17/05/2013
Stand
sauvage à proximité du marché d'Adawlato dont il ne reste que la
carcasse. Photo prise par notre Observateur Gracia Egom Amah.
Depuis
qu'elle n'a plus de stand, Dédé Rose Creppy vend ses pagnes à son
domicile. Photo prise par notre Observateur Gracia Egom Amah.
Depuis que le marché
d'Adawlato a brûlé, certaines Nanas Benz tiennent leur stand dans la
rue. Photo prise par notre Observateur Gracia Egom Amah.
L’incendie qui a ravagé le marché central de Lomé en janvier
dernier a porté un coup fatal à l’activité des Nanas Benz, ces célèbres
commerçantes dont certaines ont fait fortune dans la vente de pagnes il y
a une quarantaine d’années.
Doyenne du mouvement Nana Benz, notre
Observatrice nous explique qu’en l’absence d’un lieu digne de ce nom et
de plus en plus soumise à la concurrence étrangère, elles ont
aujourd’hui recours au système D pour écouler leurs pièces.
Au Togo, il est impossible de parler du commerce de tissus sans
évoquer les Nanas Benz qui, à partir des années 1970, ont su s’imposer
comme de véritables businesswomen. Surnommées ainsi en raison des Mercedes Benz avec
lesquelles certaines se déplaçaient, elles sont devenues au fil des
années un poids majeur de l’économie togolaise.
Elles ont fait partie
des personnalités les plus riches du Togo et leur renommée dépassait les
frontières du pays. Le marché d’Adawlato, qui a été réduit en cendres le 12 janvier,
a longtemps attiré des commerçants venant de toute l’Afrique de l’ouest
en quête de tissu wax hollandais, réputé pour son excellente qualité.
Mais le monopole des Nanas Benz a cependant fini par s'effondrer.
Au début des années 1990, d'autres femmes africaines, notamment du
Nigeria, se lancent à leur tour dans la fabrication de wax dont elles
ont assimilé la technique et qu’elles vendent beaucoup moins cher que
leurs homologues togolaises.
Au début des années 2000, les Nanas Benz doivent composer en plus
avec la concurrence chinoise qui investit massivement le marché
togolais, inondant le pays de tissus wax fabriqués à Shanghai et vendus
dix fois moins chers. Face à ce constat, les autorités togolaises, de
plus en plus dépendantes de l'aide chinoise, semblent impuissantes pour
éviter ce déclin.
Contributeurs
"Celles qui n’utilisent pas leur maison comme lieu de travail tiennent des stands sauvages dans la rue"
Dédé
Rose Creppy, figure historique des Nanas Benz, est présidente de
l’Association professionnelle des revendeuses de tissus (APRT). Elle vit
à Lomé.
La situation que vivent actuellement les Nanas Benz est dramatique.
Nous sommes très malheureuses. Bien sûr, avant que l’incendie du marché
central ne se déclare, notre activité n’était pas très florissante,
mais là c’est encore pire. Les flammes ont réduit à néant une grande
partie de mon stock. Pour vendre nos produits, nous faisons désormais
appel à la débrouillardise.
En ce qui me concerne, j’ai beaucoup de chance car c’est une de mes
maisons qui me sert de boutiques. Cela permet à ma clientèle fidèle,
ceux qui me connaissent personnellement, de continuer à m’acheter des
produits. En revanche, les autres, les badauds, les flâneurs, je les ai
tous perdu.
Celles qui n’utilisent pas leur maison comme lieu de travail
tiennent des stands sauvages dans la rue – ce qui en ce moment est très
compliqué car on est en pleine saison des pluies – ou louent à prix
d’or des boutiques à des particuliers [jusqu’à 200 000 FCFA (300 euros)
par mois d’après l’Etablissement public autonome pour la gestion des
marchés (EPAM), contacté par France 24].
"A l’époque je possédais cinq Mercedes et voyageais beaucoup en Europe"
Les autorités togolaises nous ont promis qu’un nouveau marché
verrait le jour. Des travaux ont même été entamés mais ils avancent
lentement. Il est impossible aujourd’hui de savoir quand nous pourrons à
nouveau disposer d’un stand.
J’ai 79 ans, j’ai commencé à travailler en 1954. L’essentiel de ma
carrière est derrière moi. A l’époque, je menais grand train : je
possédais cinq Mercedes et je voyageais beaucoup en Europe pour les
affaires mais aussi pour le plaisir.
En France, j’ai acheté un
appartement à Lyon que d’ailleurs j’ai pu garder. J’adore cette ville,
tous mes enfants y ont fait leurs études. Ils n’ont jamais manqué de
rien, ils ont eu une enfance très heureuse.
Pour les jeunes générations [qui se sont rebaptisées les Nanettes
pour se démarquer de leurs devancières] c’est de plus en plus difficile.
Pour survivre face à la concurrence, elles sont obligées de se
diversifier, de vendre d’autres types de produits qui souvent viennent
de Chine.
Billet rédigé avec la collaboration de Grégoire Remund, journaliste à France 24.
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