La flamme de l’insécurité est loin de s’éteindre dans l’Est du pays. Les seigneurs de guerre redoublent de virulence leurs exactions, pendant que l’armée régulière tente de rétablir l’autorité de l’Etat.
Le comble, c’est que rien n’inquiète tous ces chefs de bandes même si la CPI vient de condamner l’ex-chef milicien Thomas Lubanga et relancer un mandat d’arrêt contre Bosco Ntaganda.
Dans cette situation confuse, ce sont des milliers de populations qui sont contraintes à l’errance. Comment expliquer la persistance de l’insécurité dans cette partie du pays malgré tous les moyens déployés pour sa stabilisation ?
Quel mécanisme mettre en place pour la pacifier ? Qui, finalement, est derrière tous ces groupes armés ?
L’organisation des élections présidentielle et législatives n’a pas suffi, à elle seule, de dissuader les seigneurs de guerre dans la partie Est du pays. Ce que d’aucuns croient être des «poches de résistance» reprennent petit à petit de l’ampleur et entre en ébullition. Tout l’Est bouge.
Au Nord-Kivu, les combats se poursuivent à Nyabiondo, dans le Masisi, entre les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et les miliciens Maï-Maï APCLS du général Janvier.
Les autorités militaires ont même avancé un bilan provisoire de quatre blessés légers du côté des FARDC, six Maï-Maï tués et deux autres capturés.
Au Sud-Kivu, les FDLR continuent à mener des attaques, notamment à Kabare et Kalehe. Et à Bunia en Province Orientale, des mouvements des troupes rebelles sont signalés à Irumu et Mambasa.
D’un côté, Cobra Matata et ses combattants de la Force de résistance patriotique de l’Ituri (FRPI) sont regroupés à Gety, localité située à une quarantaine de kilomètres au Sud de Bunia et, de l’autre, Kasambasa, alias Simba, un officier FARDC déserteur, menace d’attaquer Mambasa-centre et les installations de la réserve de la faune à Okapi à Epulu… La liste noire n’est pas exhaustive.
INSECURITE PERMANENTE
A regarder l’évolution de la situation à l’Est, le futur gouvernement devra se fixer comme premier défi la sécurité. Il n’y a pas à se voiler la face.
Il ressort clairement que sur ce plan, toutes les négociations de paix ainsi que de multiples opérations de traques des groupes armés dans la partie Est du pays sont loin d’avoir apporté une réponse efficace.
Que de discours. Que d’initiatives. Mais rien ne change. Les seigneurs de guerre continuent de semer la désolation parmi les populations civiles. A tel point que, faute d’une sécurité viable, la RDC est même classée parmi les dix pays africains les plus dangereux, selon le dernier rapport the Institut for Economic and Peace.
Tout transparaît donc clairement que l’insécurité bat encore son plein dans l’Est de la RDC. La preuve ? Il ne se passe pas un seul jour sans qu’on signale des bévues des hommes armés incontrôlés.
Il ne se passe jamais un jour sans qu’on enterre un mort, victime de la barbarie humaine. Plusieurs sources s’accordent pour dire que la situation sécuritaire actuelle dans l’Est du pays est pire qu’avant le lancement de STAREC.
L’an dernier, la communauté internationale avait mis en place la Stratégie internationale de soutien à la stabilisation et la sécurité (ISSSS). C’est autour de ce programme que la communauté internationale entendait concentrer tous ses efforts pour le retour d’une paix durable dans l’Est de la RDC.
Ce programme piloté par la Monusco a donc comme objectif principal d’appuyer les efforts nationaux pour la promotion d’un environnement sécurisé et stable dans les zones jadis touchées par les conflits armés.
Elle est l’interface par excellence de la communauté internationale dans le programme STAREC lancé en juin 2009 par le gouvernement congolais.
Mais à ce jour, l’on peut s’interroger sur les résultats escomptés de tous ces programmes ? Autant on affiche une bonne mine, autant des pesanteurs persistent pour un retour à la paix durable dans la partie Est du territoire national.
L’EPINE NTAGANDA
L’affaire Ntaganda a rebondi au moment où on s’attendait le moins. En effet, lors d’une conférence de presse à La Haye (Pas-Bas), le jeudi 15 mars, le procureur Luis Moreno Ocampo, qui a salué la condamnation de Thomas Lubanga, a saisi l’occasion pour demander au président Joseph Kabila de livrer à la CPI le général Bosco Ntaganda, soupçonné de complicité dans les crimes commis par Thomas Lubanga en 2002, dans le district de l’Ituri, en Province Orientale.
Longtemps sur ce même dossier, Kinshasa est accusé de complicité et de faire obstruction à la justice internationale par son refus de collaborer à l’arrestation de cet officier général des FARDC.
Plusieurs voix se sont élevées, on s’en souvient, pour condamner le «silence coupable» de Kinshasa qui continue de considérer cet officier comme un «fusible» pour la paix dans l’Est du pays. Curieusement, au lieu de la paix, c’est le contraire qui se produit au fil des années.
Quoique l’on dise, Ntaganda reste une épine sous le pied du gouvernement de Kinshasa. Le livrer ou ne pas le livrer ne changerait rien si, au finish, toute position à prendre sur le sort de cet officier ne procure pas un climat de paix dans l’Est du pays.
