le 26 août 2012.
Pouria Amirshahi, député PS des Français de l’étranger et secrétaire national à la coopération et à la francophonie, enjoint François Hollande à se rendre au sommet de la Francophonie à Kinshasa en octobre prochain pour défendre « les principes de liberté et d’État de droit, donner la parole à la société civile, proposer de partager [un nouveau projet de la francophonie].
Et nous verrons que les opposants, journalistes, artistes, intellectuels, mais aussi la jeunesse congolaise ne prendront pas cela pour une trahison mais au contraire comme un acte solidaire et courageux. »
L’ouverture, le 19 juin dernier, du procès en appel des assassins de Floribert Chebaya et de son chauffeur Fidèle Bazana nous rappelle le prix exorbitant que les défenseurs des droits de l’homme congolais ont payé et continuent de payer pour leurs engagements.
La figure de Floribert Chebaya reste un exemple pour ses compatriotes engagés dans la lutte pour le changement politique en République Démocratique du Congo, et au-delà, pour tous les citoyens d’Afrique qui vivent sous le régime de la peur et de l’arbitraire.
Récemment, des voix ont enjoint le président de la République François Hollande à ne pas se rendre au prochain sommet de la Francophonie, qui se déroulera dans la capitale congolaise, Kinshasa, en octobre prochain.
Leur argumentation s’appuie, entre autres raisons, sur l’élection contestée, et effectivement contestable, de Joseph Kabila en novembre 2011, ce qu’ont constaté les observateurs internationaux.
Il est possible que le pouvoir congolais actuel attende impatiemment ce sommet pour rasseoir une légitimité qu’il a été incapable d’obtenir régulièrement par les urnes. Dès lors, pour beaucoup, il s’agit de ne pas faire le jeu du pouvoir.
Certes. Mais alors ? Comment tendre concrètement la main à la société civile au-delà des seules postures morales décrétées de loin ? Comment parler aux millions de Congolais qui ne se sont pas reconnus dans ce scrutin ?
À l’inverse, en cas de présence à Kinshasa, comment briser les convenances diplomatiques et ne pas, de fait, être complice d’un pouvoir jugé liberticide ?
La politique de la chaise vide ne changera pas la situation politique en République Démocratique du Congo. Au contraire. Qu’il me soit permis d’affirmer ici qu’isoler certains pays correspond le plus souvent à une absence de politique et n’œuvre en rien pour le bien-être des populations.
A contrario, les honneurs maintes fois rendus aux ex-chefs d’État Ben Ali et Moubarak, ont été choquants – rappelons au passage qu’ils n’ont nullement empêché les peuples de faire tomber les régimes de ces pays.
Entre ces deux écueils – la seule condamnation de principe et la compromission –, il faut inventer une nouvelle voie.
Se rendre à Kinshasa, ce n’est pas donner un blanc-seing à Joseph Kabila. Se rendre à Kinshasa, c’est saisir l’opportunité d’attirer l’attention de la communauté internationale sur la situation politique et sécuritaire au Congo.
Ce peut être l’occasion de briser l’isolement des militants des droits de l’homme locaux. À cette fin, les autorités françaises doivent dès à présent s’assurer que notre délégation pourra rencontrer librement les acteurs de la société civile, avec pour objectif de tisser et de renforcer nos liens avec elle, car c’est elle qui possède les clefs de l’avenir du pays.
Se rendre à Kinshasa c’est aussi, au-delà de la capitale congolaise et de sa société civile si active et vivante, marquer sa solidarité avec le peuple congolais martyrisé par des années de guerre.
Une guerre qui n’est pas totalement terminée, à l’Est, avec des menaces sur l’intégrité territoriale de ce grand pays, et une population qui continue à souffrir de déplacements, meurtres, exactions de toutes sortes.
Surtout, la présence du président de la République française à Kinshasa ne se placerait pas dans le cadre d’une visite officielle d’État mais dans celui d’un moment dédié à la Francophonie. Cette dimension est capitale.
La langue française n’est plus la nôtre, et elle n’est plus, de fait, une langue de domination. Et c’est une bonne nouvelle. Elle est désormais véhiculée et nourrie par de nombreuses cultures francophones, aussi différentes soient-elles.
