20. fév | Par Clément Cyiza |
Tandis que le rapport du Programme des Nations Unies pour le Développement PNUD , sorti début du mois de novembre 2011, nous révélait que plus de 58,5% des Rwandais vivent sous le seuil de pauvreté national( 76,8% vivant en dessous de 1,25 dollar par jour), le rapport du ministère des finances rwandais, sorti début du mois de février 2012, vient remettre en question les chiffres avancés par le PNUD , en stipulant que « seulement » moins de 45% des rwandais vivent sous le seuil de pauvreté.
Selon le ministère des finances rwandais, entre 2006-2011, la population vivant sous le seuil de pauvreté a reculé de 57% à 45%, soit une réduction de 12 points de pourcent.
Suivant ce même rapport, « seulement » 24% de Rwandais vivraient dans l’extrême pauvreté, ce qui représente une réduction de 13 points de pourcent par rapport au 37% observés en 2006.
Le Rwanda, via son ministre des finances, John Rwangombwa, se félicite des avancées réalisées depuis 2006 dans les 3 objectifs poursuivis par les autorités rwandaises dans leurs stratégies EDPRS ( Economic, Development and Poverty Reduction Strategy) : créer des emploi s et booster l’exportation , réduire la pauvreté, plus d’ouverture démocratique, une meilleure justice et une bonne gouvernance.
Ce rapport sort 4 mois après le rapport sur l’indice du développement provenant du PNUD. Selon ce dernier, 58,5% des Rwandais vivraient sous le seuil de pauvreté en 2011, soit une différence de 13,5 points de pourcent par rapport aux données du ministère des finances rwandais.
Le rapport du ministère des finances rwandais remet en question le travail effectué par le PNUD, une organisation onusienne opérant aux quatres coins du monde. Avec une connaissance moins restreinte du terrain, on reproche, en effet, au PNUD de ne pas tenir compte d’une dynamique et de certains progrès réalisés par les pouvoirs locaux.
Ce manque de pression sur la construction de l’indice du développement par le PNUD ne doit pas cependant être vu comme l’acceptation totale du rapport du ministère des finances rwandais .
En effet, les chiffres annoncés par ce rapport peuvent s’avérer biaisés par un manque de rigueur de la part des experts rwandais ou voir même biaisés pour des raisons politico-économiques. Pour continuer à recevoir des aides et afficher une bonne imagine du pays, l’hypothèse de la falsification des chiffres ne peut être exclue.
Plusieurs facteurs remettent en question le rapport du ministère des finances rwandais. Nous allons nous limiter à deux facteurs noyant les résultats de la stratégie EDPRS :
Premièrement, selon ce rapport, 85% des objectifs fixés dans la stratégie EDPRS ont été réalisés. Sur base de cette information, il serait difficile d’expliquer les assassinats et les emprisonnements perpétués sur les opposants et journalistes critiques du régime de Kigali durant ces derniers années.
Or, l’un des trois objectifs poursuivis dans la stratégie EDPRS est l’ouverture de la démocratie au Rwanda.
Deuxièmement, sur base des témoignages et de l’inflation observée, le coût de la vie au Rwanda est de plus en plus cher, plongeant la population dans la pauvreté . A titre illustratif, un kilo de bœuf coûte 2000 francs rwandais, 800 francs rwandais pour 1 kilo de sucre.
On peut se poser la question de savoir ce qui reste à un ménage moyen ayant un salaire de 50000 francs rwandais après avoir payé le loyer, la nourriture, les affaires scolaires de ces 5 enfants,…
Le coût de la vie au plus haut niveau
L’ambigüité sur la réduction de la pauvreté s’accentue encore plus avec la forte inflation observée au Rwanda durant ces dernières années. La forte inflation est lourdement ressentie par la population rwandaise.
Dans le journal New Time, on peut y lire un témoignage d’une rwandaise évoquant son inquiétude quant à l’évolution des prix des biens et services.