Sinon, les populations civiles de l’Est continueront de subir le calvaire. Avec son lot de misère. D’ailleurs, à ce jour, le nombre de déplacés internes a augmenté, atteignant près de 1 800 000 déplacés, selon le récent rapport du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (Ocha).
LA MENACE DE BALKANISATION
Il est un fait que si cette insécurité persiste, elle servira de prétexte aux adeptes de la balkanisation. Il sera prouvé que Kinshasa a du mal à contrôler cette partie de la République, à imposer son autorité et à y ramener de l’ordre.
On ne peut comprendre qu’avec une concentration aussi importante de la force militaire pour neutraliser les forces négatives, rétablir l’autorité de l’Etat, l’on soit toujours incapable d’atteindre l’objectif d’une paix réelle.
En plus, autant d’initiatives ont été prises, au nom de la paix, pour requinquer les FARDC. Il s’agit notamment du brassage et du mixage. Mais rien n’y fait. La réforme de l’armée continue à poser problème.
Entre-temps, l’on ne cesse d’enregistrer des cas de désertion et d’indiscipline qui fragilisent davantage les FARDC. Et, la présence de quelques éléments militaires dans des concessions minières ne rime pas du tout avec la restructuration de l’armée.
Kinshasa est désormais interpellé pour prendre le taureau par les cornes. Cette insécurité, une fois de plus, fait le lit de la balkanisation. Et Kinshasa donne l’impression d’être loin du lieu où ce déroule ce complot, risque d’être surpris un jour en constatant le fait accompli. Déjà, le «pillage des ressources naturelles» qui prépare la «balkanisation économique» échappe à son attention.
La «balkanisation administrative» complèterait tout simplement ce tableau machiavélique.
(Encadré)
Les crimes de Bosco Ntaganda commis en Ituri
Par Angelo Mobateli
Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno O’Campo, a demandé au président Joseph Kabila d’arrêter Bosco Ntaganda sur qui pèse, depuis le 22 août 2006, un mandat d’arrêt que le gouvernement de la RDC se refuse d’exécuter pour des raisons de «paix dans l’Est» du pays.
Cet ancien commandant adjoint des Forces patriotiques pour la libération du Congo, une milice Hema alliée à l’UPC de Thomas Lubanga, qui vient d’être reconnu coupable de crimes de guerre, est général de brigade des Forces armées de la RDC depuis 2009.
Il a été nommé à la suite de l’Accord de paix conclu à Homa (Nord-Kivu) entre le gouvernement et des groupes armés, dont le CNDP de Laurent Nkunda évincé en janvier de la même année par Ntaganda !
«Le chairman a été renversé, mais le CNDP reste tel quel», avait-il déclaré le 8 janvier 2009 à partir d’une localité du territoire du Masisi, alors sous contrôle rebelle. «Depuis longtemps, nous lui disions de quitter le pouvoir», avait-il signalé, assurant que «ce changement à la tête du mouvement va favoriser le retour à la paix dans l'Est de la RDC» et soulignant que «Nkunda était devenu un frein à la paix» au sein du CNDP.
Bosco Ntaganda, né en 1973, est un ancien officier de l’Armée patriotique rwandaise (1990-1994). Surnommé Terminator, il est accusé d’avoir «joué un rôle essentiel dans l’enrôlement et la conscription d’enfants de moins de 15 ans en l’Ituri».
Dans les maquis du CNDP qu’il rejoint au Nord-Kivu, il est «présumé avoir poursuivi la commission des crimes sur les populations civiles, tels que le massacre d’environ 150 civils le 4 au 5 novembre 2008 à Kiwanja».
C’est en 2004 que la RDC avait demandé à la CPI d’«enquêter et de poursuivre les crimes internationaux qui ont été commis sur son territoire depuis le 1er juillet 2002».
Le 28 avril 2008, la CPI avait alors décidé de la levée des scellés sur un mandat d’arrêt émis en 2006 contre Bosco Ntaganda - «supposé être ressortissant rwandais» -, poursuivi dans le cadre de l’affaire Thomas Lubanga Dyilo et pour les mêmes charges que ce dernier (crimes de guerre comprenant l’enrôlement, la conscription et l’utilisation dans les conflits armés d’enfants de moins de 15 ans).
«La Mission des nations unies au Congo (MONUC) est mandatée par trois résolutions du Conseil de sécurité de collaborer avec le gouvernement congolais pour que les présumés criminels de guerre soient traduits devant la justice.
De plus, l’accord du 8 novembre 2005 signé entre la MONUC et la CPI confirme le pouvoir de la MONUC d’assister l’Etat pour l’arrestation des présumés recherchés par la CPI sur requête du gouvernement congolais», rappelle une source proche de la CPI.
CRIMES COMMIS EN ITURI
Août 2002 : massacre de la population civile, incendies des maisons et pilages des biens à Songolo, Zumbe, Lipri et autres villages.
Novembre 2002 : massacre de plusieurs civils pour des motifs ethniques dans les cités de Mongbwalu, Kilo et environs dans le district de l’Ituri.
Août 2002 à mars 2003 : arrestations arbitraires, tortures et tueries des centaines de civils appartenant aux ethnies Lendu et Ngiti.
2004 : meurtre d’un soldat de maintien de la paix de la MONUC en juin et enlèvement d’un autre la même année.
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