Il est des mauvaises habitudes qui ont la vie dure. En Italie, on n’est pas habitué à avoir des représentants de couleur. La ministre de l’Intégration Cécile Kyenge, en fonction depuis quatre mois, est maintenant habituée du fait.

Dès sa prise de fonction, elle a été victime d’insultes racistes d’un autre âge, et ce tant de la rue que de la classe politique.

Dernièrement, des militants d’extrême droite (le parti « Fuerza Nuova », « Force nouvelle »), lui ont jeté des bananes alors qu’elle donnait un discours à Cervia, dans le centre de l’Italie.

Des projets de réformes qui font polémique 

 

C’est que Cécile Kyenge, (qui est née en République démocratique du Congo) en plus d’être noire, a des idées bien précises :  

1. elle veut abolir le délit d’immigration clandestine voté en 2009 par le gouvernement Berlusconi (qui prévoit une amende de 5000 à 10.000 euros) ;  

2. introduire le « droit du sol » à la place du « droit du sang », c’est-à-dire accorder la nationalité italienne à toutes les personnes nées dans le pays (une idée partagée en France par… Jean-Luc Mélenchon). Et ça, ce n’est pas du goût de tout le monde, y compris au sein du gouvernement composé d’une grande coalition qui va du centre-gauche à la droite berlusconienne.

L’ancien ministre de l’Intérieur et membre de la Ligue du Nord (populistes un temps acoquiné avec Berlusconi, aujourd’hui dans l’opposition) Roberto Maroni a ainsi commenté ces deux projets de réformes : « Le droit du sol ne passera jamais. Il n’y pas de majorité pour cela au Parlement et un tel projet pourrait faire sauter le gouvernement ». Quant à l’abolition du délit de clandestinité, « c’est un message dangereux dressé au candidat à l’immigration et aux trafiquants qui pourrait leur faire penser qu’il y a aurait désormais en Italie un climat plus favorable ».

Comme si la tâche n’était pas suffisamment difficile, à peine entrée en fonction que la nouvelle ministre de l’Intégration devait faire face à une série de meurtres commis par un immigré clandestin ghanéen de 21 ans qui a attaqué plusieurs personnes dans la rue à coups de pioches, tuant trois personnes, avec pour seule explication qu’il avait « entendu des voix qui lui disaient des choses méchantes ».
 

« Orang-outan » 

 

Régulièrement, elle reçoit des injures invectivant de « rentrer chez elle ». Il y a deux semaines, le vice-président du Sénat et membre de la Ligue du Nord Roberto Calderoli, avait comparé la jeune femme à un « orang-outan ».

Ce week-end, à Cervia, les militants de « Fuerza Nuostra », en plus de jeter des bananes vers l’estrade, ont également déposé des mannequins couverts de sang factice avec un tract affirmant « l’immigration tue ».
 
Seule consolation, elle a reçu l’appui du footballeur de l’AC Milan Mario Balotelli, premier noir à porter la vareuse de la Squadra Azzura, qui a connu les mêmes difficultés avant de devenir la coqueluche des supporters durant l’Euro 2012.

Calme et têtue, selon ceux qui la côtoient, la ministre n’a pour l’instant réagit à ces injures qu’en répétant que « l’Italie n’est pas raciste, il y a seulement un manque de connaissance de l’autre. Les insultes et menaces qui me visent à cause de ma position particulièrement exposée visent en réalité tous ceux qui refusent le racisme et une société non violente ».

Didier Zacharie
Le Soir