dimanche 10 juillet 2011

Kirotche:les électeurs s’enregistrent sans enthousiasme

Le carnet de Colette Braeckman

10 juillet 2011
Les électeurs du Nord Kivu se sont enrôlés sans illusions Kirotche, Nord Kivu, Jusqu’aux dernières heures précédent la clôture du bureau d’enrôlement, ce dimanche 10 juillet, les villageois ont continué à descendre des hautes collines du Masisi, à prendre place dans la file pour essayer d’obtenir leur carte d’électeur. Dans la cour de l’école de Kirotche, transformée en centre d’enrôlement, le directeur des opérations, Georges Bangama Kavumbu, s’active, presse les opérateurs de procéder plus rapidement à la saisie des données et est obligé de conclure, avec regret, que, dans les délais impartis, il ne pourra pas enrôler tous les électeurs potentiels. Le contraste avec les opérations d’enrôlement de 2006 est saisissant : voici cinq ans, les premières élections démocratiques du Congo avaient bénéficié d’un extraordinaire engouement de la population et d’un soutien international massif. Observateurs internationaux, spécialistes en matières électorales, logisticiens et informaticiens, tous avaient aidé les Congolais à réussir le pari de la démocratie. Cette fois, les files d’électeurs potentiels sont toujours là, mais les observateurs sont absents, les bureaux d’enrôlement moins nombreux et les problèmes techniques se multiplient. Ici, à Kirotche, un des trois appareils de saisie est en panne et les opérateurs congolais tentent de résoudre seuls des problèmes informatiques compliqués. A ce stade de l’enrôlement en effet, les électeurs doivent se présenter soit avec leur carte de 2006 qui devra être renouvelée, soit avec une autre pièce qui permettra de réaliser le précieux sésame plastifié qui leur donnera accès au bureau de vote mais leur servira aussi de carte d’identité. L’un des jeunes assistants du bureau, sans illusion, nous prend à part pour expliquer qu’il y a moins de bureaux qu’en 2006 et que les gens doivent marcher durant des heures, depuis l’aube, pour tenter de faire renouveler leurs documents. Il s’interroge : « le jour du vote, le 28 novembre prochain, auront-ils le courage de se déplacer à nouveau ? Ici, s’ils sont venus, c’est surtout pour obtenir une pièce d’identité. Je crains qu’il y ait beaucoup plus d’abstentions que voici cinq ans… » Le système d’enrôlement, mis en œuvre par la société belge ZETES se révèle cependant assez fiable : outre les données personnelles, les cartes affichent la photo et l’empreinte digitale tandis que le croisement ultérieur des données informatiques devra permettre de détecter les tricheurs qui se sont inscrits plusieurs fois. La Commission électorale indépendante, dirigée par le pasteur Daniel Ngoy Mulunda, qui a remplacé l’abbé Malu Malu, espère que, lorsque tous les comptes seront soldés, 31 millions d’électeurs auront été enrôlés. A Goma et dans tous les villages du Masisi que nous traversons, la campagne électorale a démarré, les drapeaux des partis, plantés sur des piquets, flottent au vent, et personne ne se fait prier pour analyser la situation politique du moment. C’est qu’au Kivu, en 2006, le président Kabila avait enregistré des scores quasi soviétiques, partout supérieurs à 90% : alors que le reste du pays donnait déjà la priorité au développement, ici, dans ces provinces de l’Est qui avaient subi le choc de la guerre, le chef de l’Etat avait été plébiscité comme l’artisan de la paix. Cette année, même si la pacification a largement progressé, les gens expriment leur déception : des groupes armés sévissent toujours et poursuivent violences sexuelles et exactions, la reconstruction est à la traîne par rapport aux autres provinces tandis que les fruits de la corruption s’exposent dans les villas hollywoodiennes qui jalonnent les rives du lac Kivu. En outre, même si les opérations militaires conjointes menées avec le Rwanda ont permis de rapatrier des milliers de rebelles hutus, ce rapprochement entre Kinshasa et Kigali est mal vu au Kivu, qui le considère comme une trahison. Vital Kamerhe, l’ancien président de l’Assemblée nationale, originaire de Walungu au Sud Kivu, entend bien engranger les fruits de ce mécontentement et son parti, l’Union pour la nation congolaise gagne du terrain. Reste à savoir si l’éloquent quadragénaire aura le souffle et les moyens pour mener campagne dans tout le pays… Très fort dans le Kasaï et à Kinshasa, le parti d’Etienne Tshisekedi fait également une percée dans l’Est, capitalisant sur les états de service du vieil opposant à Mobutu. Mais sera ce suffisant pour convaincre les jeunes générations ? Pour tenter de mener une opposition unie, le président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo, pourrait être tenté de sortir du bois, mais nul n’imagine que les autres prétendants puissent se désister en sa faveur. De toutes manières, dans un scrutin à un tour, la division de l’opposition ne pourra que favoriser le président sortant, Joseph Kabila, qui ne manquera pas de moyens pour mener campagne dans tout le pays et pourra mettre en avant le début des cinq chantiers de la reconstruction. C’est pour cela que les enrôlés de Kirotche ont des états d’âme. Pour eux, si les bureaux d’enrôlement étaient trop peu nombreux, (au contraire du Katanga où le plein a été fait) c’est parce que le vote du Kivu n’est plus acquis à Kabila. Dans la cour de récréation, un vieil homme conclut : « ce qui compte, c’est que j’aie ma carte. Pour le reste, si je sens que tout est joué d’avance, je resterai chez moi… » D’autres, par contre, assurent que, même si le scrutin présidentiel est joué d’avance, ce qui compte, ce sont les législatives : « tous ces élus qui n’ont rien fait pour la Kirotche, Nord Kivu, Jusqu’aux dernières