Trois facteurs susceptibles d’expliquer la hausse du coût de la vie au Rwanda :
Une demande intérieure qui croit plus rapidement que l’offre. Sous cette hypothèse, une forte demande s’expliquerait par une réduction considérable de la pauvreté au Rwanda. Avec une propension marginale à consommer positive, une hausse de la richesse des ménages s’accompagnant plus souvent par une forte demande des biens, ce qui conduit à une hausse des prix si l’offre ne suit pas.
Si l’inflation observée au Rwanda est le résultat d’une hausse de la demande intérieure, les données avancées par le ministère des finances sont probablement réalistes.
Des chocs macroéconomiques extérieurs qui influencent le coût de la vie de la population rwandaise. On peut y citer la hausse des prix des matières premières qui a un impact direct sur l’ensemble des prix des biens et services.
Si la hausse du niveau général des prix causée par des chocs extérieurs ne s’accompagne pas par une hausse général des salaires (rien ne montre une hausse significative du niveau général des salaires au Rwanda), une hausse des coûts de la vie serait inévitable (importation de la pauvreté extérieure).
Si cette dernière est l’explication de la hausse de l’inflation, les chiffres annoncés par le rapport du ministère des finances seraient probablement biaisés.
Une politique monétaire expansionniste (politique inflationniste dans le jargon des économistes) est également susceptible d’expliquer la hausse du coût de la vie.
Là aussi, évitons de tirer des conclusions (manque de données réelles et objectives de la politique gouvernementale), posons tout simplement deux hypothèses :
-Soit une politique monétaire expansionniste pour permettre au gouvernement d’offrir des biens et servir de manière profitable à la population ( construction d’écoles, création d’emplois dans le secteur public, etc…). Si cette assertion se révèle vraie, le rapport du ministère de finances serait probablement objectif.
Soit- une politique monétaire inflationniste non profitable pour la population rwandaise. Le financement de l’oppression exercée par Kigali sur les opposants est une bonne illustration d’une politique expansionniste allant à l’encontre des attentes de la population, et donc de leur bien être.
Un autre exemple serait l’échec au niveau gouvernemental sur sa politique microéconomique de fixation du prix des biens et services au cas par cas.
Dans ce dernier exemple, les prix ne sont plus déterminés que par l’offre et la demande, ils sont également influencés par les objectifs gouvernementaux ( par exemple le souhait de protéger un tel secteur au détriment d’un autre, ce qui explique les inégalités observées au Rwanda entre régions, secteurs d’activités et, de ce fait les inégalités entre personnes).
Ces différentes politiques gouvernementales pourraient provoquer une pression inflationniste non profitable aux Rwandais. Une fois de plus, si cette hypothèse est vérifiée, une remise en question de la pertinence du rapport du ministère des finances rwandais est justifiable.
La conclusion qu’on peut tirer des ces deux rapports est la suivante :
Il y a eu un recul de la pauvreté au Rwanda durant ces dernières années. La réduction de la pauvreté s’observe indirectement par la présence accrue du nombre d’enfants scolarisés, l’amélioration des soins de santé et un taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) supérieur à la moyenne africaine.
Quantitativement, sur base de ces deux rapports, il est difficile de savoir le nombre réel de personnes sorties de la pauvreté durant ces dernières années. En effet, selon le PNUD, 58,5% de 10,7 million de Rwandais vivraient sous le seuil de pauvreté national, ce qui représente 6,3 million de personnes, tandis que le rapport du ministère des finances nous apprend qu’ils seraient « seulement » que 4,8 millions.
Erreur de calcul ou mensonge intellectuel ?
Sur base des informations en notre disposition, on ne peut répondre de manière catégorique à cette question, laissant donc planer l’’incertitude sur les 1,5 million de Rwandais vivant au-dessus ou en dessous du seuil de pauvreté.
