7 août 2013
On allait voir ce qu’on allait voir.
Brigade d'Intervention Africaine
Désireuse de créer une zone de sécurité autour de Goma, la Monusco, par la voix de son nouveau « force commander » le général brésilien Carlos Alberto Dos Santos Cruz avait donné 48 heures à tous les groupes armés pour qu’ils remettent leurs armes et se présentent dans des centres de démobilisation.
Le 1er août, la capitale du Nord Kivu aurait donc du être démilitarisée, et toute personne possédant encore une arme à feu s’exposait à être désarmée de force.
Censée s’étendre de Goma jusqu’à la ville voisine de Sake, la « zone de sécurité « devrait représenter un havre de paix pour un million de civils.
Même si, dans un premier temps en tous cas, les opérations de désarmement ne devaient pas s’étendre aux zones contrôlées par le mouvement rebelle M23, au grand dam de la société civile locale, des patrouilles de la Brigade d’intervention africaine et des Casques bleus avaient déjà repéré les caches d’armes et s’apprêtaient à les vider, de gré ou de force.
En réalité, six jours après l’expiration de l’ultimatum onusien, non seulement les habitants de Goma n’ont toujours rien vu, à part des Casques bleus en patrouille, mais le porte parole du M23, Bertrand Bisimwa, a menacé de reprendre la capitale du Nord Kivu que ses hommes avaient accepté d’évacuer en novembre dernier en échange de l’ouverture de négociations politiques à Kampala, la capitale ougandaise.
Tout indique que les ardeurs de la Monusco et de son nouveau chef le général Cruz ont été freinées par un ordre de « rétropédalage » venu de New York, émanant de l’envoyée spéciale pour les Grands Lacs Mary Robinson soutenue par le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon.
Les mêmes conseils de prudence et de recours à la solution politique ont été adressés à Kinshasa, dont les forces armées, dûment réorganisés et renforcées, avaient remporté ces dernières semaines de réels succès militaires.
Dans ce coup de frein, les observateurs locaux décèlent l’influence des deux voisins du Congo, l’Ouganda, dont le président Museveni tient à préserver son rôle de médiateur politique et le Rwanda, qui, désireux de protéger son poulain le M23, pèse de tout son poids de membre non permanent du Conseil de sécurité.
La recherche active de caches d’armes par des patrouilles onusiennes aurait non seulement sécurisé Goma, mais aussi permis aux forces gouvernementales de poursuivre la reconquête des positions encore occupées par une guérilla qui, voici quelques semaines encore, paraissait très affaiblie, tant par les désertions que par des pertes importantes.
Ces valses hésitations dans le chef de l’ONU provoquent l’exaspération croissante de la société civile et la fureur de certains citadins : des pierres ont été jetées sur des jeeps transportant des Casques bleus et la société civile locale a elle-même émis un ultimatum, donnant huit jours aux « soldats de la paix » et à la Brigade d’intervention africaine, pour entamer les opérations de désarmement du M23.
Même s’il est affaibli, le M23 en effet demeure structuré et organisé et il bénéficie toujours d’appuis venus du Rwanda, largement détaillés par le dernier rapport de Human Rights Watch.
De ce fait, les rebelles tutsis, qui ont commis de nombreuses exactions dans les zones qu’ils contrôlent, sont toujours considérés par les habitants de Goma comme l’ « ennemi principal », alors que, dans les négociations politiques, à tous les niveaux, Kigali et ses alliés ne cessent de souligner qu’à leurs yeux, la neutralisation des rebelles hutus FDLR représente une priorité.
Malgré les prises de position énergiques du général Cruz, le doute saisit à nouveau les habitants de Goma : ils constatent que seule sera « sanctuarisée » la zone contrôlée par les forces gouvernementales, alors que plus de vingt groupes armés sévissent dans la province, ils se demandent quand sera opérationnelle la Brigade d’intervention africaine de 3000 hommes, dont le contingent d’ un millier d’hommes venu du Malawi se fait toujours attendre, ils ont le sentiment qu’une fois de plus, les militaires du terrain auront les mains liées par des ordres politiques venus de New York…
Ce scepticisme est dangereux, il a déjà mené à des attaques dirigées vers des jeeps de l’ONU et il pourrait inspirer des actions plus violentes encore.
Des organisations de la société civile assurent que «l’impatience de la population risque de prendre une tournure imprévisible dont les Nations unies partageront la responsabilité. »
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Le carnet de Colette Braeckman
On allait voir ce qu’on allait voir.
