jeudi 24 mars 2011

TRIBUNE: Libreville : une ville sans identité aux âmes perdues


Par Joel | 23/03/2011 | 18:34:51


La capitale d’un pays est le reflet de ce qui se fait, se vit dans le pays. Le plan de la ville, son allure, ses immeubles, la répartition des fonctions, le paysage et les ambitions économiques, les centres des arts, de la culture et des sports constituent une sorte de carte d’identité de la ville et la porte d’entrée dans le pays.

Lorsqu’ils voulurent inscrire leur pays dans la modernité, les autorités politiques brésiliennes avaient opté de se donner une capitale qui allait être captivante, le reflet de leur identité et de leurs ambitions dans le monde. Brasilia, capitale d’un pays du tiers monde en 1989, est avec son urbanisme, ses centres touristiques, culturels et sportif, ses structures économiques et sociales est la capitale d’un pays émergent. Le Plan d'urbanisme, fruit d’une démarche de planification et de concertation nationale affirme les ambitions que des hommes et des femmes brésiliens ont voulu faire de leur du Brésil: un pays émergent.

Pour savoir ce que le Parti démocratique Gabonais (PDG) a fait et fait du Gabon, il faut simplement regarder Libreville. Une cité sans identité, la preuve du peu d’ambition que les autorités gabonaises ont eu et ont pour le Gabon. Le touriste, le promeneur économique, l’historien, qui désire arpenter ou s’installer dans cette ville serait incapable d’identifier l’histoire de la ville, son économie, son centre des affaires, son évolution, ses attraits. La chambre de commerce est le reflet d’un manque d’entreprenariat du pays. L’absence de centres culturels, de salle de théâtres, des bibliothèques publiques, des salles de conférence montre la pauvreté de la capitale et de la créativité de ses habitants.

Dans le processus d'évolution du pays, la ville de Libreville est comme restée figée depuis la fin des années soixante-dix. Encore que, les tracés des routes existantes à Libreville ont été faits durant à la colonisation et aux premières heures de l’indépendance du pays. Depuis le décès de Léon Mba, premier président du Gabon, il ne s’est construit qu’une seule route à Libreville, le fameux boulevard Triomphale. À peine 2 kilomètres et quelque trois bicoques en guise bâtisses modernes. On ne sait pas en quoi il est triomphal. Sans doute de la hauteur d’esprit de ceux qui gouvernent ce pays depuis les indépendances.

Les égouts à ciel ouvert où se développent moustiques et vermines, les routes aux tracés d’une époque révolue présentent une vision d’aménagement et de développement de Libreville faits aux hasards des rapports de forces et du désordre politique et économique qui ordonne la vie des Gabonais. Les mesures servant à mettre en œuvre les orientations et les objectifs de l’administration illustrent les insuffisances de la vision pour la construction d'une ville moderne. Le portrait de la ville est le signe d’un abandon, un désintéressement pour bâtir une collectivité vivante. Libreville est l’expression d’une cacophonie d'urbanisation avec une forte extension de lotissements dont le découpage semble se perdre dans la confusion des constructions qui font de la salle à manger des uns le passage obligé pour parvenir à la demeure des autres.

La croissance démographique entraîne un étouffement et une insalubrité à peine dissimulée par les quelques éboueurs qui suffoquent sous le poids du soleil ardant par des moyens rudimentaires en vue de la besogne de propreté aux apparences de supplice. Si vous avez un ami qui vit en dehors des quartiers de ces femmes et hommes politique du pouvoir, il faut faire de l’exercice avant d’envisager votre odyssée. En effet, il faut des sauts en longueur, des sauts en hauteur, des sauts de gymnastique et des mouvements du corps aux rythmes de «limbo» pour affranchir les obstacles. Le parcours que vous emprunterez s'est formé au gré des inondations qui ensevelissent les quartiers à la moindre pluie. Vous ne manquerez pas de croiser des lacs, des ruisseaux, des barrières faites de branches d'arbres posés là par les vents et qui se sont accumulés avec les saisons de plus. Vous croiserez également des déchets, des poubelles anonymes et autres désordres fruits d'une ville non administrée adéquatement. La vie dans ces quartiers est une prison, un enfermement dans la pauvreté qui risque de vous rendre malade.

J’ai parcouru plusieurs grandes villes de l’Amérique du Nord et du Sud, de l’Europe, de l’Asie, de l’Océanie et de l’Afrique. Quand j’arrive à Libreville, une tristesse envahit mon corps. Tellement la ville est pauvre. Tellement pauvre qu'on a le sentiment qu'elle est en dehors du temps moderne. Les infrastructures essentielles sont absentes ou en partie déficiente. On est hors du temps à Libreville. C'est Un peu comme si je quittais Libreville pour aller dans un campement au cœur de la forêt des abeilles, la modernité n'apparaît que par un vague souvenir par la présence des objets égarés par les routiers. Le danger accompagne chacun des pas que l'on fait en pareille circonstance. La ville se caractérise par une insécurité quotidienne.

Dans cette ville, au détour du coin des rues, les hommes et les femmes marchent comme des somnambules, des automates politiques. Ils marchent en troupeaux d’imbéciles, tantôt stupidement patient et tantôt férocement révoltés dans l’anonymat de leurs pensées.

Pourtant on leur dit : « Suivez tel homme politique... Ils suivent. On leur dit : « Allez applaudir un tel ils font applaudissent. On leur dit : « Vote pour celui-là, ils font voter. Puis, on leur dit soutenez l’action du président et ils soutiennent l’action du président. Ceux qui font ces commandes sont aussi sots ; car au lieu d’obéir et de suivre les valeurs politiques et morales qui élèvent la communauté, ils obéissent à des discours politiques creux, lesquels ne peuvent être que stériles et faux, par cela même qu’ils sont des tromperies, en ce monde où l’égoïsme et la cupidité sont pourtant le fait des marchants d’illusions politiques.

Assurément, Libreville n’est une ville que de son nom.

Ah!... qui peut comprendra ma honte, ma colère?

Qui comprendra l’émotion d’un homme plein de raison et qui regarde épouvanté ce qu’on a fait de la ville natale de ses ancêtres!

Joël Mbiamany-N’tchoreret

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