samedi 27 juillet 2013

Guerre au Kivu : Human Right Watch fournit de nouvelles preuves du soutien massif du Rwanda aux M23

27/07/2013 


Paul KAGAME

Human Rights Watch vient de publier un nouveau rapport qui démontre, une nouvelle fois, combien le Rwanda viole l’accord-cadre d’Addis Abeba et la résolution 2098 du Conseil de sécurité. 


Pendant ce temps, les Congolais observent avec surprise les atermoiements et les lourdeurs de l’ONU qui retient sa brigade d’intervention et préfère laisser les Congolais conclure un hypothétique accord politique à Kampala. 

Mais les Congolais, qui ont déjà compris que l’ONU n’a jamais rien pacifié dans le monde, n’ont plus foi qu’aux FARDC qu’ils encouragent dans leurs offensives actuelles.

Human Rights Watch vient de publier un nouveau communiqué daté du 23 juillet 2013 à Goma dans lequel cette ONG fournit de nouvelles preuves du soutien massif du Rwanda aux M23. 


Ces nouvelles données, qui datent de mars dernier à ce mois de juillet, décrivent avec force détails, non seulement les appuis multiples (hommes, formation, matériel, ration alimentaire, conseil tactique de combat) que le Rwanda a apporté au M23, mais également les initiatives propres à ce groupes rebelles. 

Ces initiatives concernent aussi bien des assassinats sommaires que des viols, des traitements inhumains, des recrutements et des formations militaires forcés, même sur des chefs coutumiers.

Les renseignements recueillis proviennent d’une centaine de témoins dont majoritairement des déserteurs du M23, des habitants de la frontière rwando-congolaise, etc. le Gouvernement rwandais, auquel ces données ont été soumises pour réaction, n’ont fait aucun commentaire.

Human Rights Watch rapporte également quelques cas, au conditionnel, d’officiers de l’armée congolaise qui auraient collaboré avec des forces négatives pour contrer les actions du M23. A ce sujet, le Gouvernement congolais avait déjà réagit pour soit infirmer certaines informations qui n’avaient pour but que de ternir l’image des FARDC, soit pour annoncer l’arrestation des auteurs de profanation des corps des ennemis tombés sur le champ de bataille. 


Il faut retenir que sur ce cas particulier d’accusations contre des éléments isolés des FARDC, la démarche générale rentre dans le cadre des pressions exercées actuellement par des organisations internationales pour faire stopper l’élan des forces régulières et forcer le Gouvernement à conclure un accord politique avec le M23 à Kampala.

Pendant ce temps, les Congolais observent avec circonspection les atermoiements de l’ONU et de la Monusco quant à l’engagement effectif de la Brigade d’intervention pour accomplir la mission lui dévolue dans le cadre de la résolution 2098 qui a fait passer le mandat de la mission onusienne au chapitre VII, ce qui implique l’usage de la force. 


Dans la même foulée, les Congolais attendent fermement de voir comment l’ONU et la communauté internationale vont réagir à cette masse de données qui démontrent combien le Rwanda a foulé au pied aussi bien l’accord-cadre d’Addis Abeba que la résolution 2098 du Conseil de sécurité. Ce dernier document comporte des closes claires de sanctions contre les violeurs de ces textes.

Il n’est plus normal que d’un côté l’ONU fasse pression sur la RDC pour la contraindre à des compromis politiques tout en se retenant à remplir sa part d’engagements en terme d’éradication des forces négatives, et que, de l’autre, elle prétende ne pouvoir agir que pour protéger les civils. 


Pourtant, la situation actuelle indique clairement à quel point ces civils sont vulnérables et victimes de l’existence même de ces forces négatives. 

Les voies d’approvisionnement des centres de consommation sont coupées par le simple fait de la présence de ces forces, tandis que les hôpitaux et les pharmacies accusent une pénurie en médicaments. Des boutiques manquent des produits de première nécessité, plongeant les populations dans un dangereux état de morbidité.

Ce ne sont pas seulement les combats qui mettent les populations en insécurité pour nécessiter l’intervention de la brigade ad hoc. Lorsque les villageois ne savent pas cultiver ni paître leur bétail, n’est-ce pas là la forme la plus dangereuse de l’insécurité ? 


