirigée par des «hommes-prophètes» qui rêvent d’un grand Congo. J’ai dépassé le stade de chercher le pouvoir pour le pouvoir.»
Baudouin Amba Wetshi

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire