31/03/2011
Les forces d'Alassane Ouattara contrôlent plus des trois-quarts du territoire de la Côte d'Ivoire. La capitale politique Yamoussoukro, le port stratégique de San Pedro et même la ville natale de Gbagbo, Gagnoa, ont été prises par les Forces républicaines du président élu, souvent sans difficultés. La bataille d'Abidjan aura-t-elle lieu, ou Gbagbo aura-t-il la sagesse d'abdiquer ?
Qui veut encore défendre Laurent Gbagbo ? L'avancée de l'armée pro-Ouattara est saisissante, comme si les Forces de défenses et de sécurité (FDS) fidèles au président sortant Laurent Gbagbo n'avaient plus envie de se battre. Les Forces républicaines de Côte d'ivoire (FRCI, pro-Ouattara) se sont rendues maîtres de Yamoussoukro mercredi soir sans coup férir, alors que la Garde républicaine, un corps d'élite pro-Gbagbo, aurait pu poser beaucoup de problème aux assaillants.
Et les revers pour le président sortant s'accumulent. Sa ville natale de Gagnoa (centre-ouest), où « les forces pro-Gbagbo avaient quitté la ville », selon des témoins, et le port stratégique de San Pedro, à l'ouest, ont été facilement conquis. Annoncé mercredi soir, un discours de Gbagbo a été reporté et est attendu ce jeudi. Certains observateurs s'attendent à une abdication en pure forme d'ici au week-end, le temps des dernières négociations qui auraient pour but d'éviter un carnage à Abidjan en échange d'une certaine immunité - voire de l'exil - pour Gbagbo.
Départ immédiat de Gbagbo exigé à l'ONU
Par une résolution votée à l'unanimité, le Conseil de sécurité de l'ONU a également exigé le départ immédiat de Gbagbo et renforcé ses sanctions envers lui, son épouse Simone et trois autres proches, tout en apportant son « entier soutien » aux forces de l'ONU en Côte d'Ivoire (Onuci) pour utiliser « toutes les mesures nécessaires » afin d'assurer la protection des civils et d'empêcher l'utilisation d'armes lourdes contre eux.
« M. Gbagbo a encore quelques heures pour partir, sinon ce sera la marche sur Abidjan. Et ce sera beaucoup plus compliqué pour lui », a averti Guillaume Soro, Premier ministre de Ouattara. Dans la capitale économique, déjà frappé par les violences des derniers mois, la tension est à son comble. De nombreux habitants sont rentrés précipitamment chez eux dans l'après-midi. Des tirs, notamment à l'arme lourde, ont été entendus dans plusieurs quartiers nord durant la journée, en particulier aux Deux-Plateaux, un sous-quartier de Cocody où la nomenklatura du régime Gbagbo possède de nombreux logements.
Règlements de compte
Deux gendarmes français en fonction à l'ambassade de France ont été également blessés quand leur voiture a été la cible d'un tir en rafale par des militants de Gbagbo, a affirmé Paris, qui a dénoncé un acte « inadmissible ». Mais quelle que soit la décision de Gbagbo - partir ou pas - la situation sécuritaire va rester explosive durant de nombreuses semaines, voire plusieurs mois.
Avec l'avancée des troupes de Ouattara, et malgré la volonté de ce dernier, des exactions commencent à être commises un peu partout. Les règlements de compte et les représailles contre les partisans de Gbagbo pourraient prendre une dimension encore plus importante à Abidjan, ville de cinq millions d'habitants où des centaines d'opposants au président sortant ont disparu ou ont été assassinés depuis 2002. Le pape Benoît XVI a annoncé l'envoi un émissaire en Côte d'Ivoire pour encourager « la réconciliation et la paix » et a appelé à « un processus de dialogue constructif ». Pour aider la Côte d'Ivoire à éviter le pire...