heures précédent la clôture du bureau d’enrôlement, ce dimanche 10 juillet, les villageois ont continué à descendre des hautes collines du Masisi, à prendre place dans la file pour essayer d’obtenir leur carte d’électeur. Dans la cour de l’école de Kirotche, transformée en centre d’enrôlement, le directeur des opérations, Georges Bangama Kavumbu, s’active, presse les opérateurs de procéder plus rapidement à la saisie des données et est obligé de conclure, avec regret, que, dans les délais impartis, il ne pourra pas enrôler tous les électeurs potentiels. Le contraste avec les opérations d’enrôlement de 2006 est saisissant : voici cinq ans, les premières élections démocratiques du Congo avaient bénéficié d’un extraordinaire engouement de la population et d’un soutien international massif. Observateurs internationaux, spécialistes en matières électorales, logisticiens et informaticiens, tous avaient aidé les Congolais à réussir le pari de la démocratie. Cette fois, les files d’électeurs potentiels sont toujours là, mais les observateurs sont absents, les bureaux d’enrôlement moins nombreux et les problèmes techniques se multiplient. Ici, à Kirotche, un des trois appareils de saisie est en panne et les opérateurs congolais tentent de résoudre seuls des problèmes informatiques compliqués. A ce stade de l’enrôlement en effet, les électeurs doivent se présenter soit avec leur carte de 2006 qui devra être renouvelée, soit avec une autre pièce qui permettra de réaliser le précieux sésame plastifié qui leur donnera accès au bureau de vote mais leur servira aussi de carte d’identité. L’un des jeunes assistants du bureau, sans illusion, nous prend à part pour expliquer qu’il y a moins de bureaux qu’en 2006 et que les gens doivent marcher durant des heures, depuis l’aube, pour tenter de faire renouveler leurs documents. Il s’interroge : « le jour du vote, le 28 novembre prochain, auront-ils le courage de se déplacer à nouveau ? Ici, s’ils sont venus, c’est surtout pour obtenir une pièce d’identité. Je crains qu’il y ait beaucoup plus d’abstentions que voici cinq ans… » Le système d’enrôlement, mis en œuvre par la société belge ZETES se révèle cependant assez fiable : outre les données personnelles, les cartes affichent la photo et l’empreinte digitale tandis que le croisement ultérieur des données informatiques devra permettre de détecter les tricheurs qui se sont inscrits plusieurs fois. La Commission électorale indépendante, dirigée par le pasteur Daniel Ngoy Mulunda, qui a remplacé l’abbé Malu Malu, espère que, lorsque tous les comptes seront soldés, 31 millions d’électeurs auront été enrôlés. A Goma et dans tous les villages du Masisi que nous traversons, la campagne électorale a démarré, les drapeaux des partis, plantés sur des piquets, flottent au vent, et personne ne se fait prier pour analyser la situation politique du moment. C’est qu’au Kivu, en 2006, le président Kabila avait enregistré des scores quasi soviétiques, partout supérieurs à 90% : alors que le reste du pays donnait déjà la priorité au développement, ici, dans ces provinces de l’Est qui avaient subi le choc de la guerre, le chef de l’Etat avait été plébiscité comme l’artisan de la paix. Cette année, même si la pacification a largement progressé, les gens expriment leur déception : des groupes armés sévissent toujours et poursuivent violences sexuelles et exactions, la reconstruction est à la traîne par rapport aux autres provinces tandis que les fruits de la corruption s’exposent dans les villas hollywoodiennes qui jalonnent les rives du lac Kivu. En outre, même si les opérations militaires conjointes menées avec le Rwanda ont permis de rapatrier des milliers de rebelles hutus, ce rapprochement entre Kinshasa et Kigali est mal vu au Kivu, qui le considère comme une trahison. Vital Kamerhe, l’ancien président de l’Assemblée nationale, originaire de Walungu au Sud Kivu, entend bien engranger les fruits de ce mécontentement et son parti, l’Union pour la nation congolaise gagne du terrain. Reste à savoir si l’éloquent quadragénaire aura le souffle et les moyens pour mener campagne dans tout le pays… Très fort dans le Kasaï et à Kinshasa, le parti d’Etienne Tshisekedi fait également une percée dans l’Est, capitalisant sur les états de service du vieil opposant à Mobutu. Mais sera ce suffisant pour convaincre les jeunes générations ? Pour tenter de mener une opposition unie, le président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo, pourrait être tenté de sortir du bois, mais nul n’imagine que les autres prétendants puissent se désister en sa faveur. De toutes manières, dans un scrutin à un tour, la division de l’opposition ne pourra que favoriser le président sortant, Joseph Kabila, qui ne manquera pas de moyens pour mener campagne dans tout le pays et pourra mettre en avant le début des cinq chantiers de la reconstruction. C’est pour cela que les enrôlés de Kirotche ont des états d’âme. Pour eux, si les bureaux d’enrôlement étaient trop peu nombreux, (au contraire du Katanga où le plein a été fait) c’est parce que le vote du Kivu n’est plus acquis à Kabila. Dans la cour de récréation, un vieil homme conclut : « ce qui compte, c’est que j’aie ma carte. Pour le reste, si je sens que tout est joué d’avance, je resterai chez moi… » D’autres, par contre, assurent que, même si le scrutin présidentiel est joué d’avance, ce qui compte, ce sont les législatives : « tous ces élus qui n’ont rien fait pour la population vont être congédiés » assure Bwabwa, un agronome. « En 2006 nous avons voté pour la fin de la guerre. Cette fois, plus que l’étiquette politique, c’est la compétence des élus qui prévaudra… »

COLETTE BRAECKMAN

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