Le discours actuel de l’ONU contraste, de manière désolante, à la nouvelle approche de la résolution des conflits dans les Grands Lacs, approche qui considère que la cause principale des conflits récurrents est la pauvreté. 

En engageant 1 milliard de dollars pour des projets de développement dans la région, la Banque Mondiale avait déclaré apporter une solution à cet enjeu de pacification de la région des Grands Lacs.

Mais en se gardant de s’impliquer plus activement pour inverser les tendances actuelles, en gardant un silence assourdissant face aux violations multiples des textes à la conclusion desquels elle a largement concours à travers son Secrétaire général qui s’en est porté garant, l’ONU a sombré dans des atermoiements que les Congolais ne comprennent plus. 


En sorte qu’aujourd’hui, les prouesses des FARDC au front intéressent plus que les belles paroles et les beaux textes qui prolifèrent.

Allez-y les FARDC !

Ci-dessous, quelques extraits du communiqué de HRW 


LES CRIMES DE LA COALITION RWANDA-M23 EN RDC

Exécutions sommaires et autres exactions commises par le M23

Human Rights Watch a documenté 44 exécutions sommaires commises par le M23 depuis mars. Les combattants du M23 ont également tué ou blessé un nombre indéterminé de civils, dont certains ont été pris entre deux feux pendant les combats.

Les combattants du M23 ont tué 15 civils hutus dans plusieurs villages du groupement de Busanza dans le territoire de Rutshuru les 25 et 26 avril, et au moins six autres à la mi-juin, dans une apparente tentative de « punir» les villageois pour collaboration présumée avec des milices hutues congolaises.

Pendant l'attaque de la nuit du 25 avril, un groupe de combattants du M23 a traversé les villages de Ruvumbura, Kirambo, Nyamagana et Shinda, tuant et pillant sur leur passage. 


Une mère de trois enfants, âgée de 43 ans, a dit à Human Rights Watch: « Quand ils ont commencé à tuer des gens, nous avons fui dans la brousse. Mon mari est retourné chercher nos biens et ils l'ont tué. Ils lui ont tiré une balle dans la tête.»

Fin mai, des combattants du M23 ont abattu un homme de 62 ans à Ntamugenga parce qu'il refusait de remettre ses fils au M23. Le 15 mai, des combattants du M23 ont arrêté un chauffeur de moto près de Kiwanja et l'ont tué parce qu'il refusait de leur donner de l'argent. 


À la mi-juin, des combattants du M23 ont tué de plusieurs balles dans la poitrine un changeur de monnaie. Puis ils ont dit à sa femme: « Donne-nous de l'argent ou nous te ferons la même chose qu'à ton mari.»Elle leur a donné de l'argent et ils sont partis.

À Kibumba à la mi-mai, un officier du M23, le colonel Yusuf Mboneza, a ordonné l'exécution d'un homme de 24 ans qu'il accusait d'être un voleur. Après l'exécution, Mboneza a convoqué les villageois à une réunion lors de laquelle il leur a montré le corps du jeune homme, disant que cela devrait servir d'avertissement à quiconque serait tenté de voler.

De nouvelles recrues et des prisonniers qui tentaient de s'enfuir étaient parmi les autres personnes exécutées sommairement par le M23 depuis mars.

Le 21 juin, les combattants du M23 ont capturé un des leurs, un Congolais nommé « Tupac», alors qu'il essayait de s'enfuir, près de Kabuhanga. Ils l'ont ramené au camp militaire de Kamahoro, où le commandant a ordonné à ses troupes de se mettre en formation et de l'abattre pour décourager d'autres désertions. 


Ils ont tué Tupac de deux balles dans la poitrine tirées à bout portant. Un déserteur du M23 a dit à Human Rights Watch qu'il avait été forcé, avec d'autres recrues, d'enterrer Tupac.

Après un accrochage entre le M23 et une milice hutue congolaise le 18 juin, des combattants du M23 ont pillé plusieurs villages dans la région de Busanza. Les combattants ont demandé de l'argent à une femme de 33 ans. 


Quand elle a dit qu'elle n'en avait pas, ils lui ont entaillé l'épaule d'un coup de machette et ont frappé son fils de 11 ans à la tête. Le 15 avril, une jeune femme de 18 ans a reçu une balle dans la jambe parce qu'elle a refusé d'avoir une relation sexuelle avec un combattant du M23 qui l'avait abordée dans sa ferme près de Bunagana. 