Laurent Gbagbo garde le silence
Les forces du président ivoirien reconnu par la communauté internationale Alassane Ouattara s'approchaient jeudi d'Abidjan, où régnait une extrême tension, tandis que le chef d'Etat sortant Laurent Gbagbo, de plus en plus menacé, gardait le mystère sur ses intentions.
Au lendemain de la prise de la capitale politique Yamoussoukro et de Gagnoa (centre-ouest), au coeur de la région natale de M. Gbagbo, les Forces républicaines de M. Ouattara continuaient leur offensive éclair lancée lundi, sans rencontrer de forte résistance, et parfois même sans combat.
Elles ont été vues dans la matinée à Nzianouan, à environ 130 km au nord-ouest d'Abidjan, sur le grand axe routier reliant Yamoussoukro et la capitale économique.
"J'ai vu des colonnes de rebelles (combattants pro-Ouattara), avec des 4X4, traverser Nzianouan vers 09H00 (locales et GMT). Il y avait des mitrailleuses sur des véhicules militaires", a indiqué un témoin.
"Ils ont aussi perquisitionné la gendarmerie de Nzianouan", probablement pour prendre des armes, "et ils sont repartis vers Abidjan", a-t-il ajouté.
Dans la capitale économique, la plupart des rues étaient dans la matinée quasi-désertes. Les rares transports en commun faisaient souvent demi-tour devant les nombreux barrages de "jeunes patriotes" pro-Gbagbo installés ces dernières heures.
Des tirs sporadiques d'armes légères étaient entendus dans plusieurs quartiers, notamment près du grand camp de gendarmerie de la ville et au Plateau, coeur du pouvoir de M. Gbagbo, ont constaté des journalistes de l'AFP.
"Et maintenant?", demandait en une le quotidien d'Etat Fraternité-Matin, traduisant l'immense climat d'incertitude.
En position de force après quatre mois d'une crise post-électorale qui a fait plus de 460 morts selon l'ONU, Guillaume Soro, Premier ministre de M. Ouattara, avait averti mercredi que M. Gbagbo avait "encore quelques heures pour partir, sinon ce sera la marche sur Abidjan. Et ce sera beaucoup plus compliqué pour lui".
Mais le président sortant n'a pas fait savoir quel choix il ferait, bataille d'Abidjan ou retrait. Après un long silence, M. Gbagbo, qui devait s'adresser à la Nation mercredi soir, y a finalement renoncé sans explication. Il devait présider à la mi-journée un Conseil des ministres, selon une source gouvernementale.
Sur le front ouest, les Forces républicaines ont pris dans la nuit le contrôle de San Pedro, plus grand port de cacao au monde, dont la Côte d'Ivoire est premier producteur mondial.
"Ils contrôlent le port, tous les secteurs stratégiques de la ville", a indiqué un habitant.
Selon plusieurs témoignages, des miliciens pro-Gbagbo ont pillé mercredi de nombreux commerces et incendié le commissariat où ils avaient volé des armes.
Les cours du cacao, première richesse nationale, ont dégringolé depuis le début de la semaine, tombant à des plus bas depuis près de trois mois, les opérateurs craignant un afflux de stocks de fève brune sur le marché.
La pression extérieure sur le régime en place était énorme. M. Gbagbo doit "entendre le message" du Conseil de sécurité de l'ONU, qui a exigé mercredi son départ immédiat, et "arrêter de faire couler le sang" des Ivoiriens, a appelé la France, ex-puissance coloniale.
Longtemps solide alliée du président sortant avant de reconnaître la victoire de son rival au scrutin de novembre, l'Afrique du Sud a appelé à la fin des violences, déplorant que le pays soit "en train de replonger dans la guerre civile".
Human Rights Watch (HRW) a accusé des milices et mercenaires libériens soutenant le président sortant d'avoir "massacré" des Ouest-Africains, dont "au moins 37" en un jour, le 22 mars dans une localité de l'ouest cacaoyer.
