vendredi 6 juillet 2012

André Kimbuta, les frasques inédites d’un gouverneur atypique

le 6 juillet 2012.



Du gâchis. Cinq ans de gâchis pour la ville de Kinshasa. Le malheur de la capitale de la RD-Congo, c’est d’avoir accepté un gouverneur nommé André Kimbuta Yango. Au moment de faire les comptes, pas le moindre résultat à afficher au compteur de l’habitué de chez Mort-Mort (le féticheur le plus célèbre de la ville de Kinshasa).

Plutôt que de s’occuper de ses administrés, Ya André dit «le haut sommet» (un surnom digne des gangs) a passé son temps à multiplier des frasques autour desquelles des anecdotes de tous genres se racontent. Des anecdotes plus authentiques les unes que les autres. Si les sceptiques doutent un instant, ils se laissent tout de suite convaincre au regard de l’image du personnage.

L’anecdotique gouverneur fait le plus parler de lui chez Muguylaguyla, le temple de Zaïko Langa-Langa chaque week-end. Les gens qui viennent ici cherchent plus à voir Kimbuta que les déhanchements légendaires de Nyoka Longo. Une fois, le gouv’ s’est même déchaussé, question de donner plus de souplesse à ses mouvements de jambes.

Lorsqu’il s’y met comme cela, c’est pour être compté parmi les derniers à quitter le concert vers les quatre heures du matin. Certains diront qu’il a le droit de se divertir. Oui, se divertir mais pas au point de s’exhiber comme un vulgaire monsieur chaque week-end après avoir passé toute la semaine à écumer tous les pubs de Kinshasa. S’amuser mais pas devenir le pilier du cabaret en compagnie du cortège officiel jusqu’à des heures indues.

Le problème, Kimbuta n’a jamais pris la dimension d’une fonction qu’il dit ne devoir à personne d’autre qu’à lui-même. Même pas à Joseph Kabila. Ses proches affirment qu’il aime répéter que «poste oyo ya gouverneur ezali cop na ngai moko» (ce poste, c’est ma propre thune).

A son cabinet, à l’Hôtel de ville, il n’y met jamais les pieds avant 11 heures, rapportent des agents. Retard habituel dû à un rythme de vie indécrottable de noctambule. S’il est là plus tôt, c’est qu’il a un rendez-vous. Cette fois-là, il a rendez-vous avec la députée MLC, Eve Bazaïba.

Celle-ci commence à s’impatienter alors qu’un quart d’heure est passé depuis l’heure convenue. Un appel et le gouverneur promet d’être là avant dix minutes. Le voilà qui débarque pour prendre son visiteur à la main lui-même.

Et de l’autre main, il se tape le front pour dire « ban… biloko oyo tomelaka, epesi ngai retard » (je m’en veux à cette herbe qui m’a mis en retard). Cette herbe est l’un des clichés qui collent le gouverneur à la peau, déjà du temps qu’il était président de la coordination de l’AS Vita Club.

Mêmes les groupes des enfants qui vivent des exhibitions acrobatiques dans les terrasses kinoises le caricaturent dans cette posture. Allez-y faire un tour chez Mombonda ya Gécamines ou la terrasse Dajmani, sur Inga, à Bandalungwa, vous vous en régalerez.

A la série d’anecdotes. Un jour, alors ministre du Budget, Adolphe Muzito, s’offre une visite d’inspection dans certaines communes kinoises, histoire de vérifier si le gouverneur rétrocède aussi aux entités décentralisées. Quelques jours plus tard, une réunion des gouverneurs de provinces se tient autour du même Muzito, dans son cabinet, sur la rétrocession aux provinces.

Kimbuta a une façon bien particulière d’exprimer son mécontentement. Séance tenante, il vocifère au maître des céans que «biloko wana nalingi yango te». Sur ces entrefaites, le voilà debout pour quitter la salle. Il a fallu des supplications instantes de ses collègues pour lui rappeler que c’est à sa demande que cette réunion a été convoquée.

Cet épisode signe la brouille entre les deux hommes jusqu’au jour où devenu Premier ministre, Muzito envoie, un week-end, deux de ses conseillers pour une raison d’Etat chez Kimbuta, à sa résidence. Les deux émissaires le surprennent en compagnie de ses collaborateurs les plus intimes dont Godard Motemona, ministre provincial de l’Intérieur suspendu depuis plusieurs semaines, sur décision du gouverneur.

Kimbuta congédie les siens et aux envoyés de Muzito, il leur livre une scène insolite, selon des témoignages concordants. Il leur demande d’aller dire à son pangi (son frère du Bandundu) qu’il n’a rien contre lui et que d’ailleurs, ils peuvent faire énormément des choses ensemble. Il leur fait la confession de son appartenance au PALU.