Les victimes de ces agressions ont survécu, mais avec de graves blessures. 

Viols commis par des combattants du M23

Human Rights Watch a documenté 61 cas de viol de femmes ou de filles par des combattants du M23 entre mars et début juillet. En raison de la marque d'infamie qui s'attache au viol et de la peur de représailles, le nombre réel des victimes est probablement beaucoup plus élevé. 


Beaucoup des victimes de viol étaient dans leurs champs ou en train de ramasser du bois. Les combattants du M23 ont accusé certaines d'entre elles d'être les « épouses» de combattants des FDLR. 

La plupart des viols ont été commis à proximité de positions du M23 et certaines victimes ont reconnu leurs agresseurs comme étant des combattants du M23 qu'elles avaient vus auparavant. 

Fréquemment, les violeurs avertissaient leurs victimes qu'elles seraient tuées si elles parlaient du viol ou si elles cherchaient à recevoir des soins médicaux.

Une fille de 12 ans a dit à Human Rights Watch qu'un combattant du M23 l'avait capturée et violée en juin alors qu'avec des amies, elle achetait de la canne à sucre dans un champ proche d'une position du M23, dans le territoire de Rutshuru:

J'ai vu un soldat [du M23]. Je me suis mise à courir mais j'ai trébuché sur un morceau de canne à sucre et je suis tombée. Le soldat m'a rattrapée et a dit qu'il allait me tuer parce que j'avais tenté de m'enfuir. Je me suis arrêtée parce que j'avais très peur. Alors il m'a violée. J'ai crié mais il m'a baillonnée.

Une jeune fille de 17 ans a affirmé avoir été violée à deux reprises par des combattants du M23. La seconde fois, en juin, cela s'est produit alors qu'elle était seule à son domicile après que des policiers du M23 eurent enlevé son mari et l'eurent forcé à rejoindre leur patrouille de nuit:

Le combattant du M23 est venu chez moi et m'a demandé où était mon mari. Puis il m'a mis un couteau contre la poitrine et a dit qu'il allait me tuer et que je devais lui donner de l'argent. 


Je lui ai dit que je n'avais pas d'argent, que mon mari l'avait pris en partant en patrouille. J'étais assise sur le lit avec mon enfant. Le soldat a lutté avec moi sur le lit. Il était plus fort que moi et il avait un fusil. Et il m'a violée.

Une femme hutue de 35 ans, violée par un combattant du M23 en juin près de Bunagana, a dit à Human Rights Watch:

Quand il a fini, il m'a laissée dans la forêt. Je tremblais et je me suis tournée vers le sol, en pleurant.… Celui qui m'a violée était un combattant du M23 que je connais. Je l'ai reconnu mais que puis-je faire contre lui? 


Recrutement forcé, notamment d'enfants, et enlèvements commis par le M23

Human Rights Watch a documenté des dizaines de cas de recrutement de force par le M23 depuis mars, y compris d'enfants. Le recrutement semble avoir augmenté au cours des derniers mois, à mesure que le M23 rencontrait des difficultés pour maintenir ses effectifs. 


Plus de 700 combattants et cadres politiques du M23 se sont réfugiés au Rwanda quand la faction du M23 dirigée par Bosco Ntaganda a subi une défaite en mars face à celle commandée par Sultani Makenga, environ 200 hommes du M23 ont péri dans les combats internes et dizaines d’autres ont déserté.

Depuis juin, la hiérarchie du M23 a tenu plusieurs réunions avec des chefs coutumiers et d'autres autorités locales pour demander leur aide dans le recrutement de nouveaux combattants. 


Début juin, le M23 a contraint des chefs coutumiers et de village à assister à un programme de formation militaire d'une semaine, prodigué par des officiers rwandais. Ils ont aussi reçu une « formation idéologique», qui incluait la vision du M23 pour s'emparer de la totalité de la RD Congo.

Les chefs ont été libérés mais sont censés constituer une partie d'une « force de réserve » à laquelle le M23 peut faire appel en cas de nécessité. Le M23 leur a ordonné de trouver des recrues dans leurs villages et de les envoyer au M23. 


Un responsable local qui a participé à la formation a indiqué à Human Rights Watch qu'on leur avait demandé de donner aux cadres du M23 les noms des jeunes de leurs villages qui avaient été démobilisés, afin que le M23 « puisse s'y rendre lui-même, trouver ces jeunes et s'assurer qu'ils rejoignent le mouvement.»