La bataille d'Abidjan en question
Les forces du président ivoirien reconnu par la communauté internationale Alassane Ouattara ont pris un avantage écrasant sur l'armée fidèle à Laurent Gbagbo, le chef de l'Etat sortant de qui dépendaient l'issue de la crise et une éventuelle bataille d'Abidjan.
Quatre mois de tension, de violences et de médiations sans succès, et depuis lundi une offensive éclair: la crise née de la présidentielle de novembre, qui a fait plus de 460 morts selon l'ONU, s'est subitement accélérée, et le pouvoir de M. Gbagbo n'a jamais été aussi ébranlé.
Si l'éventualité d'une opération d'envergure des Forces républicaines (FRCI), regroupant essentiellement les ex-rebelles qui tiennent le nord du pays depuis 2002, avait acquis de plus en plus de consistance jusqu'à la semaine dernière, la rapidité de leur avancée a créé une immense surprise.
"Ils préparaient ça depuis trois mois", déclare à l'AFP une source militaire internationale. "Mais jusque-là, ils n'étaient pas prêts politiquement", puisque l'heure était encore officiellement aux médiations africaines, "ni militairement", ajoute-t-elle.
Une fois que courant mars la voie du dialogue a paru abandonnée et que les FRCI se sont renforcées en hommes - elles compteraient à présent entre 5. 000 et 10. 000 combattants - et en armes, pour lesquelles le soutien du Burkina ou du Nigeria est souvent évoqué, l'offensive a été lancée.
D'ouest en est, les Forces de défense et de sécurité (FDS) fidèles à M. Gbagbo ont été mises en déroute. Et à l'exception de Duékoué, carrefour stratégique de l'ouest, et de Daloa (centre-ouest), importante ville militaire située en plein "pays bété", région natale du président sortant, elles ont offert assez peu de résistance.
"Les FDS ne combattent pas vraiment", juge un diplomate africain à Abidjan. Des cas de désertions, de redditions ou de ralliements sont aussi rapportés.
La bande sud contrôlée par le camp Gbagbo se réduisait au fil des heures, avec en particulier la chute hautement symbolique, mercredi, de la capitale politique Yamoussoukro, à moins de 200 km d'Abidjan, alors que le camp Ouattara a lancé un ultimatum.
"M. Gbagbo a encore quelques heures pour partir, sinon ce sera la marche sur Abidjan. Et ce sera beaucoup plus compliqué pour lui", a déclaré Guillaume Soro, Premier ministre de M. Ouattara.
Un proche de Laurent Gbagbo affirmait mercredi à l'AFP que Laurent Gbagbo n'était "pas ébranlé ni stressé".
Le "repli" militaire a été opéré car il s'agit de "ne pas dégarnir Abidjan", a expliqué cette source gouvernementale.
Mais l'annonce d'un discours - capital, en ces circonstances - de M. Gbagbo dans la soirée, reporté sans explication quelques heures plus tard, a renforcé l'incertitude.
Pour les observateurs, le président sortant n'avait plus d'autre choix que de se retirer ou de livrer une bataille d'Abidjan que chacun envisage et redoute.
Elle pourrait en effet être sanglante dans une métropole qui compterait à présent au moins quatre millions d'âmes après l'exode de centaines de milliers d'habitants apeurés, et où les partisans des deux rivaux sont souvent voisins.
M. Gbagbo sait pouvoir compter sur des milliers de "jeunes patriotes", ses ardents partisans qui ont tenu la rue au prix de violences, notamment contre les Français, aux heures chaudes de la crise de 2002-2004, et que son armée a commencé à incorporer.
Mais l'issue est d'autant plus incertaine que la menace est déjà au coeur de la capitale économique.
Le régime Gbagbo a perdu peu à peu, depuis la mi-février, la maîtrise d'une partie d'Abidjan: les insurgés pro-Ouattara du "commando invisible", comptant de nombreux ex-rebelles, contrôlent désormais largement les immenses quartiers d'Abobo et d'Anyama, dans le nord.
