vendredi 27 mai 2011

« Terres rares » : Un autre minerai présent également à l’Est de la RDC

image Terres rares


A n’en point douter, la République démocratique du Congo mérite bien sa qualification de « scandale géologique ». Après le cobalt du Katanga, le coltan des collines de l’Est, voici les terres rares, un autre minerai présent également à l’Est de la RDC. La Chine contrôle 95% du marché des terres rares, minerai hautement stratégique dans le hi-tech. Ses consommateurs, de plus en plus nombreux, explorent d’autres sources d’approvisionnement, dont la RDC. Une nouvelle carte à jouer pour Kinshasa.
La République démocratique du Congo vient d’allonger la liste des métaux stratégiques enfouis dans son sous-sol. Une fois de plus, c’est sa partie Est qui est au centre de ces nouvelles découvertes.
On commence de plus en plus à comprendre le grand intérêt que les puissances économiques du monde accordent à cette partie de la RDC. De même, l’on découvre à force de révélations les mobiles cachés des tensions récurrentes qui s’y font jour.
Il a fallu que les deux géants américains de l’informatique, Apple et Intel, renoncent aux « terres rares » de la RDC pour retrouver enfin les traces de ce minerai du sous-sol congolais.
Apple et Intel ont donc décidé de prendre les devants en rejoignant le « Conflit-Free Smelter », un programme lancé en décembre aux Etats-Unis, qui invite les entreprises américaines à prouver que leurs terres rares ne proviennent pas de filières alimentant les conflits, rapporte le site Greengopost.com. Un engagement qui permet à Apple de se racheter après avoir été longtemps critiqué au sujet de l’origine de ses matières premières, surnommées les « matières premières de la honte ».
En adhérant à ce programme lancé en décembre aux Etats-Unis, les entreprises devront, notamment, prouver que leurs terres rares ne proviennent pas de filières d’approvisionnement qui alimentent les conflits armés en République démocratique du Congo.
En juillet dernier, Barack Obama a approuvé la réforme « Dodd-Frank Act ». Elle entrera en vigueur en 2012, et contraindra toutes les sociétés américaines à une totale transparence quant à l’origine de leurs matières premières. Une mesure qui vise notamment à lutter contre les filières d’approvisionnement de terres rares qui financent les conflits armés en RDC.

