mardi 11 décembre 2012

Trois Congolais lauréats du prix Harubuntu

11 décembre 2012



En kirundi, « Harubuntu » signifie : « ici, il y a de la valeur »…Lors de chaque sommet Africités, en présence de 5000 élus locaux africains, huit prix, des trophées de bronze réalisés par l’artiste congolais Lyiolo, sont remis à de simples citoyens porteurs d’un projet d’avenir.

Cette année, trois personnalités congolaises exceptionnelles se sont retrouvées sur le podium, citées comme des exemples de courage quotidien, de capacité d’innovation et de générosité.

Père et mère mariés trop jeunes puis séparés, accusé par sa belle famille d’être un enfant-sorcier et jeté à la rue à l’âge de 7 ans, David Ollie, voici quelques semaines encore, était une figure connue de Kinshasa. Le jour, installé au cœur de la Gombe, il mendiait, visage collé sur les vitres des 4X4, portait les paquets des clients de Peloustore, surveillait les voitures en stationnement devant l’Ibizabar. La nuit, il dormait sur un carton d’emballage…

Depuis longtemps, Ollie fait tout pour s’en sortir : il a fréquenté des cours d’enseignement professionnel, milité pour Jean-Pierre Bemba, tenté l’asile au Cameroun… Il a aussi créé l’ « association pour l’encadrement des jeunes et enfants de la rue au Congo » rassemblant, à Kinshasa seulement, 16.000 jeunes.

A la suite d’une émission de télévision d’un producteur local, Jean-Marie Kassamba, la chance d’Ollie a tourné : passant un contrat avec son association, l’hôtel de ville a loué les services des enfants pour qu’ils maintiennent la propreté sur le boulevard du 30 juin.

Désormais David, le « roi des débrouillards » , a sa page Facebook « shege.com » et à Dakar, sous les ovations, il a dédié ce prix à tous ses copains de la rue.

Quant à Joëlle Kamuntu, 36 ans, elle n’a jamais regretté d’avoir mené de front des études de droit et la pratique du journalisme. Aujourd’hui directrice de radio Maendeleo, la radio catholique de Bukavu, cette mère de trois enfants qui a suivi plusieurs formations spécialisées, couvre plus particulièrement les procès intentés aux auteurs de violences sexuelles et s’intéresse au fonctionnement des tribunaux militaires.

Au Sud Kivu, son métier est particulièrement risqué : Serge Maheshe, Didace Namujimbo et Bruno Coco, trois de ses éminents confrères ont été assassiné, son prédécesseur à la tête de radio Maendeleo, Kizito, élu député national, a fait l’objet d’un complot.

Elle même, voici trois ans, a été menacée de mort tandis que voici quelques semaines Solange Lusiku, (directrice du journal Le Souverain) recevait un message assurant que son nom allait être gravé dans la pierre…Malgré tout, Joëlle Kamuntu demeure optimiste : « au Congo, la liberté d’expression a pris racine, la population n’accepte plus qu’on la trompe et elle est capable de se mobiliser.

Dans ce pays, on ne peut plus faire ou dire n’importe quoi, c’est pourquoi cela vaut la peine de poursuivre la lutte. »

Mouna Murbabazi Namegabe, originaire de Bukavu lui aussi, a le calme de ces hommes qui, chaque jour, font face à des situations dangereuses. Directeur du Bureau pour la protection de l’enfance (BVES) il accueille et ramène à la vie civile des centaines d’enfants qui ont quitté les groupes armés.

A chaque fois que les Casques bleus de la Monusco, le Comité international de la Croix Rouge ou des ONG découvrent des mineurs d’âge au sein des groupes belligérants, ils font appel à Murhabazi. Ce dernier part alors en forêt avec ses équipes, pour tenter, non sans mal, de persuader les chefs de guerre de laisser partir leurs petits soldats.

Garçons et filles (ces dernières étant parfois accompagnées d’enfants en bas âge) sont alors accueillis dans les centres du BVES. Leurs hardes sont brûlées en public, des psychologues, des enseignants essaient de donner à ces enfants perdus de nouvelles perspectives tandis que des enquêtes sont menées pour retrouver les familles et tenter la réinsertion des jeunes dans les communautés d’origine.

A Dakar, Murhabazi, très ému, a dédié son prix à toute la population congolaise, espérant que le prochain sommet Africités, cette vaste rencontre d’une Afrique de la base, puise un jour se tenir à Kinshasa…

Le carnet de Colette Braeckman

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