"On espère qu'il n'y aura pas de bataille d'Abidjan, dit un diplomate occidental. Ca voudrait dire qu'il n'y a plus d'autre option".
Le cacao ivoirien dégringole avec l'avancée des forces pro-Ouattara
Les cours du cacao ont dégringolé depuis le début de la semaine, tombant à des plus bas depuis près de trois mois, plombés par l'avancée des forces pro-Ouattara en Côte d'Ivoire, qui font craindre aux opérateurs un afflux de stocks de fève brune sur le marché.
Sur le marché à terme londonien Liffe, la tonne de cacao pour livraison en mai a chuté de plus de 9% depuis le début de la semaine, son cours s'affichant à 1. 915 livres la tonne ce jeudi vers 11H00 GMT, un plus bas depuis le 10 janvier.
Sur le marché américain NYBoT-ICE, le contrat de même échéance valait 2. 964 dollars la tonne à la même heure, en chute de plus de 8,5% sur les quatre dernières séances.
Les cours sont déprimés par la "bataille du cacao" à l'oeuvre en Côte-d'Ivoire, qui pourrait bientôt connaître son dénouement : l'avancée des forces du président reconnu par la commission internationale Alassane Ouattara fait craindre un afflux prochain sur le marché de centaines de milliers de tonnes de fève brune.
Le camp Ouattara a demandé fin janvier l'arrêt des exportations de la production nationale de cacao, et, en dépit des pressions du camp du président sortant Laurent Gbagbo sur la filière pour qu'elle continue d'exporter, 400. 000 tonnes de cacao se sont depuis accumulés en Côte d'Ivoire.
Mais ce blocage pourrait prendre fin prochainement, les troupes fidèles à Ouattara ayant saisi ces derniers jours des zones clés pour le contrôle des exportations de cacao.
Elles ont en particulier pris ce jeudi le contrôle de San Pedro, dans le sud-ouest du pays, premier port mondial d'exportation de cacao au monde, selon des habitants joints par l'AFP.
Mercredi, les combattants pro-Ouattara avaient déjà pris la ville de Soubré, située à 120 km au nord de San Pedro, et de Tiébissou, à seulement 40 km au nord de la capitale Yamoussoukro.
(Avec Afp)
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Qui veut encore défendre Laurent Gbagbo ? L'avancée de l'armée pro-Ouattara est saisissante, comme si les Forces de défenses et de sécurité (FDS) fidèles au président sortant Laurent Gbagbo n'avaient plus envie de se battre. Les Forces républicaines de Côte d'ivoire (FRCI, pro-Ouattara) se sont rendues maîtres de Yamoussoukro mercredi soir sans coup férir, alors que la Garde républicaine, un corps d'élite pro-Gbagbo, aurait pu poser beaucoup de problème aux assaillants.
Et les revers pour le président sortant s'accumulent. Sa ville natale de Gagnoa (centre-ouest), où « les forces pro-Gbagbo avaient quitté la ville », selon des témoins, et le port stratégique de San Pedro, à l'ouest, ont été facilement conquis. Annoncé mercredi soir, un discours de Gbagbo a été reporté et est attendu ce jeudi. Certains observateurs s'attendent à une abdication en pure forme d'ici au week-end, le temps des dernières négociations qui auraient pour but d'éviter un carnage à Abidjan en échange d'une certaine immunité - voire de l'exil - pour Gbagbo.
Départ immédiat de Gbagbo exigé à l'ONU
Par une résolution votée à l'unanimité, le Conseil de sécurité de l'ONU a également exigé le départ immédiat de Gbagbo et renforcé ses sanctions envers lui, son épouse Simone et trois autres proches, tout en apportant son « entier soutien » aux forces de l'ONU en Côte d'Ivoire (Onuci) pour utiliser « toutes les mesures nécessaires » afin d'assurer la protection des civils et d'empêcher l'utilisation d'armes lourdes contre eux.
