14 septembre 2012
La méthode Reynders : parler peu mais clair, agir en concertation avec d’autres. Mais sans résultat jusqu’à présent.
Prudent, pesant ses mots, Didier Reyders, durant le périple qui l’a mené au Congo puis au Rwanda, a évité de heurter ses interlocuteurs et s’est entretenu longuement –près de deux heures- avec les présidents Kabila et Kagame.
Il a cependant, plus nettement qu’aucun de ses prédécesseurs, rappelé quelques principes de base : la souveraineté totale du Congo sur l’ensemble de son territoire (et aussi sa responsabilité), le refus de négocier avec les mutins ou de les réintégrer dans l’armée mais aussi l’impérieuse nécessité de réorganiser l’armée et les forces de police du Congo.
A Bruxelles, s’exprimant devant les commissions des relations extérieures de la Chambre et du Sénat, Reynders est allé beaucoup plus loin, se déclarant convaincu du soutien « direct ou indirect » du gouvernement rwandais dans ce qui se passe dans l’Est du Congo et pressant le Rwanda d’éviter tout soutien ou toute action qui pourrait encourager cette rébellion.
Il a aussi condamné, sans appel, le « M23 » assurant que l’urgence était de mettre fin à cette rébellion et à cette tentative d’administration d’une petite partie du territoire du Nord Kivu. Ce verdict est tombé alors que les rebelles jouent désormais la carte diplomatique : ils se sont entretenus avec le président ougandais Museveni, ont envoyé une délégation en France mais n’ont pas été reçus à Bruxelles.
Cette crise dans l’Est du Congo a permis de découvrir quelques aspects de la « méthode Reynders » : sur le terrain, le ministre fait preuve d’une discrétion extrême et contrôle chacun de ses propos mais il témoigne par la suite d’une volonté claire de s’impliquer et de débloquer une situation aussi figée que dangereuse pour la stabilité des régimes concernés.
Reynders souhaite visiblement que la Belgique continue à jouer un rôle important dans la région des Grands Lacs, mais, multilatéraliste, il entend agir en concertation avec d’autres et respecter les initiatives africaines afin d’encourager la « responsabilisation » régionale.
C’est ainsi qu’il a dépêché un observateur au sommet des chefs d’Etat de la région qui s’est réuni le week end dernier à Kampala, en l’absence de Kagame. La conférence sur la sécurité dans la région des Grands Lacs (CIRGL) a remis en chantier le projet d’une « force neutre » déployée sur la frontière entre le Congo et le Rwanda, mais sans régler la question de son financement et de ses effectifs, seule la Tanzanie ayant accepté d’y participer.
Par contre, un mécanisme régional de vérification devrait être mis sur pied assez rapidement.
C’est surtout sur le plan multilatéral, au niveau de l’ Union européenne et des Nations unies, que les Belges entendent agir, avec d’autant plus de crédibilité que M. Reynders était le seul ministre européen à s’être rendu sur le terrain depuis le début de la mutinerie.
On se souvient qu’à l’issue d’un sommet européen à Paphos (Chypre), réunissant les ministres des Affaires étrangères de l’ Union, c’est la Belgique qui insista sur la détérioration de la situation au Congo et obtint la rédaction d’un communiqué relativement ferme, menaçant le Rwanda de sanctions.
En attendant l’Assemblée générale des Nations unies, Bruxelles et Paris ont développé leur concertation (même si la France, sur ce dossier, demeure bizarrement silencieuse) et cette semaine, à Londres, un « groupe de contact informel » composé de représentants de la Belgique, du Royaume Uni, de la France, des Etats unis, des Nations unies et de l’Union européenne a débattu de la situation.
A la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies, le Premier Ministre Elio Di Rupo évoquera probablement la situation dans l’Est du Congo dans son discours. Auparavant, Didier Reynders aura assisté à un « mini-sommet » consacré au Congo, qui se réunira le 27 septembre à l’initiative du secrétaire général de l’ONU Ban Ki Moon.
En effet, en passe d’être dépassée par les initiatives régionales, l’ONU (violemment critiquée par le Rwanda et même l’Ouganda qui dénoncent le manque d’efficacité des Casques bleus qui protègent cependant Goma) désire reprendre la main et le sous secrétaire chargé des questions de paix et de sécurité Hervé Ladsous boucle une tournée dans la région.
Pour Reynders, il s’agira, à cette occasion, de « dépasser le mode déclamatoire et de passer à l’action, mais de manière coordonnée. » La Belgique souhaite que tous les partenaires du Congo et du Rwanda se trouvent sur la même longueur d’ondes afin de déterminer, le plus clairement possible « ce que l’on peut demander au Rwanda » et quelles pressions peuvent être exercées sur Kigali.
Rappelons que la Belgique, qui débourse chaque année 70 millions d’euros au titre de la coopération avec le Rwanda (et se félicite de leur bonne utilisation dans les secteurs sociaux) estime que si des sanctions doivent être décidées, il doit s’agir d’une mesure coordonnée, dans un cadre multilatéral et en se gardant de l’hypocrisie de certains effets d’annonce.
Jusqu’à présent, la détermination de la diplomatie belge, qui répète que le temps presse, n’est cependant guère suivie d’effets sur le terrain : la rébellion, si elle n’a guère progressé militairement, a renforcé ses positions, l’armée congolaise a entamé des recrutements massifs afin de renouveler ses effectifs, et le Rwanda qui a spectaculairement retiré deux bataillons qui se trouvaient (secrètement !) à Rutshuru, aurait –selon des sources militaires régionales- envoyé au Nord Kivu de nouveaux renforts tout en persistant dans sa dénégation !
