jeudi 13 juin 2013

La nomination de l’Abbé Malu Malu peut être un piège !




« Kokende liboso ezali kokoma te ! »

Que peut bien signifier le retour de l’Abbé Malu Malu à la tête de la Commission Electorale ?

Comment allons-nous faire pour nous engager sur la voie de la réappropriation du processus historique et/ou électoral au pays ? Crier, vociférer, est-ce suffisant ? Et si la nomination de l’Abbé Malu Malu était un piège psychologique?

Et si «Les maîtres du monde» qui l’ont remis à ce poste savent qu’ils ont des intérêts à sauvegarder et qu’ils peuvent, à partir de cette nomination attiser les démons de nos divisions?

Ne risquons-nous pas de diaboliser toutes les appartenances de Malu Malu et de faire la politique de ceux pour qui diviser aide à régner. Saurons-nous demeurer sereins et capables d’autocritique ?

Sans complaisance ! Tout en criant et en vociférant ? Quand on a été mordu par « les vipères », on devient attentifs quand les lézards s’approchent.

Le retour de l’Abbé Malu Malu a provoqué plusieurs réactions parmi les compatriotes au pays comme dans la diaspora. Si certains estiment que

«l’expert du gouvernement (fantoche) de Kinshasa» aux négociations bidon de Kampala valorise son «expertise», plusieurs pensent que le choix orchestré par les parrains de la kabilie consacre son maintien aux commandes de la maffia abusivement dénommée «pouvoir» ad vitam aeternam.

D’autres encore lisent dans cette nomination une tentative de discrédit permanent jeté sur l’une des institutions les plus fortes de la RDC, l’église catholique. A travers l’un (ou certains) de ses membres, cette église serait associée à une mort lente mais sûre de tout un peuple en travaillant aux tripatouillages électoraux favorisant la mainmise d’un réseau d’élites de prédation à la tête de notre pays.

Pour ces compatriotes, cette nomination est «une passe» faite à certaines confessions religieuses et autres églises de réveil qui, pour s’attirer la sympathie des fidèles catholiques dépités par le retour de l’Abbé Malu Malu à la tête de la commission électorale, le citeront comme un exemple de la coopération de l’église catholique avec les forces de la mort en RDC.

Bien que la position de cette église ait été claire à travers les prises de position de Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) demandant aux prêtres et aux religieux de ne pas faire partie de la CENI, elle risque d’avoir du mal à convaincre ces compatriotes qui, après avoir appris « la triste nouvelle » ont dit : « Plus nos pieds dans une église catholique ».

Pour cause. L’opinion est souvent fondée sur l’ignorance. Cela étant, il se pourrait aussi que cette nomination soit un piège contribuant à creuser davantage des divisions entre nous au point de nous éviter une réflexion profonde sur la façon dont nous pouvons contre vents et marées travailler à la récupération du processus historique et ou électoral dévoyé dans lequel notre pays est engagé depuis 2006.

Cela en nous rappelant que ceux que nous pensons être les parrains n’ont jamais d’amis et qu’ils ne garantissent rien sur le long terme. Crier, vociférer peut se révéler démobilisateur !

Il y a un autre point de vue entendu dans les milieux congolais : attendons juger cette fois-ci l’Abbé Malu Malu sur les résultats ; accordons-lui le bénéfice du doute. Ce point de vue vaut ce qu’il vaut.

Néanmoins, il nous pousse à approfondir notre réflexion sur les élections et sur leur valeur réelle en lisant notre histoire immédiate (et celle des autres).

Comment se fait-il que Joseph Kabila ayant profité de l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila en 2001 ait pu usurper « le pouvoir » aux élections de 2006 et à celles de 2011 ?

En 2006, l’Union Européenne (alliée des USA) a placé son argent dans ces élections et elle devait en récolter les dividendes : avoir à Kinshasa un allié de Paul Kagame ; maintenir la RDC sous la tutelle de l’ONU et en faire sa véritable néo-colonie.

Les élections bidon de 2006 ont permis à l’Occident et à ses entreprises multinationales de pérenniser leur pillage des matières premières stratégiques de notre pays à travers les armées de Kampala, de Kigali et de la RDC (infiltrée) interposées au cours d’une guerre de basse intensité orchestrant le chaos dans la sous-région des Grands-Lacs Africains.