« M. Gbagbo a encore quelques heures pour partir, sinon ce sera la marche sur Abidjan. Et ce sera beaucoup plus compliqué pour lui », a averti Guillaume Soro, Premier ministre de Ouattara. Dans la capitale économique, déjà frappé par les violences des derniers mois, la tension est à son comble. De nombreux habitants sont rentrés précipitamment chez eux dans l'après-midi. Des tirs, notamment à l'arme lourde, ont été entendus dans plusieurs quartiers nord durant la journée, en particulier aux Deux-Plateaux, un sous-quartier de Cocody où la nomenklatura du régime Gbagbo possède de nombreux logements.
Règlements de compte
Deux gendarmes français en fonction à l'ambassade de France ont été également blessés quand leur voiture a été la cible d'un tir en rafale par des militants de Gbagbo, a affirmé Paris, qui a dénoncé un acte « inadmissible ». Mais quelle que soit la décision de Gbagbo - partir ou pas - la situation sécuritaire va rester explosive durant de nombreuses semaines, voire plusieurs mois.
Avec l'avancée des troupes de Ouattara, et malgré la volonté de ce dernier, des exactions commencent à être commises un peu partout. Les règlements de compte et les représailles contre les partisans de Gbagbo pourraient prendre une dimension encore plus importante à Abidjan, ville de cinq millions d'habitants où des centaines d'opposants au président sortant ont disparu ou ont été assassinés depuis 2002. Le pape Benoît XVI a annoncé l'envoi un émissaire en Côte d'Ivoire pour encourager « la réconciliation et la paix » et a appelé à « un processus de dialogue constructif ». Pour aider la Côte d'Ivoire à éviter le pire...
Laurent Gbagbo garde le silence
Les forces du président ivoirien reconnu par la communauté internationale Alassane Ouattara s'approchaient jeudi d'Abidjan, où régnait une extrême tension, tandis que le chef d'Etat sortant Laurent Gbagbo, de plus en plus menacé, gardait le mystère sur ses intentions.
Au lendemain de la prise de la capitale politique Yamoussoukro et de Gagnoa (centre-ouest), au coeur de la région natale de M. Gbagbo, les Forces républicaines de M. Ouattara continuaient leur offensive éclair lancée lundi, sans rencontrer de forte résistance, et parfois même sans combat.
Elles ont été vues dans la matinée à Nzianouan, à environ 130 km au nord-ouest d'Abidjan, sur le grand axe routier reliant Yamoussoukro et la capitale économique.
"J'ai vu des colonnes de rebelles (combattants pro-Ouattara), avec des 4X4, traverser Nzianouan vers 09H00 (locales et GMT). Il y avait des mitrailleuses sur des véhicules militaires", a indiqué un témoin.
"Ils ont aussi perquisitionné la gendarmerie de Nzianouan", probablement pour prendre des armes, "et ils sont repartis vers Abidjan", a-t-il ajouté.
Dans la capitale économique, la plupart des rues étaient dans la matinée quasi-désertes. Les rares transports en commun faisaient souvent demi-tour devant les nombreux barrages de "jeunes patriotes" pro-Gbagbo installés ces dernières heures.
Des tirs sporadiques d'armes légères étaient entendus dans plusieurs quartiers, notamment près du grand camp de gendarmerie de la ville et au Plateau, coeur du pouvoir de M. Gbagbo, ont constaté des journalistes de l'AFP.
"Et maintenant?", demandait en une le quotidien d'Etat Fraternité-Matin, traduisant l'immense climat d'incertitude.
En position de force après quatre mois d'une crise post-électorale qui a fait plus de 460 morts selon l'ONU, Guillaume Soro, Premier ministre de M. Ouattara, avait averti mercredi que M. Gbagbo avait "encore quelques heures pour partir, sinon ce sera la marche sur Abidjan. Et ce sera beaucoup plus compliqué pour lui".
