Claude Kabala Muimba, président fédéral de l’UDPS-Lukunga, n’a plus donné signe de vie. Il a été vu pour la dernière fois, vendredi 8 juillet, à l’hôpital général Mama Yemo.
mCe jour là, des «combattants» de ce parti y ont été retirer la dépouille mortelle de leur camarade, Serge Lukusa, qui a trouvé la mort - par suffocation - lors du sit-in du 4 juillet devant la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). Le corps du défunt a été par la suite exposé devant le siège de la Ceni. Les manifestants entendaient démentir… le démenti du ministre de la Communication et presse selon lequel il n’y a pas eu de victimes lors de ce sit-in. Contactées par la rédaction de Congo Indépendant, des sources proches du secrétariat général de l’UDPS croient savoir que Claude Kabala est détenu dans un cachot de la police. Quarante-huit heures après, sa famille ignore non seulement l’autorité qui a ordonné son arrestation mais aussi le lieu de détention et les faits mis à sa charge.
Samedi 9 juillet aux alentours de 23h30, heure de Bruxelles, la rédaction de Congo Indépendant a reçu un appel téléphonique en provenance de la Norvège. Au bout de fil, un citoyen congolais nommé Freddy Mbuyamba. De quoi s’agit-il ? «Je voudrai vous signaler l’enlèvement de mon père par des policiers». L’intéressé est aussitôt invité à décrire les faits en donnant de plus amples détails. Dans un mail daté du 10 juillet, le "Congolo-Norvégien" écrit : «C’est avec consternation que j’ai appris l’enlèvement de Monsieur Claude Kabala Muimba, président fédéral de l’UDPS/Lukunga.» «Depuis le vendredi 8 juillet jusqu’a présent nous sommes sans nouvelle du lieu où il pourrait se trouver», ajoute-t-il en précisant que «la personne enlevée est mon père biologique». Concluant son message, «Freddy» demande «à la communauté tant nationale qu’internationale, aux organisations de défense des droits de l’Homme, à la Monusco et aux missions diplomatiques en poste Kinshasa de faire pression sur le pouvoir en place pour obtenir la libération immédiate et sans condition de monsieur Claude Kabala».
Des sources proches du secrétariat général de l’UDPS confirmaient dimanche 10 juillet «l’enlèvement», autrement dit l’arrestation sans mandat, de Claude Kabala Muimba. L’homme a été interpellé, vendredi dernier, à l’hôpital Mama Yemo. «Plusieurs combattants de notre parti, explique un membre de l’UDPS, sont «éparpillés» dans des cachots de la police à Kinshasa. Certains d’entre eux seraient détenus au niveau de la Place de la Victoire, d’autres au parquet ou à l’ex-B2». De quoi sont-ils accusés? Mystère.
Au moment où nous couchons ces lignes, nul ne sait les faits reprochés non plus au président fédéral de l’UDPS-Lukunga. Que l’on sache, le fait de se rendre à la morgue d’un hôpital ne peut constituer en soi un crime ou délit. Plus de quarante-huit heures après les faits, la famille Kabala attend désespérément l’établissement d’un contact avec les "autorités carcérales". On se trouve plus que jamais dans la logique d’une arrestation arbitraire. La Constitution promulguée en février 2006 par «Joseph Kabila» édicte, en effet, dans le premier alinéa de son article 18 que « toute personne arrêtée doit être immédiatement informée des motifs de son arrestation et de toute accusation portée contre elle (…).» Il est stipulé au troisième alinéa que "la personne gardée à vue a le droit d’entrer immédiatement en contact avec sa famille ou avec son conseil". Les forces dites de sécurité - dont les méthodes n’ont rien à envier à celles d’une police politique - seraient-elles au-dessus des lois?
Dans les milieux de l’opposition congolaise tant à Kinshasa qu’à Bruxelles, des voix s’élèvent - certes timidement - pour fustiger le «monopole sur la vie politique» exercé par le parti kabiliste PPRD (Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie). «Les membres du PPRD organisent des manifestations sur les grandes artères de la capitale en bénéficiant de l’encadrement des éléments de la police nationale. Pourquoi l’UDPS et les autres partis de l’opposition ne peuvent-ils jouir d’un traitement identique au nom de l’égalité de tous les citoyens devant la loi ?», s’interrogeait samedi 9 juillet Ange Pabolangi, président de la section bruxelloise de l’UDPS.
Lundi 4 juillet, l’UDPS a organisé un sit-in devant le siège de la Ceni. A cette occasion, le secrétaire général de cette formation politique, Jacquemain Shabani, a remis un mémo au vice-président de cette «institution d’appui à la démocratie». La suite est connue. Des affrontements ont opposé des policiers dits anti-émeutes à des «combattants» de l’UDPS. Bilan : deux morts. Cette information a été démentie par le ministre de la Communication et presse, Lambert Mende Omalanga. Le corps de l’une des victimes aurait été emporté par des policiers "vers une destination inconnue", soutiennent des sources proches du parti d’Etienne Tshisekedi. L’autre dépouille mortelle, celle de Serge Lukusa Diyoka, a été déposée à la morgue de l’hôpital Mama Yemo. De l’avis unanime, la victime a été intoxiquée par le gaz lacrymogène lancé par les "flics".
Vendredi 8 juillet, les «combattants», en compagnie de Claude Kabala Muimba, ont retiré le corps de leur camarade à la morgue de l’hôpital afin d’organiser les obsèques. Avant d’aller au domicile familial du défunt, le cortège a pris la direction du centre-ville. Destination : Siège de la Ceni sur le boulevard du 30 juin. Une manière de démentir…le démenti de Lambert Mende selon lequel aucune victime n’a été dénombrée le 4 juillet. Bête et méchante, la police, comme à son habitude, est intervenue en lançant à tort et à travers des grenades lacrymogènes et en tirant en l’air. Selon des témoins, des policiers se sont emparés du corps du militant de l’UDPS avant de le restituer aux combattants décidés à croiser le fer. "C’est une honte pour un pays qui se dit démocratique de voir des policiers réprimer sans ménagement des manifestants non armés en tirant des coups de feu en plein jour, commente un opposant politique. La preuve est ainsi faite que la RD Congo est une dictature. On reconnaît une démocratie par le souci des pouvoirs publics à respecter les citoyens".
Au moment de boucler ce «papier», on apprenait que le sit-in de l’UDPS prévu lundi 11 juillet devant le siège de la Ceni n’aura pas lieu. «Les responsables de la Ceni ont proposé de se rendre à la Permanence de l’UDPS.» En attendant, la famille Kabala attend toujours...
Issa Djema/B.A.W
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