mercredi 8 mai 2013

Boom immobilier à Kinshasa : l’ombre de l’argent sale

Mercredi 8 mai 2013

Le secteur de l’immobilier est en pleine extension en République démocratique du Congo.

A Kinshasa, des immeubles poussent comme des champignons, alimentant la chronique sur l’origine de tous ces capitaux déversés dans l’immobilier.

Pour une économie qui peine à décoller, il y a de quoi se poser des questions. La RDC serait-elle finalement devenue cette plaque tournante de blanchiment de capitaux ? Dans tous les cas, l’immobilier est désormais ce secteur des refuges où le recyclage de l’argent sale tourne à plein régime.

Le boom immobilier fait jaser à Kinshasa. Immeubles, appartements, villas, duplexes, foisonnent et ne laissent aucun espace libre. Même les espaces verts, donc interdits d’occupation par des particuliers, ne sont pas épargnés par ces constructions au point où l’écosystème urbain est menacé sérieusement.

Quid ? Les immeubles poussent comme des champignons à Kinshasa et ailleurs dans les grandes villes du pays. Qui sont propriétaires de ces bijoux qui donnent l’eau à la bouche de l’opinion publique ?


Une question en appelant une autre, quelles sont les banques qui ont accordé des crédits à tous ces propriétaires qui, selon divers témoignages, sont des personnes physiques ?

Cela pose le problème de la circulation de l’argent liquide en grande quantité, généralement hors circuits bancaires. Les lois du pays ne sont-elles pas heurtées par ce phénomène qui contraste avec la situation réelle de l’économie nationale, secouée par des conflits armés récurrents depuis plus d’une décennie ?

En 2012, la République démocratique du Congo a aligné un taux de croissance de 7,2%. En effet, depuis la réussite du Programme intérimaire renforcé, mis en œuvre entre mai 2001 et mars 2002 dans le but de casser le cycle de l’hyperinflation des années 1990, la RDC aligne des taux de croissance positifs. Elle ambitionne de réaliser des taux à deux chiffres en vue d’accélérer la relance de l’appareil économique congolais.

Les nouveaux barons

Parmi les secteurs porteurs de la croissance, il y a notamment le secteur de la construction qui connaît, depuis un temps, un grand essor, alors que le pouvoir d’achat de la population peine à prendre de l’envol.

D’où, ces interrogations qui fusent de partout pour comprendre l’origine de tous les millions de dollars américains injectés dans le secteur de la construction.

La première piste à explorer pour pénétrer le mystère est l’identité de nouveaux propriétaires immobiliers de la RDC.

Outre les grands commerçants de l’Est, particulièrement les Nande ou les Yira de la province du Nord-Kivu qui rivalisent d’ardeur dans le secteur kinois de l’immobilier, le secteur est plutôt régenté par des expatriés. Libanais et Indo-pakistanais se bousculent au portillon.

Des espaces verts, longtemps laissés en veilleuse dans la ville de Kinshasa, ont été pris d’assaut par les nouveaux magnats de l’immobilier.

Dans la foulée, l’on dénombre des fonctionnaires de l’Etat qui, semble-t-il, auraient découvert dans l’immobilier un investissement sûr, non corrélé aux soubresauts de la conjoncture économique.

Ils sont généralement bien placés dans la structure de l’Etat. Ces barons new look se recrutent dans toutes les institutions du pays et autres services publics.

Dans tel quartier de la capitale, on parle des membres du gouvernement et du Parlement ; dans tel autre des mandataires de l’Etat ou des officiers généraux et supérieurs tant des FARDC que de la PNC. Les cadres des régies financières (DGI, DGRAD et DGDA) sont comptés parmi les nouveaux propriétaires immobiliers de la RDC.

Voilà qui divise la nation en deux groupes, à savoir celui des nantis, bénéficiaires des richesses du pays et celui des pauvres, les laissés-pour-compte et les sans-droit-aucun.

Et dire que la RDC est un Etat ! Mon œil !

Les premières assises nationales sur le coulage des recettes, organisées, du 2 au 4 mai 2013, ont tenté de pénétrer le mystère de détournement des deniers publics sans pour autant en déverrouiller le système.

Apparemment, la filière de blanchiment d’argent en RDC doit avoir découvert dans l’immobilier un meilleur moyen de sécuriser des capitaux d’origine douteuse.

Que dit la Cellule nationale des renseignements financiers (Cenaref), structure étatique mise en place pour traquer tous les criminels économiques de la RDC ? Motus et bouche cousue !

Au vu de l’aggravation de la situation, on dirait que cette structure est presqu’inexistante.

Or, elle a été mise en place dans le cadre de l’action internationale de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Aujourd’hui, la Cenaref est l’ombre d’elle-même. Pour quelle raison ? Suivez mon regard et promenez-vous à travers la capitale.

A Kinshasa, comme ailleurs dans la République, des investissements immobiliers de grande envergure se déploiement sans que la Cenaref ne se saisisse de l’origine de tous les fonds mis en jeu.

Décidément, la RDC, passe pour un paradis fiscal. Bien plus, c’est un terrain de prédilection pour couverture de la criminalité économico-financière de grande échelle.

Des signes de la maffia

En 2010, le président de la Fédération des entreprises du Congo (FEC) a tiré la sonnette d’alarme. Albert Yuma Mulimbi estimait que près de 16 milliards de dollars américains circulaient hors circuits bancaires du pays (RDC).

Selon lui, la situation était « inadmissible », étant donné que ce montant représente presque le triple du budget de l'Etat, sur ressources propres. Hélas ! Sa voix n’a pas été entendue.

S’il faut coller au terme actuellement en vogue, l’on doit supposer que près de 16 milliards USD, non recouvrés par l’Etat, échappent aux circuits officiels. Un montant sur lequel l’Etat congolais n’exerce aucune influence et qui, par ricochet, qui finance les investissements réalisés dans « le noir ».

Car personne, au niveau des institutions de l’Etat, n’arrive à remonter la traçabilité de ces fonds. Confusion. Surtout que des sources indiquent que ce sont des investissements réalisés, entre autres, dans le secteur de la construction qui supportent depuis une décennie la croissance de l’économie congolaise.

Qu’est-ce à dire ? Que l’économie congolaise est bâtie sur des bases instables.

En prenant en compte la situation qui prévaut dans l’Est du pays, il y a lieu de noter qu’il s’est développé, dans le pays, une économie dite de la « guerre ».

Que nulle autre autorité politico-administrative n’ose défier. La maffia a pris le dessus sur toute autre considération. L’Etat, inactif et dépossédé de ses moyens d’action, assiste passif à l’éclosion d’une classe de magnats immobiliers dont l’origine des capitaux n’est pas clarifiée.

D’autres, par contre, applaudissent le regain de dynamisme dans le secteur de l’immobilier, ignorant que c’est l’économie congolaise qui en subit indirectement le contrecoup.

En laissant champ libre aux capitaux sales dans le secteur de l’immobilier, sans que des mécanismes internes de surveillance, telle que la Cenaref, se mettent à l’œuvre pour en connaître les origines, la RDC précipite la déroute de l’économie nationale.

Pas étonnant que la croissance profite plus à ce groupe ou cercle restreint au détriment du reste de la population. C’est connu, la RDC passe pour un terrain de recyclage des capitaux douteux, avant d’être réinvestis par la suite ailleurs, dans des opérations plus transparentes.

Il n’y a pas de honte à le dire. Les taux de croissance positifs alignés depuis des années cachent une triste réalité. C’est le champ de cygne qui annonce la déroute de l’économie congolaise, infestée de toutes parts par des capitaux sales.

Le Potentiel

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