Appel est fait à Motemona pour en donner la certification. « Dites-leur Godard, où est-ce que je garde toujours ma carte PALU», interroge-t-il son lieutenant. «Dans la chaussette», répond celui-ci. Et celle du PPRD? «Dans la poche de la Chemise», ajoute Motemona.

A Kimbuta de commenter : «celle du PPRD, je la garde toujours bien visible dans la poche de ma chemise blanche pour que le président Joseph Kabila la remarque à chaque fois qu’il me reçoit en audience».

La meilleure s’est passée à l’aéroport de N’Djili pendant que le gouverneur s’apprêtait à recevoir Nicolas Sarkozy lors de sa visite à Kinshasa. Meilleur puisque ce spectacle a été diffusé en direct et tous les téléspectateurs en ont été témoins.

Ce jour-là, Kimbuta avait dû vraisemblablement marcher là où il y avait de la poussière avant d’embarquer sur la banquette arrière de sa Jeep. Quoi de plus normal pour lui que de sortir un mouchoir pour épousseter ses chaussures.

Le comble, c’est qu’il l’a fait en public et s’est servi, par la suite, du même tissu pour s’essuyer le visage. Décidément, cette journée était riche en bourdes pour Kimbuta. Au Palais de la nation, sous la rotonde, il tombe sur un groupe des journalistes qui l’ovationnent aux cris de gouv’.

Les confrères sont effarés d’entendre leur interlocuteur leur demander de lui montrer le chemin des toilettes avant qu’il ne les arrose. Ça lui pressait tant.

En 2008, Kimbuta aura été plus remarqué que les stars africaines comme Salif Keita ou Meiway venus se produire au FIET -Festival des étoiles de Serge Kayembe au GB. Le patron de la ville avait pour rôle de procéder à l’inauguration de la manif. Il y est arrivé visiblement éméché.

La preuve, lorsqu’il prend la parole devant le public, la langue lui colle au palais. «Veuillez-vous élever», lance-t-il en présence des reporters de «CONGONEWS» au lieu de dire «veuillez-vous lever».

Un appel pour observer une minute de silence en mémoire de Michaël Jackson décédé quelques jours auparavant. Dans le public, des voix se font entendre pour associer également la mémoire de Sans souci Mokili Ngonga.

Pour un moment aussi solennel, Kimbuta choisit de le trivialiser en se demandant, à haute voix, s’il fallait une ou deux minutes pour les deux illustres disparus. Toute la société des gens présente à la manifestation s’en est sentie choquée comme il s’était agi d’une profanation.

Et son bilan? Tout ce qu’il a entrepris a foiré. A commencer par sa tristement célèbre RIMMOKIN -Régie immobilière de Kinshasa-morte dans l’œuf. Pourtant des tiers avaient souscrit et libéré leurs promesses. Comme la SONAS qui ne s’est jamais fait rembourser ses près de 700.000 dollars versés pour la construction des maisons des agents et cadres.

La RETRANSKIN, également à pertes et profits. Le premier lot des bus n’ont roulé que l’espace d’une saison. Ces quincailleries destinées à la casse en Europe ont débarqué à Kinshasa sans aucune pièce de rechange, même pas un pneu de rechange.

Les Kinois les avaient surnommées «nakolala wapi» pour leurs pannes répétées, une façon de prévenir que quiconque emprunte cet engin n’a qu’à se prémunir pour passer la nuit à mi-chemin.

La Poubelle-Kin s’est transformée en des dépotoirs publics dont le contenu n’est jamais évacué avant plusieurs jours. En moyenne, deux décharges publiques par commune. De quoi contraindre les Kinois à faire des centaines de mètres avec les immondices sur la tête. Kimbuta s’était tant vanté de l’éclairage public. Depuis, les chaussées kinoises se sont replongées dans le noir, à l’exception de quelques unes.

Le rond-point des Huileries laissé à l’abandon. Dans sa politique très tape l’oeil, Kimbuta avait décidé de sa démolition sans étude préalable de faisabilité. La DGRK est devenue un véritable tonneau de Danaïdes, un puits sans fond.

Ses recettes sont logées dans un compte autre que celui prévu par la loi. Le plus grand mérite de Kimbuta est d’avoir réussi à mettre ses députés provinciaux dans sa poche.

Et pour cela, il se flatte qu’il accomplira son mandat jusqu’à son terme. Au grand dam des Kinois.

Direct.cd
Paul MULAND

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