A quoi joue Le Monde, honnêtement ?
Les journalistes du Monde, revenus de Syrie, sont sûrement des professionnels de la presse, mais l’histoire retiendra qu’ils auront été la caution morale dont les pays occidentaux avaient besoin pour intervenir « officiellement » aux côtés des rebelles syriens.
En ramenant des « preuves irréfutables » accusant Bachar Al-Assad d’utiliser des armes chimiques, ils participent au choc psychologique nécessaire pour permettre d’identifier, dans tout conflit, le « méchant » à combattre à tout prix, et le « bon » aux côtés de qui il faut absolument se ranger.
Reste que, sciemment ou pas, ces « révélations » rappellent les scénarios précédant l’entrée en guerre de l’Occident contre des pays arabes (et autres).
Un de ces scénarios, sûrement la mise en scène la mieux élaborée de l’histoire des guerres modernes, s’est produit à New York le 10 octobre 1990. Une jeune koweitienne dénommée Nayirah témoigna, larmes aux yeux, devant le Congrès américain pour décrire les atrocités que les troupes de Saddam Hussein faisaient subir aux populations koweitiennes.
« … j'ai vu les soldats irakiens entrer dans l'hôpital avec leurs armes. Ils ont tiré sur les bébés dans les couveuses, ils ont pris les couveuses et ont laissé mourir les bébés sur le sol froid… »[1]
Des bébés tués dans les couveuses… Il fallait absolument intervenir militairement contre le dictateur irakien. Sauf qu’il s’avéra, après la guerre, que le témoignage de la jeune femme était entièrement faux.
Sur le conflit syrien, heureusement, on est à peu près informé sur le déroulement des opérations, les dirigeants occidentaux en premier.
Nos « barbouzes » parcourent le monde depuis des décennies et nous rapportent des renseignements extrêmement fiables. Tous les jours, ils glanent de précieuses informations et sont en mesure de mettre la main sur le moindre secret du plus inconnu des dirigeants politiques à l’autre bout de la planète.
Avec les moyens modernes (satellites), les états-majors, en Occident, et les différents services secrets sont au courant de l’armement dont dispose Bachar Al-Assad et les rebelles qui le combattent.
Ils savent que les deux camps disposent des armes chimiques et suivent le déroulement de la guerre comme devant un jeu vidéo.
En tout cas, on sait, depuis plusieurs mois que les rebelles syriens utilisent des armes chimiques contre l’armée loyaliste. Des personnalités de haut rang comme l’ancienne Procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, Carla del Ponte[2], ont déjà publiquement dénoncé l’utilisation des armes chimiques par les rebelles syriens.
Tout le monde, à l’époque, s’était tu, du moins dans les rangs des autorités…
Et tout d’un coup, on feint d’apprendre que les armes chimiques sont utilisées dans le conflit syrien. Dans une curieuse précipitation, l’Union européenne lève l’embargo sur les armes en destination de la Syrie.
On va donc ouvertement armer les rebelles syriens (leur fournir quel type d’arme ?) et, peut-être, envoyer des troupes occidentales contre Bachar Al-Assad. Ce sera une guerre juste, parce qu’il s’agit de combattre un dictateur qui utilise des armes chimiques contre son propre peuple.
On en rirait s’il n’y avait pas mort d’hommes.
En réalité, dans le conflit syrien, la question n’est pas de savoir qui utilise les armes chimiques, mais plutôt qui a été le premier à les utiliser.
La réponse est d’une banalité ludique. Il suffit de dérouler le fil de l’actualité sur le web…
Les journalistes du Monde n’aurait jamais dû se prêter à ce genre de scénario et servir, peut-être en toute innocence, de caution aux motivations guerrières des dirigeants occidentaux désireux d’orienter l’actualité sur autre chose que la crise.
Boniface MUSAVULI
AGORAVOX
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