Brigade d'Intervention Africaine
Désireuse de créer une zone de sécurité autour de Goma, la Monusco, par la voix de son nouveau « force commander » le général brésilien Carlos Alberto Dos Santos Cruz avait donné 48 heures à tous les groupes armés pour qu’ils remettent leurs armes et se présentent dans des centres de démobilisation.
Le 1er août, la capitale du Nord Kivu aurait donc du être démilitarisée, et toute personne possédant encore une arme à feu s’exposait à être désarmée de force.
Censée s’étendre de Goma jusqu’à la ville voisine de Sake, la « zone de sécurité « devrait représenter un havre de paix pour un million de civils.
Même si, dans un premier temps en tous cas, les opérations de désarmement ne devaient pas s’étendre aux zones contrôlées par le mouvement rebelle M23, au grand dam de la société civile locale, des patrouilles de la Brigade d’intervention africaine et des Casques bleus avaient déjà repéré les caches d’armes et s’apprêtaient à les vider, de gré ou de force.
En réalité, six jours après l’expiration de l’ultimatum onusien, non seulement les habitants de Goma n’ont toujours rien vu, à part des Casques bleus en patrouille, mais le porte parole du M23, Bertrand Bisimwa, a menacé de reprendre la capitale du Nord Kivu que ses hommes avaient accepté d’évacuer en novembre dernier en échange de l’ouverture de négociations politiques à Kampala, la capitale ougandaise.
Tout indique que les ardeurs de la Monusco et de son nouveau chef le général Cruz ont été freinées par un ordre de « rétropédalage » venu de New York, émanant de l’envoyée spéciale pour les Grands Lacs Mary Robinson soutenue par le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon.
Les mêmes conseils de prudence et de recours à la solution politique ont été adressés à Kinshasa, dont les forces armées, dûment réorganisés et renforcées, avaient remporté ces dernières semaines de réels succès militaires.
Dans ce coup de frein, les observateurs locaux décèlent l’influence des deux voisins du Congo, l’Ouganda, dont le président Museveni tient à préserver son rôle de médiateur politique et le Rwanda, qui, désireux de protéger son poulain le M23, pèse de tout son poids de membre non permanent du Conseil de sécurité.
La recherche active de caches d’armes par des patrouilles onusiennes aurait non seulement sécurisé Goma, mais aussi permis aux forces gouvernementales de poursuivre la reconquête des positions encore occupées par une guérilla qui, voici quelques semaines encore, paraissait très affaiblie, tant par les désertions que par des pertes importantes.
Ces valses hésitations dans le chef de l’ONU provoquent l’exaspération croissante de la société civile et la fureur de certains citadins : des pierres ont été jetées sur des jeeps transportant des Casques bleus et la société civile locale a elle-même émis un ultimatum, donnant huit jours aux « soldats de la paix » et à la Brigade d’intervention africaine, pour entamer les opérations de désarmement du M23.
Même s’il est affaibli, le M23 en effet demeure structuré et organisé et il bénéficie toujours d’appuis venus du Rwanda, largement détaillés par le dernier rapport de Human Rights Watch.
De ce fait, les rebelles tutsis, qui ont commis de nombreuses exactions dans les zones qu’ils contrôlent, sont toujours considérés par les habitants de Goma comme l’ « ennemi principal », alors que, dans les négociations politiques, à tous les niveaux, Kigali et ses alliés ne cessent de souligner qu’à leurs yeux, la neutralisation des rebelles hutus FDLR représente une priorité.
Malgré les prises de position énergiques du général Cruz, le doute saisit à nouveau les habitants de Goma : ils constatent que seule sera « sanctuarisée » la zone contrôlée par les forces gouvernementales, alors que plus de vingt groupes armés sévissent dans la province, ils se demandent quand sera opérationnelle la Brigade d’intervention africaine de 3000 hommes, dont le contingent d’ un millier d’hommes venu du Malawi se fait toujours attendre, ils ont le sentiment qu’une fois de plus, les militaires du terrain auront les mains liées par des ordres politiques venus de New York…
Ce scepticisme est dangereux, il a déjà mené à des attaques dirigées vers des jeeps de l’ONU et il pourrait inspirer des actions plus violentes encore.
Des organisations de la société civile assurent que «l’impatience de la population risque de prendre une tournure imprévisible dont les Nations unies partageront la responsabilité. »
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Le carnet de Colette Braeckman
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