lundi 29 avril 2013

Kampala : Le M23 quitte (à nouveau) la capitale ougandaise

Bertrand Bisimwa, le président du M23

Selon une source proche des rebelles du Mouvement du 23 mars, des témoins ont vu plusieurs délégués de cette organisation faire leur «check out», dans la matinée de ce jeudi 25 avril à la réception de l’hôtel où ils étaient descendus.

A Kinshasa, "Joseph Kabila" se comporte comme si la crise au Nord Kivu se déroulait dans un autre pays.

Le locataire du Palais de la nation qui se veut "maître de son silence", selon ses propres termes, se comporte décidément en Ponce Pilate en abandonnant le sort de cette partie du pays entre les mains de la "communauté internationale".

Les Kinois croisent chaque jour son cortège en route pour la ferme de Kingakati. Un président dilettante mais assoiffé du pouvoir.

«Le gouvernement de Kinshasa nous prend pour des idiots, a déclaré, à l’auteur de ces lignes, un membre de la délégation du M23 qui a requis l’anonymat. En signe de bonne volonté, nous laissons deux personnes à Kampala juste pour démontrer que nous ne quittons pas la table des négociations».

Par un pur hasard de calendrier, on apprenait, l’arrivée, mardi 23 avril à Goma, du général tanzanien James Mwakibolwa qui aura en charge le commandement de la brigade d’intervention des Nations Unies.

Depuis la signature, le 24 février dernier, de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba et l’adoption, le 28 mars, par le Conseil de sécurité, de la résolution 2098, le gouvernement de Kinshasa semble s’endormir sur ses lauriers.

Revigoré par cette «victoire diplomatique», il exige, dans ses propositions, une sorte d’«autodissolution» pure et simple de ce mouvement rebelle. «Si cette dissolution n’a pas lieu, la brigade d’intervention des Nations Unies veillera à mettre le M23 hors d’état de nuire», déclarait le ministre congolais des Médias Lambert Mende Omalanga?

C’était au cours d’une conférence de presse co-animée avec son collège en charge des Affaires étrangères, Raymond Tshibanda. Kinshasa s’estime désormais en mesure d’imposer les règles du jeu.

Là où le bât blesse est que le M23 continue à garder sous son contrôle plusieurs localités arrachées aux «forces loyalistes». Les forces rebelles affichent un esprit combatif en dépit du déploiement annoncé de la brigade d’intervention onusienne.

Le M23 qui continue à se considérer comme un «partenaire» du gouvernement de Kinshasa et non comme une «bande armée» a fait parvenir à la délégation gouvernementale ce qu’on pourrait considérer comme un «contre-projet d’accord».

A la lecture, il apparait que les forces rebelles se sont abondamment inspirées de l’Accord-cadre signé à Addis-Abeba. Est-ce un clin d’œil en direction de la «communauté internationale» ?

Tout en demandant à la partie gouvernementale «de réaliser et parachever tous les points partiellement réalisés, mal réalisés et non réalisés, tels que ressortis de la revue» de l’Accord de paix du 23 mars 2009 entre le gouvernement et le CNDP (Congrès national pour la défense des peuples), le M23 exige notamment la mise en place d’une «structure spéciale de réconciliation», la poursuite de la démocratisation et la relance des activités de la CEPGL (Communauté économique des pays des Grands Lacs).

Lors de sa création le 20 septembre 1976 par les présidents Michel Michombero (Burundi), Juvénal Habyarimana (Rwanda) et Mobutu Sese Seko (Zaïre-Congo), la Communauté s’était assignée entre autres objectifs «d’assurer d’abord et avant tout, la sécurité des Etats et de leurs populations de façon qu’aucun élément ne vienne troubler l’ordre et la tranquillité sur leurs frontières respectives».

Dans son contre-projet, le mouvement va plus loin en demandant l’érection des provinces du Nord Kivu, du Sud Kivu et des districts de l’Ituri et du Haut-Ouélé (sic !), dans la province orientale, en «zone sinistrée».

Ce point ne manquera pas de faire hérisser les cheveux de la population congolaise laquelle y verra la volonté des dirigeants rwandais et ougandais d’avoir une mainmise sur ces régions.

Le M23 exige enfin l’intégration de ses cadres dans le gouvernement central, la diplomatie, les entreprises publiques, les gouvernements provinciaux et l’état-major général de l’armée nationale.

Sans oublier les militaires et les policiers. "Nous attendons toujours la réaction du gouvernement de Kinshasa, dit la source. Notre contre-projet a été apprécié par certains chefs d’Etat de la sous-région des Grands Lacs".

A Kinshasa, «Joseph Kabila» affiche son dilettantisme légendaire. L’homme considère le pouvoir d’Etat plus comme un "jeu" qu’une charge. Chaque jour, les Kinois voit le «cortège présidentiel» arpenté les grandes artères de la capitale pour rejoindre la ferme de Kingakati où l’homme va plus pour se divertir que pour s’occuper de la marche des affaires de l’Etat.

C’est à croire que, pour lui, la crise au Nord Kivu se déroule dans un autre pays.

L’opposition est inaudible. Elle regarde sans réagir. Elle attend les "concertations nationales" promises espérant prendre part à un partage de postes.

Clochardisée, la population congolaise a perdu toute capacité d’indignation. Observatrice passive, elle se méfie autant du «raïs» que du M23. Des voix optimistes osent encore affirmer : «Il ne faut pas désespérer du peuple congolais… ».

Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire