mardi 25 décembre 2012

Des familles entières vivent dans un cimetière de Kinshasa

Cimétière de Kinsuka

KINSHASA, 19 déc (IPS) - Une centaine de familles avec beaucoup de jeunes enfants vivent actuellement dans le cimetière de Kinsuka, à Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo (RDC).

Sur place, IPS a dénombré, début-décembre, 100 familles au sein desquelles vivent environ 500 très jeunes enfants âgés de moins d’une année à 10 ans.

Pourtant, Fridolin Kasweshi, ministre de l’Aménagement du Territoire, de l’Urbanisme...et de l’Habitat, affirme à IPS que le gouvernement «a interdit, à plusieurs reprises, les constructions sur le site qui abrite ce cimetière».

Sur ordre du gouverneur de province, les maisons avaient été démolies en avril 2012 dans le cimetière, mais des les occupants ont reconstruit, tard la nuit, leurs maisonnettes en terre et en bois, affirmant qu’ils n’avaient nulle part où aller s’installer. Les premières constructions remontent à 2010.

Cynthia Bukasa, une habitante du lieu et épouse d’un policier, déclare à IPS que «Nous n’avons nulle part où aller. Le gouvernement doit prendre des mesures nécessaires pour nous protéger en nous donnant un site sur lequel nous pouvons construire».

Bukasa explique que son mari est affecté dans la province du Bas-Congo (ouest de la RDC), qu’il lui a juste construit cette maisonnette et est parti. Elle ajoute qu’il a un salaire d’environ 50 dollars et la famille n’a pas les moyens de payer un loyer ailleurs.

Mais Damas Balinga, directeur au ministère du Plan et Suivi de la Mise en œuvre de la Révolution de la Modernité, a indiqué à IPS:

«Dans le cadre de son plan d’action quinquennal, le gouvernement prépare la mise en œuvre de son plan de modernisation de la ville de Kinshasa.

De nouveaux lotissements sont en train d’être créés. Les familles en détresse n’auront qu’à se confier au gouvernement pour pouvoir en bénéficier».

«Nous avons obtenu des autorisations officielles de la part des autorités pour construire ici et y habiter», déclare Jean Mbulu, habitant du cimetière et père de trois fillettes dont la plus âgée a six ans.

Refusant d’exhiber les documents lui donnant le droit d’habiter ici, Mbulu affirme encore que «c’est le chef coutumier Eddy Mambuya, de la commune de Mont-Ngafula», à Kinshasa, qui lui «a vendu la parcelle», ajoutant: «Je suis très étonné lorsque des gens affirment que nous occupons illégalement ces parcelles.»

Joint par IPS, le chef Mambuya, qui s’est contenté d’affirmer «je suis quand même une autorité établie et reconnue par la loi», a néanmoins nié toute responsabilité dans la vente et l’acquisition de terrains de construction sur le site».

«C’est grâce à nous que le cimetière est régulièrement nettoyé. Nous enlevons les herbes...et ramassons les sachets en plastic qui envahissent de temps en temps ces lieux», déclare Michel Aveledi, un autre habitant du cimetière. Mais il formule en même temps le vœu de «voir le gouvernement désaffecter définitivement ce cimetière et y construire des écoles à côté des maisons qui y existent déjà», pour les enfants.

Des experts estiment que les enfants et leurs familles qui habitent sur ce site courent de grands risques pour leur santé et appellent le gouvernement à prendre des mesures urgentes pour la protection de cette jeunesse.

Jean Myasukila, médecin épidémiologiste basé à Kinshasa, explique à IPS: «Les risques sur la santé des habitants des maisons construites dans un cimetière sont énormes». Il ajoute que «pendant que les cadavres se décomposent, ils laissent échapper des odeurs et des gaz qui sont très nocifs à la santé, surtout des enfants».

«Il faut aussi compter avec les mouches qui se posent sur les particules des cadavres déterrés ou des ossements et qui viennent se poser sur les aliments ou les ustensiles des cuisines. Ces mouches sont de véritables vecteurs...de divers microbes nuisibles», selon Myasukila. «Il n’est pas admissible de laisser des familles habiter ces lieux, ne serait-ce que pour des raisons hygiéniques».

Membre de la société civile congolaise et expert en protection de l’environnement, Chancey Maroy, a indiqué à IPS que «les constructions sur le site d’enterrement pourrait aussi accélérer des éboulements de terres déjà constatables, ce qui ajoute en même temps les risques encourus par les familles qui y habitent».

Maroy explique que «déjà la terre du cimetière n’est est pas ferme, le cimetière lui-même se situe sur une pente non protégée par un quelconque mécanisme antiérosif».

Olivier Mandja, maire de la commune de Mont Ngafula, déclare à IPS que «les constructions sur ce site sont le fait des militaires et des membres de la Police nationale sur qui la commune n’a aucun pouvoir».

Approchés par IPS sur les lieux, ces militaires et policiers refusent de s’exprimer, préférant laisser leurs femmes répondre aux questions. Même les officiers supérieurs préfèrent garder le silence sur la question.

Selon Mandja, le ministère de l’Intérieur, de la Sécurité...et des Affaires coutumières a pris une décision en avril indiquant que «seuls les cadavres des familles indigentes, les mort-nés abandonnés et les corps non identifiés peuvent être inhumées au cimetière de Kinsuka».

Il y a environ deux semaines, un groupe de gens venus enterrer leur mort sur place a rencontré une forte résistance des habitants du cimetière. Ils avaient construit une case, la veille de l’enterrement, à l’endroit acquis par la famille endeuillée pour y enterrer son mort. Ils l’ont inhumé ailleurs, sur le même site, mais les autorités n’ont pas réagi. (FIN/2012)


Emmanuel Chaco

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