vendredi 27 mai 2011

Côte d’Ivoire: FAUT-IL PERDRE LE NORD ?

May 27, 2011 infodabidjan
 


La Côte d’Ivoire, sans le savoir, est en train de courir le grave risque de perdre son nord. L’histoire est fondamentalement têtue à ce sujet. En effet, géographiquement, c’est la région la plus désavantagée et la plus déshéritée de toutes ; région semi aride qui ne favorise pas le progrès en tout genre.
Economiquement, c’est la région la plus sèche, pour ne pas dire la plus pauvre. Si bien qu’elle s’est considérablement vidée de ses autochtones au profit des autres régions moins rugueuses et économiquement favorables. Pire, politiquement, elle est en train de s’illustrer de la manière la plus mauvaise qui soit. Voyons ensemble cet aspect des choses. Premièrement, au temps d’Houphouët Boigny, sa politique vis –à- vis des ses opposants étaient de les incarcérer pour ne pas avoir affaire à eux, pour régner tranquillement.
Les différents complots montés de toutes pièces servaient en fait de paravent pour se débarrasser de ceux-ci qui constituaient une véritable entrave à sa dictature. Ainsi il envoya plusieurs d’entre eux dans les prisons du nord, dont les plus célèbres étaient Gbagbo Laurent, Djéni Kobenan, Abou Dramane Sangaré et les autres. C’était à Séguéla que ce beau monde était parqué, loin des regards du pouvoir houphouétiste. De même, Bouaké, à la lisière entre le nord et le Sud, reçut elle aussi ses fameux prisonniers, dont toujours Gbagbo Laurent.
Deuxièmement, au seuil du multipartisme, une fameuse « Charte du nord », dont les auteurs demeurent encore mystérieusement inconnus, a intentionnellement tracé les contours de la crise que nous vivons aujourd’hui. Ce lugubre document anonyme, jamais revendiqué, faisait état d’une soi disant frustration des « fils du nord » qui seraient écartés du partage de l’héritage commun. Tout ce que nous vivons aujourd’hui est dû à ce mystérieux document.
Troisièmement, ces frères du nord furent à leur insu et à leur corps défendant, embarqués dans une aventure politique que beaucoup visiblement ignoraient et ignorent encore. Ces frères ont été politiquement récupérés par leurs propres frères, dont un certain Alassane Ouattara. Il leur a été chanté qu’ils doivent eux aussi diriger le pays, comme si cela leur était défendu ; qu’ils doivent pour cela se regrouper derrière cet Alassane Ouattara ; qu’il était leur sauveur, etc., etc. Et ces frères furent ce qui leur a été ordonné. Et le RDR fut créé pour eux. La majorité y a pris sa carte de militant. Et le RDR prit le nord en otage. Et cette vilaine politique régionaliste, tribaliste, ethnique et surtout religieuse fut instaurée en Côte d’Ivoire au vu et au su de tous.
Pour aiguiser la sensibilité politique de ces frères, Alassane avait claironné un jour que sa candidature à la présidentielle lui avait été refusée par son allié d’aujourd’hui, alors au pouvoir, parce qu’il est musulman et originaire du nord ! Il ouvrit ainsi la boîte de Pandore, ou du moins la poudrière.
Quatrièmement, se disant frustré, le nord crée une rébellion en 2002 pour « chasser les boussoumanis du pouvoir.» Ainsi, le nord fut séparé du reste de la Côte d’Ivoire. Tous ceux qui ne sont pas du nord et qui ne sont pas musulmans furent tous chassés, pour ceux qui ont eu de la chance, les autres, les malchanceux, furent tous tués égorgés sans autre forme de procédure. Tous les fonctionnaires descendirent alors au sud laissant le nord livré à lui-même, sans administration, sans école, pris en otage par des pilleurs et autres contrebandiers véreux. Et sa situation, tout le monde le reconnaît aujourd’hui, devint pire qu’avant. Et les élections présidentielles advinrent.
Les plus optimistes crurent que le nord profiterait de cette belle occasion pour se rattacher à l’ensemble du pays. Rien n’y fit. Au contraire, le nord vit venir l’occasion rêvé pour prendre sa revanche. Tout, sauf une élection eut lieu là-bas. Il fallait coûte que coûte profiter de l’aubaine pour prendre le pouvoir. Les mêmes exactions contre les boussoumanis, qui avaient pourtant été suppliés d’y retourner pour le remettre sur les rails, subirent le même sort.
Après tout ce que l’on a vécu, voilà que le sieur Alassane parvint au pouvoir dans le feu et le sang, avec l’immense bénédiction de Sarkozy, son ami personnel depuis toujours. Le meilleur cadeau qu’il offre à ces frères du nord, c’est de leur envoyer d’illustres prisonniers de sa guerre contre la Côte d’Ivoire, là où il devrait travailler à convaincre les Ivoiriens à retrouver le nord. Korhogo, Odienné et Bouna sont cette fois-ci sollicités et réquisitionnés.
Alassane Ouattara contribue ainsi à donner une mauvaise image du nord de notre pays. Il le considère ainsi comme le résidu, la périphérie, une zone de non droit qui subissant dramatiquement les contrecoups de la nature, doit aujourd’hui encore faire face aux ignominies de sa politique barbare et guerrière. Pourquoi le Nord pour se débarrasser de ses prisonniers qui lui créent déjà tant de soucis ? Parce qu’il veut toujours continuer à donner une mauvaise image du nord, le maintenir sous sa tutelle, le conditionner davantage et profiter sans scrupule de la naïveté de ces frères du nord.
Ce nord qu’il veut par tous les moyens rendre ingouvernable et le séparer du reste de la Côte d’Ivoire. Ce nord, petit à petit est en train de se fixer dans le subconscient des Ivoiriens comme une zone extrêmement dangereuse, à risque, donc infréquentable, nid de pillards et autres gangsters juste bon pour recevoir des prisonniers ; en fait une zone de prisons et de prisonniers. Après avoir « libéré » les prisonniers du sud, il envoie d’autres au nord.
L’image que la politique d’Alassane Ouattara a toujours donnée du nord de notre pays a toujours été la même. Et sous son règne, et sous nos yeux, il le confirme. Non content de l’avoir rendu inhabitable par les autres ressortissants du pays, il la rend aujourd’hui prisonnière, une sorte de Guatanamo à l’ivoirienne. Désormais, en Côte d’Ivoire, tous ceux qui oseraient s’opposer et s’attaquer à sa gouvernance et à son pouvoir, connaissent leur destination : le nord. N’est-il pas houphouétiste, donc un digne fils d’Houphouët Boigny ?
Décidément, le père et le fils ont le même prisonnier : Laurent Gbagbo. Le père l’a emprisonné. Le fils l’emprisonne à son tour. Toujours la même direction : le nord. Alors, faut-il perdre le nord ?

Père Jean K.

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