mercredi 10 août 2011

Akufa-Kala, "Homme mort"


Par RICH NGAPI

Ici, je vais devoir encore dire la Passion des autres. Je n’ai pas d’autre choix, parce que, par contagion, cette Passion est aussi mienne. Je me souviens encore de cette terrible phrase d’un fonctionnaire sur la place «Golgotha », la semaine dernière : «Ah ! Si nous aussi, nous avions où fuir, il y a longtemps que ce lieu ne s’appellerait plus pays»… C’est fort. Cette déclaration doublée de récrimination a été puisée au fond de ses trippes. Il était inconsolable et fou de rage contre son employeur qu’est l’Etat congolais. Il était même prêt à porter plainte contre inconnu pour non paiement de son maigre salaire. Exaspéré, il a recouru à son Lingala natal pour exprimer son ras-le-bol. « Nazali na ngai AKUFA-KALA », entendez je suis un Homme mort, se plaisait-il de dire à qui voulait l’entendre, comme quelqu’un qui n’a rien à perdre.

Effectivement. A le voir, ce vieux fonctionnaire aux apparences d’un Cowboy fatigué, n’a plus rien à perdre. Son avenir est derrière lui. Il est, lui, AKUFA-KALA, le symbole vivant de ces autres milliers de vies en sursis que les «Caïmans» sacrifient à l’autel du supplice. Elles ne se comptent plus, ces «loques humaines» que les «politicailleurs» véreux ont réduites à leur plus simple expression.

Voici pourquoi AKUFA-KALA a dit « Si nous aussi, nous avions où fuir… ». De la place « Golgotha » (devant le ministère de la Fonction publique) où nous nous trouvions, il nous indique, à l’aide de son indexe, les bousculades des demandeurs de passeports devant le ministère des Affaires étrangères. «Tous ceux qui imposent la misère au peuple – hormis le chef de l’Etat – ont leurs familles ailleurs (…) Ils n’ont que faire de nos plaintes et jérémiades ». Puis, il précise : «Ces derniers temps, les proches parents des «caïmans » font la queue devant ce ministère-là pour quitter le pays avant les élections, que craignent-ils ?».

Finalement, renseignement pris, il nous a été rapporté que notre fonctionnaire de la place « Golgotha » côtoie sa misère et grimpe les stations de son calvaire depuis 15 ans. Mais, selon ses propres dires, «J’ai, certes, souffert dans ma carrière de fonctionnaire, la misère de ces derniers mois n’a pas d’égal». Et d’ajouter : «Vous les jeunes, continuez la lutte».

Il a raison. La lutte pour la survie est devenue le leitmotiv de la jeunesse congolaise. Comme le disait un romancier, nous ne pouvons, quant à nous que constater notre belle impuissance à traquer et à rendre, avec tous les contours et atours, ce roman impitoyable que l’on fait écrire au jour le jour, et au taux du jour, à des milliers de vies en sursis, en marge et malgré eux. AKUFA-KALA, même mort, tu vivras !

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