Le M23 a arrêté des civils hutus qu'ils accusaient de soutenir ou de collaborer avec les FDLR ou avec des milices hutues congolaises. Les combattants ont détenu, passé à tabac et fouetté ces civils, et en ont emmené beaucoup dans un camp militaire du M23, où ils ont subi un entraînement et été forcés de rejoindre le mouvement en tant que combattants.

Un élève d’école secondaire, âgé de 19 ans, a dit à Human Rights Watch qu'il avait été recruté de force par le M23 en mars, alors qu'il travaillait aux champs près de Kalengera, dans le territoire de Rutshuru:

J'ai vu des M23 arriver et m'encercler. Ils m'ont demandé si j'étais membre des FDLR et j'ai dit que non. Alors ils se sont mis à me frapper et à me fouetter. Ils m'ont ligoté et m'ont emmené à Rumangabo, où ils m'ont enfermé dans un cachot. 


Au bout de deux jours, ils m'ont détaché mais m'ont laissé dans le cachot pendant une semaine. Après quoi ils m'ont dit que j'allais devenir un combattant. Puis, ils ont commencé la formation militaire. Nous étions 80 à subir cet entraînement. 

La formation était dirigée par dix officiers venus du Rwanda. Ils nous ont dit que nous devions devenir des soldats afin de pouvoir combattre pour libérer Goma et ensuite toute la province du Sud Kivu.

Le 3 juin, le M23 a fait du porte à porte dans le quartier de Kachemu à Kiwanja, appréhendant environ 40 jeunes hommes et garçons qu'ils accusaient de collaborer avec une milice locale. Les combattants ont battu ces civils et les ont détenus dans un cachot à la base du M23 à Nyongera. 


Beaucoup d'entre eux avaient du mal à marcher le lendemain du fait de ces mauvais traitements. Environ la moitié de ces jeunes ont été libérés après que leurs familles eurent versé de l'argent aux gardes du M23; 20 d'entre eux ont été emmenés à Rumangabo pour y subir une formation de combattant.

Dans d'autres cas, les familles ignorent le sort de leurs proches qui ont été enlevés. En mars et en avril, par exemple, des combattants du M23 à Busanza ont enlevé quatre jeunes hommes qu'ils accusaient de collaborer avec une milice hutue congolaise. Depuis, leurs familles n'ont eu aucune nouvelle d'eux.

Des militaires de l'armée congolaise qui ont été capturés par le M23 ont décrit comment ils avaient été maltraités et torturés pendant leur détention. Un soldat, capturé par le M23 en décembre et qui s'est échappé début juillet, a affirmé que deux autres soldats congolais détenus avec lui avaient été battus à mort. 


Pendant trois jours, les rebelles ont frappé les prisonniers à coups de bâton et leur ont piétiné la poitrine, alors que leurs bras et leurs jambes étaient entravées. 

Pendant qu'ils les frappaient, les M23 leur demandaient des informations sur les lieux où l'armée congolaise cachait ses armes. Les deux hommes n'ont reçu aucun soin médical et sont morts en détention. 

Recrutement par le M23 au Rwanda et autres formes d'assistance rwandaise

Sur la base d'entretiens avec 31 anciens combattants du M23 qui ont déserté depuis la fin mars et avec de nombreux civils vivant des deux côtés de la frontière, Human Rights Watch a documenté le soutien militaire apporté par le Rwanda au M23. Ce soutien comprend la fourniture d'armes et de munitions. 


Des hommes armés en uniforme militaire ont fréquemment franchi la frontière du Rwanda pour se rendre en RD Congo et soutenir le M23; il pouvait s'agir de nouvelles recrues ou de militaires démobilisés à qui on avait donné des uniformes avant qu'ils ne pénètrent en RD Congo, ou de militaires de l'armée active rwandaise. 

Des officiers de l'armée rwandaise ont été vus dans des bases du M23, dirigeant les programmes de formation des nouvelles recrues, ou effectuant des opérations de recrutement pour le M23 au Rwanda.

Parmi les hommes recrutés au Rwanda et emmenés de l'autre côté de la frontière pour combattre dans les rangs du M23, figurent des militaires rwandais démobilisés et d'anciens combattants des FDLR qui font partie de la Force de réserve de l'armée rwandaise, ainsi que des civils, dont de jeunes garçons. 


