Surprenant ouvrage que ce livre de Pierre Houart et Valérie Kanza : 52 ans après l’indépendance du Congo - une histoire dix fois lue, vingt fois entendue -, il nous la présente sous un angle inédit.
Alors que les défenseurs du colonialisme et les lumumbistes ont pratiquement monopolisé le récit de ces importants événements, en voici un aperçu dressé par un homme (décédé en 2010), Pierre Houart, qui était à la fois anti-colonialiste et anti-lumumbiste. Valérie Kanza a collaboré avec lui et mis la dernière main au livre après sa disparition.
Humaniste, ce journaliste et éditeur pèche parfois par la naïveté - comme lorsqu’il classe erronément Nelson Mandela parmi les pacifistes, ou quand il range à leur côté Barack Obama sur base de seuls discours.
Mais la sincérité des convictions de ce démocrate-chrétien le pousse à un engagement anti-colonial dès la fin des années 50, quand il crée, avec Jean Van Lierde, le premier objecteur de conscience belge, et Thomas Kanza (oncle de Valérie), le premier universitaire congolais, un Centre international, sous l’égide des éditions parisiennes Présence africaine, et bientôt considéré comme le rendez-vous de la décolonisation.
S’y exprimeront plusieurs grands noms des décennies suivantes (Aimé Césaire, Alioune Diop, Cheikh Anta Diop, Richard Wright, Kateb Yacine, Edouard Glissant…), ainsi que les futurs ténors congolais (Patrice Lumumba, Albert Kalonji, Mario Cardoso, Joseph Ngalula, Joseph Ileo, Paul Mushiete, Albert Ndele, Cléophas Kamitatu…), et de futures grandes pointures belges (Ernest Glinne, Henri Simonet, Ernest Mandel, Georges-Henri Dumont, François Perin, Serge Moureaux, Pierre De Vos, Jules Chomé, Jules Gérard-Libois, Paule Bouvier, Francis Monheim, Arthur Doucy, Jef Van Bilsen, Luc de Heusch…), dont beaucoup furent conseillers des Congolais lors des tables rondes qui précédèrent l’indépendance.
Apparaît, ainsi, tout un pan mal connu de la vie intellectuelle belge de l’époque, foisonnante. Le livre évoque aussi deux reportages de Pierre Houart au Congo - dont l’un au cours duquel il fut pris en otage à Kisangani, avec onze confrères, par des mercenaires qui voulaient obtenir la libération de Moïse Tshombé qui venait d’être enlevé.
L’ouvrage comporte, enfin, des lettres et documents peu connus du public, qui contribueront à l’intéresser.
"Coulisses d’une décolonisation 1945-1967", Pierre Houart et Valérie Kanza, Ed. Le Cri/Histoire, 168 pp., 18 euros.
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