Le carnet de Colette Braeckman
La méthode Reynders : parler peu mais clair, agir en concertation avec d’autres. Mais sans résultat jusqu’à présent.
Prudent, pesant ses mots, Didier Reyders, durant le périple qui l’a mené au Congo puis au Rwanda, a évité de heurter ses interlocuteurs et s’est entretenu longuement –près de deux heures- avec les présidents Kabila et Kagame.
Il a cependant, plus nettement qu’aucun de ses prédécesseurs, rappelé quelques principes de base : la souveraineté totale du Congo sur l’ensemble de son territoire (et aussi sa responsabilité), le refus de négocier avec les mutins ou de les réintégrer dans l’armée mais aussi l’impérieuse nécessité de réorganiser l’armée et les forces de police du Congo.
A Bruxelles, s’exprimant devant les commissions des relations extérieures de la Chambre et du Sénat, Reynders est allé beaucoup plus loin, se déclarant convaincu du soutien « direct ou indirect » du gouvernement rwandais dans ce qui se passe dans l’Est du Congo et pressant le Rwanda d’éviter tout soutien ou toute action qui pourrait encourager cette rébellion.
Il a aussi condamné, sans appel, le « M23 » assurant que l’urgence était de mettre fin à cette rébellion et à cette tentative d’administration d’une petite partie du territoire du Nord Kivu. Ce verdict est tombé alors que les rebelles jouent désormais la carte diplomatique : ils se sont entretenus avec le président ougandais Museveni, ont envoyé une délégation en France mais n’ont pas été reçus à Bruxelles.
Cette crise dans l’Est du Congo a permis de découvrir quelques aspects de la « méthode Reynders » : sur le terrain, le ministre fait preuve d’une discrétion extrême et contrôle chacun de ses propos mais il témoigne par la suite d’une volonté claire de s’impliquer et de débloquer une situation aussi figée que dangereuse pour la stabilité des régimes concernés.
Reynders souhaite visiblement que la Belgique continue à jouer un rôle important dans la région des Grands Lacs, mais, multilatéraliste, il entend agir en concertation avec d’autres et respecter les initiatives africaines afin d’encourager la « responsabilisation » régionale.
C’est ainsi qu’il a dépêché un observateur au sommet des chefs d’Etat de la région qui s’est réuni le week end dernier à Kampala, en l’absence de Kagame. La conférence sur la sécurité dans la région des Grands Lacs (CIRGL) a remis en chantier le projet d’une « force neutre » déployée sur la frontière entre le Congo et le Rwanda, mais sans régler la question de son financement et de ses effectifs, seule la Tanzanie ayant accepté d’y participer.
Par contre, un mécanisme régional de vérification devrait être mis sur pied assez rapidement.
C’est surtout sur le plan multilatéral, au niveau de l’ Union européenne et des Nations unies, que les Belges entendent agir, avec d’autant plus de crédibilité que M. Reynders était le seul ministre européen à s’être rendu sur le terrain depuis le début de la mutinerie.
On se souvient qu’à l’issue d’un sommet européen à Paphos (Chypre), réunissant les ministres des Affaires étrangères de l’ Union, c’est la Belgique qui insista sur la détérioration de la situation au Congo et obtint la rédaction d’un communiqué relativement ferme, menaçant le Rwanda de sanctions.
En attendant l’Assemblée générale des Nations unies, Bruxelles et Paris ont développé leur concertation (même si la France, sur ce dossier, demeure bizarrement silencieuse) et cette semaine, à Londres, un « groupe de contact informel » composé de représentants de la Belgique, du Royaume Uni, de la France, des Etats unis, des Nations unies et de l’Union européenne a débattu de la situation.
A la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies, le Premier Ministre Elio Di Rupo évoquera probablement la situation dans l’Est du Congo dans son discours. Auparavant, Didier Reynders aura assisté à un « mini-sommet » consacré au Congo, qui se réunira le 27 septembre à l’initiative du secrétaire général de l’ONU Ban Ki Moon.
En effet, en passe d’être dépassée par les initiatives régionales, l’ONU (violemment critiquée par le Rwanda et même l’Ouganda qui dénoncent le manque d’efficacité des Casques bleus qui protègent cependant Goma) désire reprendre la main et le sous secrétaire chargé des questions de paix et de sécurité Hervé Ladsous boucle une tournée dans la région.
Pour Reynders, il s’agira, à cette occasion, de « dépasser le mode déclamatoire et de passer à l’action, mais de manière coordonnée. » La Belgique souhaite que tous les partenaires du Congo et du Rwanda se trouvent sur la même longueur d’ondes afin de déterminer, le plus clairement possible « ce que l’on peut demander au Rwanda » et quelles pressions peuvent être exercées sur Kigali.
Rappelons que la Belgique, qui débourse chaque année 70 millions d’euros au titre de la coopération avec le Rwanda (et se félicite de leur bonne utilisation dans les secteurs sociaux) estime que si des sanctions doivent être décidées, il doit s’agir d’une mesure coordonnée, dans un cadre multilatéral et en se gardant de l’hypocrisie de certains effets d’annonce.
Jusqu’à présent, la détermination de la diplomatie belge, qui répète que le temps presse, n’est cependant guère suivie d’effets sur le terrain : la rébellion, si elle n’a guère progressé militairement, a renforcé ses positions, l’armée congolaise a entamé des recrutements massifs afin de renouveler ses effectifs, et le Rwanda qui a spectaculairement retiré deux bataillons qui se trouvaient (secrètement !) à Rutshuru, aurait –selon des sources militaires régionales- envoyé au Nord Kivu de nouveaux renforts tout en persistant dans sa dénégation !
Le carnet de Colette Braeckman
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