Un livre publiant « des documents qui accusent » est très clair sur ce modus operandi[1]. Celui-ci est allé plus loin : il a permis le noyautage et l’agencification[2] de plusieurs institutions du pays par l’Occident re-conquérant.

Avec la complicité des nos élites compradores pris dans les filets du «réflexe de Pavlov [3]», salivant devant les espèces sonnantes et trébuchantes, au point de participer à notre collectif effacement de la surface de la terre comme peuple historique !

En principe, les élections de 2006 organisées sans recensement devraient nous convaincre de l’inanité de la notion de «l’aide». L’argent placé dans ces élections devait rapporter des dividendes, du profit à l’Occident re-conquérant. Elles devraient nous pousser à nous à nous poser cette question-bête :

«Comment pouvons-nous, en conscience, prétendre gagner notre souveraineté politique à partir des élections organisées avec l’argent d’autrui ?»

Les pays ayant compris que la souveraineté est aussi (et même d’abord) économique ont coupé le cordon ombilical et organisent leurs élections en mettant leur propre argent au service de leurs commissions électorales et en créant des mécanismes de contrôle (et de vérification) internes efficaces.

Le Venezuela a organisé plus de dix élections en puisant dans propre sa caisse. Plusieurs autres pays de l’Amérique Latine (comme la Bolivie, l’Equateur, le Brésil, l’Argentine, etc.) font régulièrement la même chose. Ils ont maîtrisé cette sagesse populaire simple : « La main qui donne voudrait toujours être au-dessus de celle qui reçoit. »

Qui dira que la RDC vendant ses matières à perte aux Iles Vierges Britanniques pour plus de cinq milliards manque de l’argent pour organiser des élections plus ou moins correctes ?

Avouons que la question fondamentale est celle de l’occupation du pays : il n’est pas facile d’organiser des élections dignes de ce nom dans un pays sous occupation. N’empêche que les plus audacieux d’entre nous opérant au sein des minorités organisées et agissantes prennent leur courage à deux mains pour renverser la vapeur (sur le temps).

Mettre à nu les pratiques dévoyées des charognards se ruant sur le mort-vivant Congo dans un exercice d’éducation civique permanent serait un pas important à effectuer au pays. Travailler en synergie serait un pas supplémentaire important.

Sur ce point, il faut avouer que la diaspora congolaise a fait des géants ; elle doit, au lieu de dormir sur ses lauriers, poursuivre ses efforts de révolution idéologique en se convaincant que les vampires sont sur le déclin…

Au pays, l’enfermement de certains acteurs politiques dans des prisons privées est un travail de sape. Il vise à éteindre tout éveil de conscience collective d’un peuple devant se convaincre qu’il n’a de salut qu’en devenant l’acteur politique de premier plan.

Si tout, en effet, dépendait de l’argent, les élections de 2011 devraient donner des résultats contraires à ceux de 2006. En 2011, la contribution de « la communauté internationale » n’a pas été aussi consistante que celle placée dans celles de 2006.

Comment sa fait-il que Joseph Kabila se soit maintenu au pouvoir sans que les résultats de ces élections ne puissent être conformes ni à la justice ni à la vérité, comme dirait le Cardinal Monsengwo ?

En plus du fait que Joseph Kabila a recouru à la tricherie et à la fraude avec la complicité de la CENI, il a eu recours à l’armée pour semer la peur dans les cœurs et les esprits et régner par défi.

Aussi est-il vrai que la réappropriation du processus électorale par nos populations n’a pas été totale. En dehors des résultats falsifiés de la CENI, aucune autre institution congolaise n’a pu fournir les siens ; même pas l’église catholique qui avait déployé ses observateurs à travers plusieurs bureaux de vote.

Il y a eu un autre phénomène et pas le moindre : l’implication des ambassadeurs occidentaux dans le processus électoral avant la proclamation des résultats définitifs.

Doutant des garanties que pourrait leur offrir « le véritable gagnant de ces élections », ils ont orchestré « un coup d’Etat » pour maintenir Joseph Kabila au pouvoir.

Arnaud Zajtman le dit sans ambages dans un article écrit le 07 décembre 2011 et intitulé : « Il est minuit moins une à Kinshasa ».

Certains compatriotes échangeant avec « les partenaires extérieurs sur ce gâchis s’entendent dire ces jours-ci : « La légitimité intérieure sans la légitimité internationale ne suffit pas ».

