lundi 3 septembre 2012

Kabila-Kagame: Un air de règlement des comptes


A droite, James Kabarebe en compagnie de Charles Mwando Nsimba, alors ministre congolais de Défense.

La réponse du berger à la bergère. C’est l’impression que donne au lecteur l’interview-fleuve que le ministre rwandais de la Défense, James Kabarebe, a accordée au quotidien bruxellois «Le Soir» ( édition datée du 30 août 2012).

L’intervieweuse, en l’occurrence la journaliste Colette Braeckman, a délibérément laisse «James» vider son sac. L’entretien brut tient sur neuf pages A4. Encouragé, Kabarabe a «cogné» à plusieurs fois sur «Joseph Kabila» sans citer celui-ci.

Les allusions sont claires comme l’eau de source. «James» répond vigoureusement aux accusations formulées à l’encontre de son pays de soutenir les rebelles du M-23.

Alors que, selon lui, le Rwanda est intervenu chaque fois au Congo à la demande des dirigeants congolais. Un vrai «déballage».

«Curieux business»

En quelques phrases-choc, le ministre Kabarebe dit sa part de vérité sur les causes de la guerre de "moyenne intensité" qui se déroule dans la province du congolais du Nord Kivu.

Une région que l’homme connaît bien pour des raisons évidentes. Kabarebe qui a été présenté en juin 1997, par "Washington Post", comme étant l’"oncle" de «Joseph Kabila», n’a pas hésité à présenter son "neveu" et son proche entourage une bande d’incompétents, incapable de prendre des décisions sur les questions sécuritaires concernant leur propre pays.

«En 2009, tonne-t-il, nous avions aidé à résoudre le problème du CNDP en appuyant l’intégration de ses soldats dans l’armée gouvernementale, de même que les militaires du Pareco, des Mai Mai Kifwawa, Nakabaka, soit une dizaine de groupes.

Mais par la suite, la gestion de cette situation aurait du être l’affaire des Congolais eux-mêmes… ».

«Le CNDP (Conseil national pour la défense du peuple) avait donc été intégré à la suite d’un accord signé à Nairobi, sous la supervision des présidents Obasanjo et Mkapa.

Le Rwanda avait ainsi contribué à un accord qui, durant trois ans, avait permis de pacifier l’Est du Congo.

Or aujourd’hui l’intégration de ces forces a échoué. Cet échec n’est pas le fait du Rwanda, mais il est du à la mauvaise gestion du processus d’intégration des militaires.»

«Ce n’est pas seulement à la veille des élections (Ndlr : du 28 novembre 2011) que nous avons tenté d’aider le Congo» ; «En décembre 2011 le président Kabila dépêcha un envoyé spécial à Kigali, accompagné de quelques militaires.

Katumba Mwanke, apportait un message en quatre points : le premier c’est que le président Kabila souhaitait obtenir le soutien du Rwanda pour transférer vers d’autres provinces les soldats d’expression rwandaise qui se trouvaient dans l’Est du Congo.»

« Joseph Kabila » est croqué en parrain maffieux au motif qu’il se livrait avec «Bosco» à de «curieux business», dixit Kabarebe.

Evoquant la «genèse» de la crise née, il y a quatre mois, au Nord Kivu, Kabarebe épingle ce qui apparaît à ses yeux comme étant les causes fondamentales.

Outre, la décision de la CPI (Cour pénale internationale) d’obtenir le transfert de Bosco Ntaganda à La Haye, il épingle le double langage de «Joseph» et la mauvaise gestion - «mismanagement» - des Forces armées de la RD Congo.

«Au lendemain des élections, le président Kabila a été mis sous pression par la communauté internationale qui exigeait l’arrestation du général Bosco Ntaganda », dit-il.

Une délégation dépêchée, début février dernier, à Kigali, fit savoir aux interlocuteurs rwandais que « Joseph» souhaitait l’arrestation de Ntaganda «mais sans le déférer devant la Cour pénale internationale».

