mardi 1 mai 2012

Mali: qui détient le pouvoir à Bamako?


La vive réaction de la junte à la suite de l’annonce d’une transition prolongée montre bien que les putschistes ne comptent pas regagner leurs casernes. 

Des militaires restés fidèles à l'ex-président ATT ont affronté les hommes de la junte le 30 avril.

Le capitaine Amadou Sanogo à l'investiture du président par intérim Dioncounda Traoré, Bamako, 12 avril 2012 REUTERS/Stringer

Mise à jour du 1er mai 2012: Les ex-putschistes maliens toujours omniprésents après s'être retirés du pouvoir, ont affirmé avoir repoussé à Bamako une offensive des forces loyales au président Amadou Toumani Touré renversé le 22 mars. 

Un mois et demi après le putsch contre Amadou Toumani Touré, cette offensive s'apparente à une tentative de «contre-coup d'Etat» de la part des fidèles du président renversé, analyse l'AFP.
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Dans sa détermination à avoir une totale mainmise sur la gestion du pouvoir politique au Mali, l’ex-junte qui a perpétré le coup d’Etat contre l’ex-président Amadou Toumani Touré(ATT) ne rate aucune occasion pour se poser en acteur incontournable dans le règlement de la crise sociopolitique que vit le Mali. 

Le sommet extraordinaire de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) qui s’est tenu à Abidjan en Côte d’Ivoire lui a encore offert l’occasion de rappeler que la transition ne se fera point sans elle.
Menaces à peine voilées

La rencontre des chefs d’Etat de la Cédéao a en effet décidé de prolonger la transition malienne de 40 jours à 12 mois et d’envoyer un contingent au pays de Soundiata Kéita pour sécuriser le processus de transition en cours. 

Deux décisions de taille figurant dans les conclusions du sommet mais qui n’ont pas été du goût de l’armée malienne. Le capitaine Amadou Sanogo n’a pas mâché ses mots pour exprimer sa désapprobation en déclarant sans ambages que le Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat (CNRDRE) se sentait trahi.

Les putschistes du 22 mars dernier ont même menacé de prendre leurs responsabilités au cas où le président intérimaire ferait une heure de plus à son poste à l’issue des 40 jours qui sont constitutionnellement accordés et qui ont été arrêtés dans l’accord-cadre du 6 avril

En d’autres termes, sans clairement l’exprimer, le capitaine Sanogo et ses hommes reprendraient le pouvoir des mains de Dioncounda Traoré si, après le quarantième jour de son investiture, et au cas où l’élection présidentielle n’aurait pas encore eu lieu, un président consensuel de transition n’était pas trouvé.

L’ancienne junte qui refuse de retourner dans les casernes est elle-même pourtant bien consciente qu’il est impossible, en l’état actuel de la situation de crise au Mali, d’organiser une élection sérieuse dans ce bref délai. 

Le rallongement de la période de transition était donc inévitable, et en anticipant les choses, la Cédéao a voulu faire preuve de pragmatisme et de réalisme. La réaction de l’armée malienne était aussi prévisible, ses premiers responsables s’étant toujours crus dans le devoir et le droit d’orienter la gestion de la crise à leur guise. De deux hypothèses, l’une.

La junte dans un rôle qui n’est plus le sien

Soit les ex-putschistes ne veulent plus voir un proche de l’ancien chef de l’Etat malien dans la sphère dirigeante et cherchent tous les moyens pour écarter l’ancien président de l’Assemblée nationale de la tête de la transition. La façon la plus certaine d’obtenir son départ consisterait donc à lui demander l’impossible, à savoir une élection rapide mais fiable.

Soit aussi l’ex-junte n’a pas encore digéré, bien qu’elle se soit taillé la part du lion dans la constitution du gouvernement de transition, le fait qu’après avoir déposé ATT, l’on soit sur le point de tout mettre en œuvre pour l’écarter du processus.

Le récent sommet de la Cédéao a en effet encore insisté sur la nécessité pour les militaires de retourner à leur mission républicaine de défense du territoire. En fait de trahison, l’on perçoit difficilement de quel genre de trahison le CNRDRE a été victime.

Certes, l’accord-cadre prévoit qu’en cas d’impossibilité pour le président intérimaire constitutionnel d’organiser la présidentielle dans un délai réglementaire, les organes de transition soient mis en place par les parties signataires dudit accord. Il n’en demeure cependant pas moins vrai qu’un gouvernement de transition a été mis en place et qu’il revient à cet organe exécutif d’accepter ou de rejeter cette proposition faite par la Cédéao.

Les éléments du CNRDRE membres du gouvernement ne sauraient jouer les porte-parole de l’exécutif dont le chef est bel et bien le Premier ministre qui est, dans la situation actuelle malienne, investi des pleins pouvoirs. 

Cette sortie anarchique du capitaine Sanogo qui a osé affirmer à la place de Cheick Modibo Diarra que le gouvernement ne demandera pas l’envoi d’une troupe de la Cédéao au Mali fait encore désordre.

La cédéao doit se montrer ferme

Elle traduit l’indiscipline et la mauvaise volonté d’une junte presqu’aux abois du fait de l’inflexible fermeté des communautés africaine et internationale, qui ne cesse de gesticuler à tout vent pour tenter de freiner un processus de normalisation irréversible.

Le président intérimaire et/ou le Premier ministre de transition doivent se désolidariser de façon prompte et officielle de cette position de l’ex-junte afin de lever tout équivoque.

La Cédéao y est malheureusement pour quelque chose dans cette insubordination des militaires maliens au pouvoir civil. Sanogo et ses compagnons d’armes ont toujours bénéficié depuis leur coup de force d’un ménagement auquel ils ont pris goût et s’attendent à ce qu’on leur accorde une certaine légitimité et une importance non négociables.

Même s’il est évident que le tout militaire ne résout pas toujours les problèmes, il faut aussi rompre avec les mesures complaisantes qui permettent à des terroristes de la République d’interrompre un processus électoral et de continuer impunément à imposer leur rythme et leur stratégie.

L’institution ouest-africaine doit éviter de transiger dans ses décisions en restant constante dans sa fermeté si elle ne veut pas que des égarés se servent de leurs kalachnikovs pour saper les efforts de démocratisation et la narguer ensuite.

Tout en privilégiant la médiation et le dialogue dans la mesure où ceux-ci sont opérants, elle ne doit surtout pas commettre la grave erreur de reculer face aux mises en garde des putschistes maliens. Ces derniers font sans doute dans le bluff car, eux qui n’ont pas pu tenir tête à la rébellion du Nord, n’oseront certainement pas s’en prendre à une unité militaire de la Cédéao.

Et ils ne perdent rien pour attendre avec l’entrée en jeu très probable du Nigeria dans le cercle des médiateurs, sans doute pour adjoindre à la carotte qu’on leur a toujours tendue, l’indispensable bâton pour les faire marcher au pas.

Le Pays

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