Elle est vécue différemment par les peuples qui la composent : langue nationale au Québec, langue politique en Wallonie, « trésor de guerre » au Maghreb, langue d’émancipation pour de nombreux peuples d’Afrique de l’Ouest et centrale, langue de la République pour les Français, la francophonie est un univers mental riche de représentations. En même temps son ambition repose sur une vertu essentielle : l’égalité de patrimoine, la langue.
La langue française peut constituer un outil autant qu’une réponse à de nombreux pays de la planète s’ils décident de s’allier durablement pour organiser un nouvel espace de coopérations économique, culturelle, scientifique et éducative.
Il est temps de proposer un nouveau projet de la francophonie à condition que celui-ci ne se confonde pas avec la seule obsession de la grandeur de la France mais incarne une communauté de destin, tournée vers le co-développement et assumée entre plusieurs peuples.
Dans ce cadre, des outils nouveaux peuvent constituer autant d’armes démocratiques pour les sociétés civiles d’aujourd’hui et pour les générations de demain. À titre d’exemples : un Passeport économique et culturel de la Francophonie, un Erasmus francophone, un réel espace médiatique francophone…
Ne pas se saisir du prochain sommet de la francophonie pour plaider en faveur de ce nouvel horizon commun reviendrait à rater un train essentiel de l’Histoire en marche, à l’heure d’une mondialisation qui démantèle plus qu’elle n’organise.
Pour toutes ces raisons, il me semble nécessaire de se rendre à Kinshasa. Pour cela, il faudra éviter deux écueils : celui de la chaise vide d’une part, celui du silence – forcément complice – d’autre part. Et à la condition qu’avec d’autres, la France formule un nouvel horizon francophone, qui se veut aussi un espace citoyen et démocratique.
Monsieur le président de la République française, allez à Kinshasa, défendez les principes de liberté et d’État de droit. Donnez la parole à la société civile.
Proposez de partager un nouveau rêve commun, celui de la francophonie. Et nous verrons que les opposants, journalistes, artistes, intellectuels, mais aussi la jeunesse congolaise ne prendront pas cela pour une trahison mais au contraire comme un acte solidaire et courageux.
Direct!cd
Pouria Amirshahi, député PS des Français de l’étranger et secrétaire national à la coopération et à la francophonie, enjoint François Hollande à se rendre au sommet de la Francophonie à Kinshasa en octobre prochain pour défendre « les principes de liberté et d’État de droit, donner la parole à la société civile, proposer de partager [un nouveau projet de la francophonie].
Et nous verrons que les opposants, journalistes, artistes, intellectuels, mais aussi la jeunesse congolaise ne prendront pas cela pour une trahison mais au contraire comme un acte solidaire et courageux. »
L’ouverture, le 19 juin dernier, du procès en appel des assassins de Floribert Chebaya et de son chauffeur Fidèle Bazana nous rappelle le prix exorbitant que les défenseurs des droits de l’homme congolais ont payé et continuent de payer pour leurs engagements.
La figure de Floribert Chebaya reste un exemple pour ses compatriotes engagés dans la lutte pour le changement politique en République Démocratique du Congo, et au-delà, pour tous les citoyens d’Afrique qui vivent sous le régime de la peur et de l’arbitraire.
Récemment, des voix ont enjoint le président de la République François Hollande à ne pas se rendre au prochain sommet de la Francophonie, qui se déroulera dans la capitale congolaise, Kinshasa, en octobre prochain.
Leur argumentation s’appuie, entre autres raisons, sur l’élection contestée, et effectivement contestable, de Joseph Kabila en novembre 2011, ce qu’ont constaté les observateurs internationaux.
Il est possible que le pouvoir congolais actuel attende impatiemment ce sommet pour rasseoir une légitimité qu’il a été incapable d’obtenir régulièrement par les urnes. Dès lors, pour beaucoup, il s’agit de ne pas faire le jeu du pouvoir.
Certes. Mais alors ? Comment tendre concrètement la main à la société civile au-delà des seules postures morales décrétées de loin ? Comment parler aux millions de Congolais qui ne se sont pas reconnus dans ce scrutin ?
À l’inverse, en cas de présence à Kinshasa, comment briser les convenances diplomatiques et ne pas, de fait, être complice d’un pouvoir jugé liberticide ?