Au mois de mars, le patron de l’ANR (Agence nationale des renseignements), Kalev Mutond aurait confirmé à Kabarebe que «le président était déterminé à protéger Bosco Ntaganda, à ne pas le transférer à la CPI mais le faire traduire devant une juridiction congolaise».

Quelques semaines plus tard, tout change. «Joseph Kabila» se rend à Goma où il annonça qu’il fallait «à tout prix» appréhender Ntaganda.

«Ce message, observe Ntaganda, était le contraire de ce que j’avais entendu la veille, où on me disait que Bosco pouvait rester dans sa ferme». La suite est connue.

«Mismanagement» de l’armée

L’autre cause porte sur le refus des militaires rwandophones d’être déployés dans d’autres régions du pays. « La délégation nous expliqua que les soldats rwandophones refusaient d’être déployés ailleurs qu’au Kivu et elle espérait que nous réussirions à les convaincre (…) », fait-il remarquer.

La délégation était conduite par Kalev et le colonel Yav Jean-Claude du service de renseignements militaires. «Ils souhaitaient toujours notre assistance car ils ne voulaient pas résoudre les problèmes de l’Est sans notre appui».

Kabarebe de raconter : «Les Congolais arrivèrent avec trois officiers, le colonel Sultani Makenga, le colonel Faustin Muhindo et le colonel Innocent Zimurinda. La réunion était censée convaincre Ntaganda, mais ce dernier était absent ». On apprenait alors que «Bosco» a disparu au cours de la nuit avec 200 de ses hommes.

«J’ai alors fait remarquer que si Bosco n’est plus là, il ne peut plus empêcher le déploiement de ses officiers, le problème est alors résolu… ».

C’est ici que Kalev et Yav ont pu soulever un «autre problème» en accusant les «officiers rwandophones» de rechigner à être transferés ailleurs qu’au Kivu.

L’avis des intéressés est tout autre. Non seulement, ils manquent de tout, mais ils attendent que Kinshasa honorent ses engagements contenus dans l’Accord de paix du 23 mars 2009 : « Ce n’est pas Bosco qui nous bloque, mais le fait que beaucoup de points sur lesquels un accord avait été conclu en 2009 n’ont pas été réalisés.

Comme préalable à notre déploiement dans d’autres régions du Congo, il fallait rétablir la sécurité au Kivu, régler le problème des FDLR, permettre que nos parents qui depuis tellement longtemps vivent dans des camps de réfugiés au Rwanda puissent rentrer chez eux. »

Kabarebe de poursuivre : « Ils ajoutaient que « notre intégration n’a jamais été complète, nous étions payés autrement que les autres militaires, nous avions reçu des grades mais ces derniers n’avaient jamais été confirmés par des arrêtés, et à tout moment nous risquions d’être chassés de l’armée. »

Le 8 avril, dit Kabarebe, « alors que nous recherchions une solution pacifique, le gouvernement congolais envoya vers Goma une importante force militaire, des lanceurs de fusée, des chars T52, des hélicoptères de combat. Goma fut soudain fortement militarisée.

Le général Etumba et le chef de l’armée de terre Tango Four Amisi débarquèrent à Goma pour renforcer l’effort militaire».

Selon lui, la partie rwandaise aurait persisté à conseiller à la délégation de Kinshasa «que l’option militaire n’était pas la meilleure, (...)». « C’ est à ce même moment que des officiers ont commencé à déserter leurs unités, que d’autres ont refusé le déploiement.»

Sanctions internationales, même pas peur…

A en croire « James », le M-23 ne serait pas un mouvement monoéthnique. Il regrouperait des membres de plusieurs communautés tribales dont des Hutus, des Katangais, des Kasaïens. Sans oublier des membres de la garde prétorienne de "Joseph Kabila".

Le ministre rwandais de lâcher une phrase assassine : « On ne peut pas dire que l’armée congolaise a échoué à battre le M23, car le M23 était soutenu par le Rwanda. Non.