LA MANNE REVELEE

L’on ignore si jusqu’à la révélation de Apple et Intel, le gouvernement avait connaissance de ce minerai dans la partie Est de la RDC. Mais, une chose est plus qu’évidente : à son insu ou pas, les terres rares étaient bel et bien exploitées et commercialisées à partir de l’Est de la RDC, à en croire les révélations portées dans la presse par les deux géants américains de l’informatique.
Pour l’essentiel, les terres rares sont un groupe de métaux aux propriétés voisines. Ces métaux sont, contrairement à ce que suggère leur appellation, assez répandus dans l’écorce terrestre, à l’égal des métaux usuels — l’abondance du cérium est ainsi du même ordre que celle du cuivre. Leur nom vient du fait qu’on les a découverts au début du XIXe siècle dans des minerais (d’où le nom de « terres », utilisé à l’époque en français, langue des échanges internationaux, pour les oxydes) peu courants à cette époque : terres rares signifiait donc « minerais rares ».
Les métaux rares sont en effet très prisés pour leurs exceptionnelles propriétés chimiques et physiques, essentielles à plusieurs industries de pointe. Ils sont utilisés dans les disques durs d’ordinateurs, les moteurs électriques, dans les aimants destinés aux moteurs automobiles hybrides, dans les ampoules basse consommation, dans les écrans à rayons X, les tubes cathodiques, les éoliennes, les technologiques solaires, les piles à combustible... voire dans les missiles.
Selon les experts, ce sont 25% des nouvelles technologies qui ont besoin de ces métaux rares.
Peu de matières premières sont aussi stratégiques et aussi peu connues que les terres rares. Ces « terres » sont au nombre de 15 et servent par exemple pour les écrans de vos téléphones. Personne ne pourrait en citer une seule ; pourtant, elles ont déjà envahi notre quotidien et nous en sommes tous dépendants.
Or, être dépendant des terres rares, c’est être dépendant de la Chine : elle assure 95% de la production mondiale. Il n’y aurait pas de problème si elle n’avait décidé récemment de garder sa production pour elle, notamment du fait de ses grandes ambitions dans les technologies vertes gourmandes en terres rares.
Depuis 2006, la Chine réduit ses quotas à l’exportation pour les terres rares de 10% par an. Au total, ces quotas sont passés de 60.000 tonnes en 2006 à 30 000 tonnes en 2009.
2010, l’Empire du Milieu est passé à la vitesse supérieure avec une réduction de 72% des quotas à l’export pour le dernier trimestre de l’année. 2011 s’annonce du même cru, alors que les industriels occidentaux sont aux abois.
En effet, pour garantir les approvisionnements de son industrie informatique, le gouvernement chinois a récemment annoncé qu’il ne délivrerait plus de licences d’exploitation avant 2012. Encore un signe de la réduction de l’offre.
Pékin importera des terres rares dans trois à quatre ans. L’annonce a fait l’effet d’une bombe : la Chine pourrait bientôt manquer de terres rares. Au rythme actuel de sa production minière, elle sait qu’elle risque de tuer la poule aux oeufs d’or. Entre 1996 et 2003, ses réserves avaient déjà baissé de 37%. Elles pourraient être épuisées d’ici 15 à 20 ans.
Ces inquiétudes se sont propagées sur le marché. Les prix ont littéralement décollé depuis un an. Ils ont pris 10.000 Usd en moyenne par tonne et par mois en 2010. En février 2011, le mouvement s’est encore accéléré. La tonne moyenne de terre rare est officiellement passée à 109.036 Usd.
Ainsi, comme d’autres consommateurs de ce minerai, la Chine est aussi à la recherche de nouveaux gisements des terres rares. Que l’on trouve – ironie du sort – encore et toujours dans la partie Est de la RDC. En Afrique, la RDC partage ce minerai, mais en quantité réduite, avec trois autres pays, à savoir le Rwanda, l’Afrique du Sud et le Mozambique.
Du coup, chaque pays s’est lancé dans une fouille approfondie de ses sous-sols. L’espoir d’y trouver quelques grammes de néodyme ou d’indium a mobilisé des énergies fantastiques.
En Europe, les acteurs du marché s’arrachent les quelques gisements du continent. L’estonien Silmet vient par exemple d’être racheté par l’américain Molycorp. Les Allemands montent des partenariats avec les Kazakhs.
Aux Etats-Unis, la mine géante de Mountain Pass a déjà été relancée par Molycorp. Le monde s’organise donc pour sortir de sa dépendance chinoise.

NOUVEL ELDORADO DES METAUX RARES

Les métaux rares constituent aujourd’hui un marché porteur, car bon nombre d’entre eux sont indispensables à la fabrication de matériaux électroniques. Il s’agit, en fait, d’un secteur très convoité, prometteur et ultra rentable. Estimé à 1,4 milliard de dollars par an, le marché mondial, encore très restreint, est cependant en forte croissance et devrait peser 3 milliards en 2015.
Face à la Chine, la RDC détient un positionnement stratégique. L’essentiel de la production mondiale de métaux rares se concentre dans deux pays : la Chine pour les terres rares et l’indium, la République démocratique du Congo pour le tantale.
La Chine détient, à elle seule, une dizaine de métaux rares sur son territoire et il semble que Pékin souhaite utiliser cette arme pour asseoir sa suprématie industrielle.
Les métaux rares sont indéniablement une carte à jouer pour la RDC, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives économiques pour le pays. Cependant, tout dépend de la stratégie que le gouvernement mettra en œuvre pour se mettre en valeur. Une fois de plus, la RDC doit clairement définir ses priorités dans le secteur minier.
Le monde industrialisé court après les terres rares. Tout le monde s’est donc déployé à travers le monde pour être les premiers sur les gisements les plus juteux. Dans cette course effrénée vers les terres rares, la RDC a certainement un rôle à jouer, une belle opportunité pour faire prévaloir ses intérêts.
Prendra-t-elle conscience de cette nouvelle carte à jouer ? Là est la clé de l’énigme.

[Le Potentiel]

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