La politique de la chaise vide ne changera pas la situation politique en République Démocratique du Congo. Au contraire. Qu’il me soit permis d’affirmer ici qu’isoler certains pays correspond le plus souvent à une absence de politique et n’œuvre en rien pour le bien-être des populations.
A contrario, les honneurs maintes fois rendus aux ex-chefs d’État Ben Ali et Moubarak, ont été choquants – rappelons au passage qu’ils n’ont nullement empêché les peuples de faire tomber les régimes de ces pays.
Entre ces deux écueils – la seule condamnation de principe et la compromission –, il faut inventer une nouvelle voie.
Se rendre à Kinshasa, ce n’est pas donner un blanc-seing à Joseph Kabila. Se rendre à Kinshasa, c’est saisir l’opportunité d’attirer l’attention de la communauté internationale sur la situation politique et sécuritaire au Congo.
Ce peut être l’occasion de briser l’isolement des militants des droits de l’homme locaux. À cette fin, les autorités françaises doivent dès à présent s’assurer que notre délégation pourra rencontrer librement les acteurs de la société civile, avec pour objectif de tisser et de renforcer nos liens avec elle, car c’est elle qui possède les clefs de l’avenir du pays.
Se rendre à Kinshasa c’est aussi, au-delà de la capitale congolaise et de sa société civile si active et vivante, marquer sa solidarité avec le peuple congolais martyrisé par des années de guerre.
Une guerre qui n’est pas totalement terminée, à l’Est, avec des menaces sur l’intégrité territoriale de ce grand pays, et une population qui continue à souffrir de déplacements, meurtres, exactions de toutes sortes.
Surtout, la présence du président de la République française à Kinshasa ne se placerait pas dans le cadre d’une visite officielle d’État mais dans celui d’un moment dédié à la Francophonie. Cette dimension est capitale.
La langue française n’est plus la nôtre, et elle n’est plus, de fait, une langue de domination. Et c’est une bonne nouvelle. Elle est désormais véhiculée et nourrie par de nombreuses cultures francophones, aussi différentes soient-elles.
Elle est vécue différemment par les peuples qui la composent : langue nationale au Québec, langue politique en Wallonie, « trésor de guerre » au Maghreb, langue d’émancipation pour de nombreux peuples d’Afrique de l’Ouest et centrale, langue de la République pour les Français, la francophonie est un univers mental riche de représentations. En même temps son ambition repose sur une vertu essentielle : l’égalité de patrimoine, la langue.
La langue française peut constituer un outil autant qu’une réponse à de nombreux pays de la planète s’ils décident de s’allier durablement pour organiser un nouvel espace de coopérations économique, culturelle, scientifique et éducative.
Il est temps de proposer un nouveau projet de la francophonie à condition que celui-ci ne se confonde pas avec la seule obsession de la grandeur de la France mais incarne une communauté de destin, tournée vers le co-développement et assumée entre plusieurs peuples.
Dans ce cadre, des outils nouveaux peuvent constituer autant d’armes démocratiques pour les sociétés civiles d’aujourd’hui et pour les générations de demain. À titre d’exemples : un Passeport économique et culturel de la Francophonie, un Erasmus francophone, un réel espace médiatique francophone…
Ne pas se saisir du prochain sommet de la francophonie pour plaider en faveur de ce nouvel horizon commun reviendrait à rater un train essentiel de l’Histoire en marche, à l’heure d’une mondialisation qui démantèle plus qu’elle n’organise.
Pour toutes ces raisons, il me semble nécessaire de se rendre à Kinshasa. Pour cela, il faudra éviter deux écueils : celui de la chaise vide d’une part, celui du silence – forcément complice – d’autre part. Et à la condition qu’avec d’autres, la France formule un nouvel horizon francophone, qui se veut aussi un espace citoyen et démocratique.
Monsieur le président de la République française, allez à Kinshasa, défendez les principes de liberté et d’État de droit. Donnez la parole à la société civile.
Proposez de partager un nouveau rêve commun, celui de la francophonie. Et nous verrons que les opposants, journalistes, artistes, intellectuels, mais aussi la jeunesse congolaise ne prendront pas cela pour une trahison mais au contraire comme un acte solidaire et courageux.
Direct!cd
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