Mais le président sortant n'a pas fait savoir quel choix il ferait, bataille d'Abidjan ou retrait. Après un long silence, M. Gbagbo, qui devait s'adresser à la Nation mercredi soir, y a finalement renoncé sans explication. Il devait présider à la mi-journée un Conseil des ministres, selon une source gouvernementale.
Sur le front ouest, les Forces républicaines ont pris dans la nuit le contrôle de San Pedro, plus grand port de cacao au monde, dont la Côte d'Ivoire est premier producteur mondial.
"Ils contrôlent le port, tous les secteurs stratégiques de la ville", a indiqué un habitant.
Selon plusieurs témoignages, des miliciens pro-Gbagbo ont pillé mercredi de nombreux commerces et incendié le commissariat où ils avaient volé des armes.
Les cours du cacao, première richesse nationale, ont dégringolé depuis le début de la semaine, tombant à des plus bas depuis près de trois mois, les opérateurs craignant un afflux de stocks de fève brune sur le marché.
La pression extérieure sur le régime en place était énorme. M. Gbagbo doit "entendre le message" du Conseil de sécurité de l'ONU, qui a exigé mercredi son départ immédiat, et "arrêter de faire couler le sang" des Ivoiriens, a appelé la France, ex-puissance coloniale.
Longtemps solide alliée du président sortant avant de reconnaître la victoire de son rival au scrutin de novembre, l'Afrique du Sud a appelé à la fin des violences, déplorant que le pays soit "en train de replonger dans la guerre civile".
Human Rights Watch (HRW) a accusé des milices et mercenaires libériens soutenant le président sortant d'avoir "massacré" des Ouest-Africains, dont "au moins 37" en un jour, le 22 mars dans une localité de l'ouest cacaoyer.
La bataille d'Abidjan en question
Les forces du président ivoirien reconnu par la communauté internationale Alassane Ouattara ont pris un avantage écrasant sur l'armée fidèle à Laurent Gbagbo, le chef de l'Etat sortant de qui dépendaient l'issue de la crise et une éventuelle bataille d'Abidjan.
Quatre mois de tension, de violences et de médiations sans succès, et depuis lundi une offensive éclair: la crise née de la présidentielle de novembre, qui a fait plus de 460 morts selon l'ONU, s'est subitement accélérée, et le pouvoir de M. Gbagbo n'a jamais été aussi ébranlé.
Si l'éventualité d'une opération d'envergure des Forces républicaines (FRCI), regroupant essentiellement les ex-rebelles qui tiennent le nord du pays depuis 2002, avait acquis de plus en plus de consistance jusqu'à la semaine dernière, la rapidité de leur avancée a créé une immense surprise.
"Ils préparaient ça depuis trois mois", déclare à l'AFP une source militaire internationale. "Mais jusque-là, ils n'étaient pas prêts politiquement", puisque l'heure était encore officiellement aux médiations africaines, "ni militairement", ajoute-t-elle.
Une fois que courant mars la voie du dialogue a paru abandonnée et que les FRCI se sont renforcées en hommes - elles compteraient à présent entre 5. 000 et 10. 000 combattants - et en armes, pour lesquelles le soutien du Burkina ou du Nigeria est souvent évoqué, l'offensive a été lancée.
D'ouest en est, les Forces de défense et de sécurité (FDS) fidèles à M. Gbagbo ont été mises en déroute. Et à l'exception de Duékoué, carrefour stratégique de l'ouest, et de Daloa (centre-ouest), importante ville militaire située en plein "pays bété", région natale du président sortant, elles ont offert assez peu de résistance.
"Les FDS ne combattent pas vraiment", juge un diplomate africain à Abidjan. Des cas de désertions, de redditions ou de ralliements sont aussi rapportés.
La bande sud contrôlée par le camp Gbagbo se réduisait au fil des heures, avec en particulier la chute hautement symbolique, mercredi, de la capitale politique Yamoussoukro, à moins de 200 km d'Abidjan, alors que le camp Ouattara a lancé un ultimatum.
