mercredi 8 mai 2013

Le régime syrien n’est pas parfait, mais je suis contre la révolution

Salim, syrien, nous explique pourquoi il soutient Assad. Un avis éloigné de celui que Rue89 relaye le plus souvent, mais celui d’une partie de la population syrienne. 
 

Des supporters de Bachar el-Assad brandissent des bouquets de fleurs à Damas, le 14 février 2012 (LOUAI BESHARA/AFP)
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Salim a 27 ans. Il est syrien et supporte Bachar el-Assad. Il a accepté de partager avec Rue89 les raisons de ce choix.

Son avis est très différent de ceux à qui nous donnons habituellement la parole, mais il est aussi représentatif d’une partie de la population syrienne. Marie Kostrz

Je suis parti travailler au Qatar peu de temps après que la révolution commence en Syrie. Ce n’est pas du tout des raisons politiques qui m’ont poussé à quitter mon pays, mais elles m’empêchent d’y revenir. Je le souhaiterais, mais tout mon entourage me le déconseille.

J’habitais avant à Damas. Ma famille a quitté la capitale pour rejoindre Lattaquié, sur la côte, dont nous sommes originaires. C’est beaucoup plus sûr.

Je suis alaouite, la même communauté que Bachar el-Assad. Il y a actuellement beaucoup de Syriens qui déménagent vers Tartous et Lattaquié.

1. La révolution menace les communautés


Premièrement, il y a en Syrie de nombreuses communautés et religions. Le régime de Bachar el-Assad est peut-être le seul du Proche-Orient qui est séculier et dans notre pays, nous avons besoin d’un tel système.
Les personnes qui participent à la révolution ne sont pas comme ça. C’est une révolution sunnite. Tout est à propos de la religion. Nous avons vu dans des manifestations qu’ils souhaitaient que les chrétiens partent du pays.

Même avant les révolutions tunisienne et égyptienne, je pensais que les islamistes pourraient prendre le pouvoir en Syrie. Selon eux, nous devons suivre leurs règles.

Il y a beaucoup de Syriens qui sont tués pour leurs différences, juste parce qu’ils appartiennent à d’autres communautés. Dernière exemple : l’un de mes amis a été tué mardi dans mon quartier, seulement parce qu’il était alaouite. Deux hommes armés l’ont attaqué alors qu’il se rendait à son travail.

Ma famille avait elle aussi reçu des lettres de menaces pour qu’elle quitte le quartier.

La Syrie calme et pacifique d’avant la révolution me manque, je souhaite que ces beaux jours reviennent. Je n’ai pas du tout confiance en la révolution telle qu’elle est réellement.

2. Je me méfie des pays étrangers


Il y a beaucoup d’armes qui viennent du Liban et de la Turquie. Les pays étrangers ne veulent pas régler la situation syrienne au niveau politique, ils ont en Syrie des intérêts plus larges et veulent en fait que la situation se détériore.

Je ne crois pas non plus les médias étrangers, qui ont clairement un agenda politique. Je me souviens très bien comment ça se passait au début de la révolution : on vous annonçait une manifestation quelque part, vous vous y rendiez pour vérifier et vous vous rendiez compte qu’il n’y avait absolument rien à cet endroit. Là, vous vous dites qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond...

3. Notre armée est forte et nous protège


« Ce n’est pas une révolution »
 
Crystel, la trentaine, habite Damas. Elle aussi est une très fervente supporter d’Assad. Ses raisons :
  • L’attaque, en 2006, d’Israël contre le Hezbollah, dans le but d’affaiblir la Syrie. « Elle n’a rendu notre pays que meilleur sous le règne de Bachar el-Assad ». Ce qui se passe en Syrie est « une Troisième Guerre mondiale » pour que les Etats-Unis envahissent l’Iran ;
  • Tunisie, Yémen, Egypte : « Ils sont toujours pauvres, affamés et sans travail. Les Frères musulmans sont partout » ;
  • « L’armée libre, ce ne sont que des brigands qui répandent le sectarisme, la haine et le chaos. Ils violent, torturent, terrorisent. Ce n’est pas une révolution » ;
  • l’amour envers Assad, une « personne élégante, honorable, intelligente » que « beaucoup de monde supporte ». M.K.
J’aime aussi l’armée syrienne. Car elle est contre Israël, tout d’abord.

Grâce à Hafez el-Assad, elle est très forte et c’est pour cela que depuis plusieurs années, personne ne nous a attaqués.

Je ne la vois pas comme une armée qui attaque la population ou les rebelles.

L’armée libre, qui n’existe même pas puisque ce sont des hommes armés non organisés, attaque les postes de police, tuent les Syriens qui travaillent pour l’Etat. Alors bien sûr, l’armée réplique et elle a raison.

Je ne crois pas à l’existence des « shabihas » [milices prorégime connues pour effectuer ses basses œuvres, ndlr]. Il n’y a rien qui s’appelle comme ça.

Avant, si quelqu’un était riche et puissant, il avait des gardes du corps, c’est tout. Et à présent, ce sont les civils des différents lieux qui ne veulent pas que les rebelles entrent dans leurs maisons et qui se battent contre l’armée libre.

Je ne pense pas que ces personnes violent et tuent. Au contraire, c’est l’armée libre qui fait tout ça.

4. Le régime n’est pas parfait, mais j’aime Bachar el-Assad


J’ai une bonne image de Bachar el-Assad. A mes yeux, c’est quelqu’un d’amical, d’humble, à qui vous pouvez vous adresser.

Je ne dis pas que le régime en place est parfait. Je suis contre la corruption et j’ai conscience que le régime a ce défaut. En Syrie, si vous voulez ouvrir un commerce ou une industrie, vous ne pouvez pas le faire sans devoir verser de l’argent au régime. Je suis contre cela.

J’ai aussi plusieurs personnes de ma famille qui ont été emprisonnées avant la révolution pour leurs opinions politiques. Mais doit-on supporter à tout prix la révolution juste parce que le pouvoir en place a des travers ?
Je ne pense pas qu’elle est garante d’un futur meilleur pour la Syrie.

5. J’ai peur pour l’avenir de la Syrie


Je suis bien sûr inquiet pour l’avenir. Les Syriens, les médias, l’armée, les services de renseignements... tout le monde est menacé par la révolution.

La plupart des personnes que je côtoie, aussi bien en Syrie qu’au Qatar, défendent Bachar el-Assad. En règle générale, les minorités sont aussi plutôt avec le régime. Mais personne ne peut dire ce qu’il se passera, si la révolution finira tout de même par l’emporter ou non.

De mon côté, je continue à parler aux quelques amis prorévolution que j’ai. A mes yeux, l’amitié est plus forte que tout. Tant qu’on discute avec logique et mesure, le dialogue est possible.

Salim, Syrien prorégime

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