mardi 7 mai 2013

L'Italie est-elle un pays raciste?

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Cécile Kynege Kashetu, Rome, 30 avril 2013 / AFP
Cécile Kynege Kashetu, Rome, 30 avril 2013 / AFP

Les insultes racistes à l'encontre de la toute première ministre noire italienne font craindre le pire.

Lorsqu’elle a été nommée ministre de l’Intégration dans le nouveau gouvernement d’Enrico Letta, le 28 avril dernier, Cécile Kyenge Kashetu avait d’emblée déclaré que sa tâche ne serait pas aisée.

D’abord parce que, concernant les chantiers qu’elle entendait lancer (remplacer le droit du sol par le droit du sang, notamment), il lui faudrait le soutien d’une large majorité de la population et des responsables politiques.

Ensuite, parce que le fait même d’être la toute première ministre d’origine africaine en Italie allait forcément réveiller de vieux démons. Et cela n’a pas tardé.

Lors de sa première apparition à l’Assemblée nationale en tant que ministre, Cécile Kyenge Kashetu a subi, pour ainsi dire, une véritable volée de bois vert. Des insultes très clairement racistes de la part de parlementaires.  

«Singe congolais» par ci, «négresse» par là ou encore «ministre bonga bonga»… L’éventail des horreurs est encore plus large, la plupart venant soit de la Ligue du Nord (extrême-droite), soit du Parti national-socialiste italien (néofasciste)…

Le discours de la haine

 

La polémique de la nomination comme première ministre noire de l’Italie de cette ophtalmologiste d’origine congolaise de 49 ans, ne cesse d’enfler, apportant chaque jour son lot d'horreurs. Un des leaders de l’extrême-droite italienne, Erminio Boso, ex-sénateur de la Ligue du Nord et qui se revendique clairement comme raciste, a ainsi déclaré:
«Qui l’a dit, qu’elle est Italienne? Sa nomination a été une grande connerie. La ministre Kyenge doit rester chez elle, au Congo. C’est une étrangère dans ma maison.»
Des propos pleins de haine qui n’étonnent pas venant de l’extrême-droite raciste. Mais ceux-ci semblent repris par d’autres responsables politiques qui, de manière indirecte, pointent déjà la supposée «incompétence» de cette femme.

Une femme pourtant élue députée dans la région qui l’a accueillie, l’Emilie-Romagne, lorsqu’elle est arrivée en Italie, à l’âge de 19 ans et où elle a suivi ses études de médecine, avant de s’engager en politique.

Une femme qui a prouvé pendant tout on mandant de députée sa compétence sur les questions liées à l'immigration, à la citoyenneté et à l'insertion sociale des plus défavorisés.

Face à toutes ces attaques, Cécile Kyenge Kashetu, par ailleurs mariée à un Italien et mère de deux filles, a réagi sobrement et avec une grande dignité:
«Je ne suis pas de couleur, je suis noire et je le répète avec fierté.»

Tout commence maintenant

 

Le président du Conseil, Enrico Letta, lui a réaffirmé son soutien, en déclarant être fier de l’avoir dans son gouvernement et que l’Italie «n’est pas un pays raciste». Mais est-ce suffisant? La tâche ne sera pas facile, comme le disait elle-même Cécile Kyenge Kashetu, en entrant au gouvernement.

Les conservatismes ont la peau dure en Italie, qui est le troisième pays d'immigration d'Europe. Et, dans ce pays comme ailleurs, les relents racistes ne soit jamais loin. Mais tout l’enjeu consiste à ne pas céder.

C’est pourquoi, le fait même que l'Italie ait, pour la première fois de toute son histoire politique, une personnalité noire au sommet de l’Etat est le signe que les choses sérieuses commencent seulement maintenant: la lutte contre les discriminations et le racisme.

R.M.
SlateAfrique

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