Ils ont échoué parce qu’ils ne peuvent pas se battre, dans les conditions où ils se trouvent.

Ils ne tueraient même pas un rat…..» «Dire que le Rwanda soutenait le M23, c’est faux (…) ». « James » de balayer d’un revers de la main le cas des transfuges qui ont affirmé avoir été recrutés au Rwanda.

Pour lui, les accusations articulées à l’encontre de son pays ne seraient que de la « machination contre le Rwanda, en connivence avec le gouvernement congolais et la communauté internationale».

Comme pour démontrer par l’absurde que c’est le Congo qui a chaque fois "associer" le Rwanda dans la gestion de ses affaires, le "général James" avoue néanmoins la présence à Rutshuru de deux compagnies de forces spéciales de l’armée rwandaise.

Les deux compagnies sont là depuis bientôt trois ans. Ah bon!

James Kabarebe qui parle manifestement au nom du gouvernement de son pays dit ne pas redouter les «sanctions internationales».

Ancien guérillero de la NRA (National resistance army) de Yoweri Museveni qui a porté celui-ci au pouvoir en 1986 et du FPR (Front patriotique rwandais) qui a conquis le pouvoir à Kigali en 1994, il lance : « L’argent ce n’est pas un problème.

Dans la brousse nous avons déjà survécu sans ressources…Sans aide, nous nous développerons mieux, cela nous donnera plus d’énergie encore. S’ils en sont au point de baser leurs sanctions sur des mensonges, laissons les faire, cela ne risque pas d’influencer le Rwanda.

Au Congo, nous n’avons pas commencé ces histoires, nous ne les avons pas soutenues et aujourd’hui nous n’allons pas y aller pour nettoyer leur désordre . Nous compterons sur nous-mêmes comme nous l’avons toujours fait… ».

Forfanterie ? Comme pour souligner l’incompétence des gouvernants congolais, l’interviewé de conclure : « (…).

Si les Congolais continuent à rechercher à l’extérieur les causes de leurs problèmes, ils rencontreront plus de difficultés encore…C’est en eux-mêmes qu’ils doivent rechercher les solutions…».

Canossa

A travers cet entretien, le ministre rwandais de la Défense semble exercer un «droit de réponse» par rapport à tous ce qui a été dit sur son pays et ses dirigeants par « Joseph Kabila » et son proche entourage.

Le « raïs » a été le premier a engagé la passe d’armes en déclarant timidement : «Dire que le Rwanda a agressé le Congo est un secret de Polichinelle!».

C’était le samedi 28 juin lors d’une interview avec la presse congolaise. Dans une interview au "Soir" de Bruxelles daté du 22 août, le Premier ministre Augustin Matata Ponyo enfonçait le clou. Sans citer nommément le Rwanda, il déclarait notamment :

«(…), on ne peut pas laisser un pays semer du désordre ailleurs, profiter de la mutinerie pour organiser son économie. (…), on ne peut parler de réussite économique si ce succès est obtenu en pillant le voisin. (…).»

En lisant entre les lignes les propos de Kabarebe, il paraît que les dirigeants rwandais sont décidés non seulement déterminés à rendre coup pour coup mais surtout «à faire payer» à «Joseph Kabila» ainsi qu’à ses "hommes" leur «ingratitude».

Le modus operandi relève pour le moment du mystère. "Qui a fait, peut défaire", ricanait, dimanche 2 septembre, un opposant joint au téléphone à Kinshasa.

Une chose paraît sûre. Incapables d’engager une «guerre totale» au succès improbable contre le pays de Paul Kagame, les gouvernants de Kinshasa disposent d’une marge de manœuvre très tenue.

Il ne serait, dès lors, pas surprenant d’apprendre dans les jours et semaines à venir que «Joseph Kabila» a dépêché quelques missi dominici à Kigali

.... à Kigali? - afin de négocier un "gentlement agrement" avec le M-23.

Négocier quoi ?

Toute la question est là !

B.A.W
© Congoindépendant

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