Entre janvier et juin, les Casques bleus des Nations Unies ont démobilisé et rapatrié 56 anciens combattants du M23 qui affirmaient être de nationalité rwandaise. Mais des déserteurs du M23 interrogés par Human Rights Watch, ainsi que le Groupe d'experts de l'ONU sur la République démocratique du Congo, ont affirmé que des officiers de l'armée rwandaise avaient ramené de force des ressortissants rwandais qui avaient fui le M23 et essayaient de rentrer au Rwanda.

Human Rights Watch a documenté les cas de sept enfants rwandais, âgés de 15, 16 et 17 ans, qui ont été recrutés de force au Rwanda en mars et en avril, puis contraints de se battre dans les rangs du M23, avant de parvenir à s'échapper. Human Rights Watch a reçu des informations concernant d'autres enfants recrutés au Rwanda au cours de ces derniers mois et qui, eux, n'ont pas pu s'enfuir.

Un jeune Rwandais âgé de 15 ans a affirmé à Human Rights Watch qu'il avait été recruté de force dans son village du district de Nyabihu au Rwanda fin avril, en même temps que deux autres garçons et un jeune homme. Tous les quatre fabriquaient des briques lorsque deux hommes en civil sont venus leur offrir des emplois de gardiens de vaches en RD Congo. 


Ces deux hommes les ont emmenés à moto à la frontière congolaise, puis jusqu'à un camp militaire du M23. Ils ont été forcés de devenir des combattants et avertis qu'ils seraient tués s'ils refusaient ou s'ils tentaient de s'enfuir.

Le garçon de 15 ans a précisé que des officiers de l'armée rwandaise leur avaient fait suivre une formation militaire de 10 jours et que de nombreux autres Rwandais faisaient partie de son groupe de 58 nouvelles recrues. Il a ajouté que certaines de recrues rwandaises ont essayé de s'enfuir mais ont été rattrapées et ramenées au camp.

Un officier congolais du M23 qui a déserté fin mai a dit à Human Rights Watch que pendant tout le temps qu'il avait passé au sein du M23, de novembre à mai, des soldats et des recrues arrivaient du Rwanda régulièrement. Il a précisé que les soldats allaient et venaient lors d’opérations de relève. 


En revanche, les recrues devaient suivre une formation militaire et étaient contraints de rester en RD Congo. Beaucoup ont tenté de fuir et de retourner au Rwanda, selon lui, mais plusieurs d'entre eux ont été capturés dès leur passage au Rwanda et ramenés au M23.

Un déserteur a indiqué à Human Rights Watch qu'un militaire rwandais appartenant à son unité lui avait dit en avril qu'il était un soldat démobilisé et qu'il était venu combattre en RD Congo afin de pouvoir monter en grade dans l'armée rwandaise à son retour. Il a ajouté que deux autres Rwandais de son unité s'étaient enfuis au Rwanda en mars, mais avaient été à nouveau recrutés et ramenés au M23. 


Un ancien officier du M23 a indiqué que deux Rwandais de son unité s'étaient enfuis à la mi-avril. Peu après leur arrivée au Rwanda, selon l'ancien officier, les autorités locales ont informé des responsables des services de renseignement militaire, qui ont ramené les deux hommes au M23. Ils ont été détenus par le M23 pendant une semaine, puis redéployés.

Des déserteurs du M23, ainsi que des villageois rwandais, ont déclaré que des militaires rwandais et de nouvelles recrues franchissaient souvent la frontière à pied de nuit, empruntant des sentiers isolés à travers le Parc national des Virunga.

Deux anciens officiers du M23 ont affirmé à Human Rights Watch que certains des combattants rwandais de leurs unités leur avaient dit avoir fait partie des contingents fournis par le Rwanda aux opérations de maintien de la paix en Somalie ou au Darfour. 


Plusieurs déserteurs du M23 interrogés par Human Rights Watch, qui avaient fait partie d'anciens mouvements rebelles soutenus par le Rwanda, ont affirmé avoir reconnu des officiers de l'armée rwandaise grâce à leur propre expérience au sein de cette armée.

Un Congolais originaire de Ntamugenga a été recruté de force en mai et contraint de suivre une formation militaire. « Dans notre groupe, nous étions 107 à suivre des formations », a-t-il dit. 