Après 2011, plusieurs d’entre nous devraient se faire à l’idée qu’aller aux élections sans être sûr d’en maîtriser et d’en contrôler les rouages est une aventure de mauvais goût, surtout dans un pays sous occupation.

Ils devraient procéder à une évaluation sans complaisance s’ils veulent s’essayer aux autres échéances à venir. Ils devraient aussi apprendre (ou désapprendre) que la légitimité politique (et surtout post-politique) ne se donne pas dans les urnes. Celles-ci confirment ou infirment un choix fait au préalable.

Ou par le peuple éduqué civiquement et patriotiquement ou par les oligarchies d’argent parrainant des élites compradores ou par un autre cercle de pouvoir pas toujours visible.

Et ce choix ne se fait pas la veille des élections. Non. Il est opéré longtemps avant à partir du profil du candidat et du travail abattu par ceux qui opèrent ce choix au niveau médiatique, économique, éducationnel, social, intellectuel, politique, etc. Ceci devrait être un secret de polichinelle pour plusieurs d’entre nous.

En 1960, ce sont les Congolais unis comme un seul homme et soucieux de renverser le joug du colonialisme qui ont plébiscité certains d’entre eux aux élections. Civiquement, ils étaient suffisamment éduqués politiquement et certaines revues comme « Conscience Noire » ont joué un rôle important dans l’éveil spirituel de nos Pères et Mères de l’indépendance.

Au Venezuela, le peuple a remis Hugo Chavez au pouvoir après le coup d’Etat de la CIA de 2002[4]. Un fait unique dans l’histoire contemporaine. (Les médias mainstream et les experts de la communauté internationale n’en parlent presque pas !)

Aux USA, en 2000, Georges Bush Jr a perdu les élections. Mais il fut maintenu à la tête de ce pays par « l’Etat profond ».

Si la légitimité politique (ou post-politique) ne se donne pas dans les urnes, elle s’impose après sa confirmation par les urnes à partir de la manière dont «l’élu majeur» sert les intérêts de ses parrains.

Au Venezuela par exemple, Hugo Chavez ayant été parrainé par son peuple (surtout les pauvres des favelas) l’a servi, dans les limites de ses possibilités, jusqu’à sa mort.

Cela au point que plusieurs vénézuéliens (plus de 50%) en sont arrivés à s’identifier à Chavez après sa mort en disant : « Nous sommes tous des Chavez ». Au Congo (RDC), Joseph Kabila est encore soutenu par ceux qui l’ont plébiscité – souvenons-nous de « Joseph Kabila est l’espoir du Congo »- et qui déjà en 2006, ont mis Malumalu à son service. Arrêtons de rêver.

Que voulons-nous ? Etre souverains ? Quelles sont les ressources intellectuelles, économiques, culturelles, sociales, politiques dont nous disposons pour réaliser nos objectifs ? Identifions-nous.

Qui sont les meilleurs d’entre nous qui peuvent, avec courage et esprit de sacrifice, nous mener à bon port ?

Et géostratégiquement, qui sont les acteurs politiques mondiaux qui, aujourd’hui, tout en étant respectueux de la souveraineté des autres peuples, peuvent nous soutenir dans notre lutte d’émancipation en sauvegardant des intérêts partagés ?

Ces questions peuvent être travaillées en permanence dans des think tanks congolais où les jeunes prennent une part active et où le choc des idées peut jeter suffisamment de lumière sur la voie à emprunter.

Faire cela ne devrait pas nous dispenser de comprendre que les grands changements sont moléculaires. Il faut y travailler sur le cours, moyen et long terme et apprendre à passer le relais. Il n’ y a pas de baguette magique ! « Kokende liboso ezali kokoma te ! »

Mbelu Babanya Kabudi

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[1] C. Onana, Europe, crimes et censure au Congo. Les documents qui accusent, Paris, Duboiris, 2012.

[2] Lire J. Kankwenda Mbaya, La République Démocratique du Congo face au complot de Balkanisation et d’implosion, Kinshasa, Icredes, 2013. Lire surtout le chapitre 11.

[3] J. –J. Mbungani, Le politicien instrumentalisé : la RDC est un bel exemple, dans www.congoindépendant.com

[4] Le successeur d’Hugo Chavez vient d’échapper à un attentat orchestré par ceux qui veulent faire de la Colombie un membre de l’OTAN comme l’atteste ce petit article :http://www.voltairenet.org/article178860.html

© Congoindépendant

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