Clément Cyiza
Jambonews.net
Tandis que le rapport du Programme des Nations Unies pour le Développement PNUD , sorti début du mois de novembre 2011, nous révélait que plus de 58,5% des Rwandais vivent sous le seuil de pauvreté national( 76,8% vivant en dessous de 1,25 dollar par jour), le rapport du ministère des finances rwandais, sorti début du mois de février 2012, vient remettre en question les chiffres avancés par le PNUD , en stipulant que « seulement » moins de 45% des rwandais vivent sous le seuil de pauvreté.
Selon le ministère des finances rwandais, entre 2006-2011, la population vivant sous le seuil de pauvreté a reculé de 57% à 45%, soit une réduction de 12 points de pourcent.
Suivant ce même rapport, « seulement » 24% de Rwandais vivraient dans l’extrême pauvreté, ce qui représente une réduction de 13 points de pourcent par rapport au 37% observés en 2006.
Le Rwanda, via son ministre des finances, John Rwangombwa, se félicite des avancées réalisées depuis 2006 dans les 3 objectifs poursuivis par les autorités rwandaises dans leurs stratégies EDPRS ( Economic, Development and Poverty Reduction Strategy) : créer des emploi s et booster l’exportation , réduire la pauvreté, plus d’ouverture démocratique, une meilleure justice et une bonne gouvernance.
Ce rapport sort 4 mois après le rapport sur l’indice du développement provenant du PNUD. Selon ce dernier, 58,5% des Rwandais vivraient sous le seuil de pauvreté en 2011, soit une différence de 13,5 points de pourcent par rapport aux données du ministère des finances rwandais.
Le rapport du ministère des finances rwandais remet en question le travail effectué par le PNUD, une organisation onusienne opérant aux quatres coins du monde. Avec une connaissance moins restreinte du terrain, on reproche, en effet, au PNUD de ne pas tenir compte d’une dynamique et de certains progrès réalisés par les pouvoirs locaux.
Ce manque de pression sur la construction de l’indice du développement par le PNUD ne doit pas cependant être vu comme l’acceptation totale du rapport du ministère des finances rwandais .
En effet, les chiffres annoncés par ce rapport peuvent s’avérer biaisés par un manque de rigueur de la part des experts rwandais ou voir même biaisés pour des raisons politico-économiques. Pour continuer à recevoir des aides et afficher une bonne imagine du pays, l’hypothèse de la falsification des chiffres ne peut être exclue.
Plusieurs facteurs remettent en question le rapport du ministère des finances rwandais. Nous allons nous limiter à deux facteurs noyant les résultats de la stratégie EDPRS :
Premièrement, selon ce rapport, 85% des objectifs fixés dans la stratégie EDPRS ont été réalisés. Sur base de cette information, il serait difficile d’expliquer les assassinats et les emprisonnements perpétués sur les opposants et journalistes critiques du régime de Kigali durant ces derniers années.
Or, l’un des trois objectifs poursuivis dans la stratégie EDPRS est l’ouverture de la démocratie au Rwanda.
Deuxièmement, sur base des témoignages et de l’inflation observée, le coût de la vie au Rwanda est de plus en plus cher, plongeant la population dans la pauvreté . A titre illustratif, un kilo de bœuf coûte 2000 francs rwandais, 800 francs rwandais pour 1 kilo de sucre.
On peut se poser la question de savoir ce qui reste à un ménage moyen ayant un salaire de 50000 francs rwandais après avoir payé le loyer, la nourriture, les affaires scolaires de ces 5 enfants,…
Le coût de la vie au plus haut niveau
L’ambigüité sur la réduction de la pauvreté s’accentue encore plus avec la forte inflation observée au Rwanda durant ces dernières années. La forte inflation est lourdement ressentie par la population rwandaise.
Dans le journal New Time, on peut y lire un témoignage d’une rwandaise évoquant son inquiétude quant à l’évolution des prix des biens et services.