« La plupart des autres étaient des Rwandais. Ils m'ont dit qu'ils avaient été trompés et qu'on leur avait promis de l'argent s'ils venaient au Congo. Beaucoup étaient des enfants. Les officiers venus du Rwanda nous dispensaient la formation et ils nous ont dit eux-mêmes qu'ils vivaient au Rwanda. [Après la formation], il y avait des militaires rwandais démobilisés et quelques anciens des FDLR dans mon groupe.»

Plusieurs déserteurs du M23 qui se sont enfuis depuis la fin mai ont décrit à Human Rights Watch la différence de traitement entre entre les Rwandais et les Congolais au sein du mouvement rebelle. L'un d'eux a déclaré:

Les Rwandais sont favorisés. On leur donne des uniformes immédiatement, des couvertures et des bottes. Ils sont gâtés. Quand ils parlent, c'est comme s'ils étaient les patrons du mouvement. 


J'ai ressenti cette menace. [Ils] me traitaient de vaurien. Ils disaient: « Tu n'as aucune valeur dans ton pays.» Ils m'insultaient avec des mots qu'on ne peut prononcer trop fort. Ils disaient: « Vous les Congolais, vous avez peut-être fait des études mais vous n'avez jamais combattu au front.»

Des déserteurs du M23 ont décrit des livraisons d'armes, de munitions, de vivres, d’unités de communication téléphonique et d'autres fournitures en provenance du Rwanda. 


Un ancien officier a indiqué que les femmes des officiers rwandais venaient souvent leur rendre visite dans les zones tenues par le M23 en RD Congo, apportant des lettres de membres de leur famille restés au Rwanda.

Tous les déserteurs du M23 interrogés par Human Rights Watch ont affirmé que la présence de militaires, d'officiers et de formateurs rwandais s'étaient poursuivie pendant toute la durée de leur engagement au sein du mouvement, et que de nouveaux renforts – souvent déjà munis de divers équipements, notamment militaires – continuaient d'arriver du Rwanda au cours des derniers mois.

Trois anciens officiers du M23, proches de la hiérarchie du mouvement, ont indiqué à Human Rights Watch que les plus hauts commandants militaires du M23 s'entretenaient au téléphone et rencontraient régulièrement des officiers supérieurs de l'armée rwandaise, au moins jusque fin mai ou début juin, date de la désertion des trois officiers. 


Parfois, des officiers rwandais venaient à Tshanzu ou à Rumangabo pour rencontrer les chefs du M23, parfois c'étaient les dirigeants du M23 qui se rendaient au Rwanda pour des réunions.
Soutien du Rwanda aux opérations militaires du M23

Des déserteurs du M23 et des civils habitant près de la frontière rwando-congolaise ont fait état d'un accroissement de l'appui apporté par le Rwanda au M23 ayant coïncidé avec trois périodes récentes de violents combats – pendant des combats internes entre deux factions du M23 en mars; pendant des affrontements entre le M23 et l'armée congolaise près de Mutaho à la fin mai; et avant les combats de la mi-juillet au nord de Goma.

Après la scission du M23 en deux factions, les autorités rwandaises ont soutenu la faction commandée par Sultani Makenga contre celle de Bosco Ntaganda. 


Un ancien officier du M23 appartenant à la faction Makenga a déclaré à Human Rights Watch: « Le Rwanda nous a sauvés et c'est grâce à son soutien que nous avons pu battre le groupe de Ntaganda. Ils nous a envoyé des munitions et des troupes bien armées.»

Un jeune Congolais a indiqué à Human Rights Watch que plusieurs jours avant que des combats n'éclatent près de Mutaho fin mai, des combattants du M23 l'avaient enlevé dans le groupement de Kibumba à la mi-mai. 


Ils l'avaient emmené de l'autre côté de la frontière, au Rwanda, où ils avaient rencontré un groupe de militaires rwandais. Avec d'autres qui l'accompagnaient, il avait alors été forcé de porter des bidons de lait et des caisses de munitions et de repartir à pied en RD Congo en compagnie des soldats et des combattants rebelles.

Un étudiant congolais âgé de 19 ans, recruté de force par le M23 en mars, a indiqué à Human Rights Watch qu'en compagnie d'autres combattants du M23, il avait été emmené au Rwanda à la mi-mai pour prendre livraison d'armes et de munitions et les rapporter au M23 en RD Congo. 