"M. Gbagbo a encore quelques heures pour partir, sinon ce sera la marche sur Abidjan. Et ce sera beaucoup plus compliqué pour lui", a déclaré Guillaume Soro, Premier ministre de M. Ouattara.
Un proche de Laurent Gbagbo affirmait mercredi à l'AFP que Laurent Gbagbo n'était "pas ébranlé ni stressé".
Le "repli" militaire a été opéré car il s'agit de "ne pas dégarnir Abidjan", a expliqué cette source gouvernementale.
Mais l'annonce d'un discours - capital, en ces circonstances - de M. Gbagbo dans la soirée, reporté sans explication quelques heures plus tard, a renforcé l'incertitude.
Pour les observateurs, le président sortant n'avait plus d'autre choix que de se retirer ou de livrer une bataille d'Abidjan que chacun envisage et redoute.
Elle pourrait en effet être sanglante dans une métropole qui compterait à présent au moins quatre millions d'âmes après l'exode de centaines de milliers d'habitants apeurés, et où les partisans des deux rivaux sont souvent voisins.
M. Gbagbo sait pouvoir compter sur des milliers de "jeunes patriotes", ses ardents partisans qui ont tenu la rue au prix de violences, notamment contre les Français, aux heures chaudes de la crise de 2002-2004, et que son armée a commencé à incorporer.
Mais l'issue est d'autant plus incertaine que la menace est déjà au coeur de la capitale économique.
Le régime Gbagbo a perdu peu à peu, depuis la mi-février, la maîtrise d'une partie d'Abidjan: les insurgés pro-Ouattara du "commando invisible", comptant de nombreux ex-rebelles, contrôlent désormais largement les immenses quartiers d'Abobo et d'Anyama, dans le nord.
"On espère qu'il n'y aura pas de bataille d'Abidjan, dit un diplomate occidental. Ca voudrait dire qu'il n'y a plus d'autre option".
Le cacao ivoirien dégringole avec l'avancée des forces pro-Ouattara
Les cours du cacao ont dégringolé depuis le début de la semaine, tombant à des plus bas depuis près de trois mois, plombés par l'avancée des forces pro-Ouattara en Côte d'Ivoire, qui font craindre aux opérateurs un afflux de stocks de fève brune sur le marché.
Sur le marché à terme londonien Liffe, la tonne de cacao pour livraison en mai a chuté de plus de 9% depuis le début de la semaine, son cours s'affichant à 1. 915 livres la tonne ce jeudi vers 11H00 GMT, un plus bas depuis le 10 janvier.
Sur le marché américain NYBoT-ICE, le contrat de même échéance valait 2. 964 dollars la tonne à la même heure, en chute de plus de 8,5% sur les quatre dernières séances.
Les cours sont déprimés par la "bataille du cacao" à l'oeuvre en Côte-d'Ivoire, qui pourrait bientôt connaître son dénouement : l'avancée des forces du président reconnu par la commission internationale Alassane Ouattara fait craindre un afflux prochain sur le marché de centaines de milliers de tonnes de fève brune.
Le camp Ouattara a demandé fin janvier l'arrêt des exportations de la production nationale de cacao, et, en dépit des pressions du camp du président sortant Laurent Gbagbo sur la filière pour qu'elle continue d'exporter, 400. 000 tonnes de cacao se sont depuis accumulés en Côte d'Ivoire.
Mais ce blocage pourrait prendre fin prochainement, les troupes fidèles à Ouattara ayant saisi ces derniers jours des zones clés pour le contrôle des exportations de cacao.
Elles ont en particulier pris ce jeudi le contrôle de San Pedro, dans le sud-ouest du pays, premier port mondial d'exportation de cacao au monde, selon des habitants joints par l'AFP.
Mercredi, les combattants pro-Ouattara avaient déjà pris la ville de Soubré, située à 120 km au nord de San Pedro, et de Tiébissou, à seulement 40 km au nord de la capitale Yamoussoukro.
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