Trois facteurs susceptibles d’expliquer la hausse du coût de la vie au Rwanda :
Une demande intérieure qui croit plus rapidement que l’offre. Sous cette hypothèse, une forte demande s’expliquerait par une réduction considérable de la pauvreté au Rwanda. Avec une propension marginale à consommer positive, une hausse de la richesse des ménages s’accompagnant plus souvent par une forte demande des biens, ce qui conduit à une hausse des prix si l’offre ne suit pas.
Si l’inflation observée au Rwanda est le résultat d’une hausse de la demande intérieure, les données avancées par le ministère des finances sont probablement réalistes.
Des chocs macroéconomiques extérieurs qui influencent le coût de la vie de la population rwandaise. On peut y citer la hausse des prix des matières premières qui a un impact direct sur l’ensemble des prix des biens et services.
Si la hausse du niveau général des prix causée par des chocs extérieurs ne s’accompagne pas par une hausse général des salaires (rien ne montre une hausse significative du niveau général des salaires au Rwanda), une hausse des coûts de la vie serait inévitable (importation de la pauvreté extérieure).
Si cette dernière est l’explication de la hausse de l’inflation, les chiffres annoncés par le rapport du ministère des finances seraient probablement biaisés.
Une politique monétaire expansionniste (politique inflationniste dans le jargon des économistes) est également susceptible d’expliquer la hausse du coût de la vie.
Là aussi, évitons de tirer des conclusions (manque de données réelles et objectives de la politique gouvernementale), posons tout simplement deux hypothèses :
-Soit une politique monétaire expansionniste pour permettre au gouvernement d’offrir des biens et servir de manière profitable à la population ( construction d’écoles, création d’emplois dans le secteur public, etc…). Si cette assertion se révèle vraie, le rapport du ministère de finances serait probablement objectif.
Soit- une politique monétaire inflationniste non profitable pour la population rwandaise. Le financement de l’oppression exercée par Kigali sur les opposants est une bonne illustration d’une politique expansionniste allant à l’encontre des attentes de la population, et donc de leur bien être.
Un autre exemple serait l’échec au niveau gouvernemental sur sa politique microéconomique de fixation du prix des biens et services au cas par cas.
Dans ce dernier exemple, les prix ne sont plus déterminés que par l’offre et la demande, ils sont également influencés par les objectifs gouvernementaux ( par exemple le souhait de protéger un tel secteur au détriment d’un autre, ce qui explique les inégalités observées au Rwanda entre régions, secteurs d’activités et, de ce fait les inégalités entre personnes).
Ces différentes politiques gouvernementales pourraient provoquer une pression inflationniste non profitable aux Rwandais. Une fois de plus, si cette hypothèse est vérifiée, une remise en question de la pertinence du rapport du ministère des finances rwandais est justifiable.
La conclusion qu’on peut tirer des ces deux rapports est la suivante :
Il y a eu un recul de la pauvreté au Rwanda durant ces dernières années. La réduction de la pauvreté s’observe indirectement par la présence accrue du nombre d’enfants scolarisés, l’amélioration des soins de santé et un taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) supérieur à la moyenne africaine.
Quantitativement, sur base de ces deux rapports, il est difficile de savoir le nombre réel de personnes sorties de la pauvreté durant ces dernières années. En effet, selon le PNUD, 58,5% de 10,7 million de Rwandais vivraient sous le seuil de pauvreté national, ce qui représente 6,3 million de personnes, tandis que le rapport du ministère des finances nous apprend qu’ils seraient « seulement » que 4,8 millions.
Erreur de calcul ou mensonge intellectuel ?
Sur base des informations en notre disposition, on ne peut répondre de manière catégorique à cette question, laissant donc planer l’’incertitude sur les 1,5 million de Rwandais vivant au-dessus ou en dessous du seuil de pauvreté.
Clément Cyiza
Jambonews.net
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