Ils ont franchi la frontière du Rwanda à Gasizi et le lendemain matin, ils ont rapporté les armes et les munitions à Kibumba, en RD Congo. « Les armes étaient arrivées dans deux camions», a-t-il dit. 

« Nous avons déchargé de petites bombes, des mitrailleuses, des cartouches et des lance-roquettes. D'autres Rwandais se sont joints à nous [à Gasizi] pour nous aider à porter les armes à Kibumba.»

De nombreux habitants de la région, qui se trouvaient à proximité de la frontière entre le 19 et le 23 mai, ont affirmé à Human Rights Watch avoir vu des groupes d'hommes armés en uniforme traverser la frontière du Rwanda vers la RD Congo, notamment à Kasizi, à Kabuhanga, et sur la colline de Hehu.

Le 20 mai, par exemple, un enseignant de Kasizi, qui habite près de la frontière, a vu trois camions arriver vers 17h00. De nombreux hommes armés portant des uniformes militaires rwandais, sur lesquels figurait le drapeau rwandais, sont descendus des camions et ont franchi la frontière vers la RD Congo à pied, à travers la forêt, juste à côté du point de passage frontalier officiel.

Un résident a déclaré à Human Rights Watch avoir vu, le 21 mai vers 11h00, au moins plusieurs dizaines de soldats vêtus d’uniformes sur lesquels le drapeau rwandais était visible au niveau de l’épaule, au marché de Ruhunda à Kibumba en RD Congo, marchant en file indienne. 


Ils étaient armés et certains portaient des caisses. Certains, qui semblaient être de rang supérieur, étaient munis de walkie-talkies.

Human Rights Watch a également recueilli des informations concernant une augmentation des mouvements d'hommes armés du Rwanda vers la RD Congo pendant les jours ayant précédé les combats qui ont éclaté le 14 juillet.

Un paysan a dit à Human Rights Watch qu'au soir du 10 juillet, alors qu'il rendait visite à un parent qui habite près de la frontière rwandaise dans le groupement de Kibumba, il a entendu des moteurs de véhicules, a regardé par la fenêtre et a vu des hommes armés en uniforme venant de la frontière et se rendant vers Kibumba. Certains étaient à pied, d'autres à bord de véhicules.

Un paysan vivant du côté rwandais de la frontière a déclaré avoir observé entre le 7 et le 11 juillet, toujours dans la soirée, des mouvements de camions similaires amenant des militaires vers la position de l'armée rwandaise à Njerima. 


Les hommes descendaient des camions à la frontière et passaient en RD Congo à pied.

Un autre civil rwandais habitant près de la frontière, dans le secteur de Rubavu, a raconté à Human Rights Watch que des officiers de l'armée rwandaise l'avaient convoqué, ainsi que d'autres riverains, à une réunion début juillet. 


Un capitaine de l'armée rwandaise qui présidait la réunion a affirmé aux personnes présentes que les FDLR se trouvaient à proximité de la frontière. 

« Au lieu de laisser la guerre venir au Rwanda, nous allons la porter de l'autre côté», a-t-il dit.

Quatre jours plus tard, le même civil rwandais a vu des centaines de militaires rwandais franchir la frontière vers la RD Congo, lourdement armés. 


« Certains avaient des armes lourdes, qui se démontent et nécessitent trois hommes pour porter toutes les pièces», a-t-il dit. 

« D'autres portaient des mortiers. La plupart étaient à pied mais ils ont aussi utilisé deux camions recouverts de bâches.»

Cet homme a affirmé avoir vu un autre mouvement important de troupes rwandaises franchir la frontière de la RD Congo le 8 juillet, une semaine avant que n'éclatent des affrontements entre le M23 et l'armée congolaise. Au cours de la semaine suivante, il a vu des groupes plus réduits de militaires passer en territoire congolais.

Un paysan rwandais vivant près du village de Kabuhanga a affirmé avoir vu des groupes de plusieurs dizaines de militaires rwandais pénétrer en territoire congolais entre le 20 et le 30 juin. Il a aussi vu un groupe plus nombreux passer le 12 juillet, deux jours avant le début des combats.

[Pascal Debré Mpoko et HRW]

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