jeudi 29 août 2013

RD Congo : Où est passé le Président Kabila ?

Des obus tombent sur la ville et tuent des civils congolais

Le pays est attaqué. 


La population ramasse les corps des victimes et s’active pour secourir les blessés. 

L’armée nationale tente de contenir l’avancée des agresseurs. Des soldats blessés arrivent de la ligne de front et affluent dans les hôpitaux. Des civils blessés dans la ville par les éclats d’obus affluent également. 

Les familles sont affolées, les magasins ferment, la vie économique est paralysée. 

La patrie est en danger ! 

Le Rwanda et l’Ouganda veulent mettre le Congo à genou et obliger ses dirigeants à se soumettre aux humiliantes négociations de Kampala en vue de la balkanisation du pays

La population est hostile à ces négociations quel que soit le prix à payer. On s’attend à une vigoureuse réaction nationale, le Président de la République en première ligne
 
Un Président s’occupe de son peuple !

C’est le moment où le Chef de l’Etat se révèle en commandant en chef menant son peuple à la victoire sur l’ennemi. Finies les tâches administratives à la présidence et les protocoles diplomatiques. 


Le Président revêt les habits du commandant suprême des Forces armées (article 83 de la Constitution de la République Démocratique du Congo). 

Le Président doit passer à la télé et adresser un message solennel à la nation. Le peuple, angoissé, doit revoir son Président le plus souvent possible pour être rassuré sur l’Etat de la nation et le déroulement des opérations militaires. 

Le gouvernement met tout en œuvre pour renseigner les familles sur la situation des « compatriotes » vivant dans la région affectée par le conflit.

On doit revoir le Président parcourant les villes et les provinces pour mobiliser la nation. Ses ministres sont sur le terrain pour rassurer la population et coordonner l’effort de guerre et les dons en signe de solidarité pour les « compatriotes » affectés par le conflit. 


C’est le moment par excellence où la nation se galvanise et brille d’imagination en matière de solidarité et de passion nationale, réveillée par le Premier citoyen du pays, le Président de la République.

On donne du sang pour les hôpitaux accueillant les victimes. Le Président parcoure les allées des hôpitaux pour réconforter les blessés. Il reçoit les familles des victimes et promet l’enfer à ceux qui ont osé toucher à « son pays » et à « son peuple ».

Il se dirige vers la ligne de front, rassemble les soldats et booste le moral des troupes. Il a enfilé le treillis militaire des officiers avec son nom marqué dessus en gras. Il déjeune dans les camps avec ses soldats et rassure les plus jeunes d’entre eux. 


« Vous êtes les héros du Congo. Le peuple vous soutient à 100 % ».

Le peuple est rassuré. Les soldats ont le moral haut. L’ennemi n’a qu’à bien se tenir.

Un peuple seul, avec ses soldats

On est là dans un pays, disons… à peu près normal. En République Démocratique du Congo, il ne se passe rien de tout cela. 


Le Président sortant de la RDC, "joseph Kabila"

Le Président n’a pas dit un mot sur les attaques aux obus contre la population de Goma. Il n’y a aucune mobilisation nationale pour les « victimes congolaises » de Goma. Les blessés sont soignés grâce à l’aide des organisations humanitaires étrangères. Les dons de sang, l’effort de guerre,… rien.

A Kinshasa, le Président et « ses politiciens » papotent. Ils parlent des concertations nationales et concoctent un prochain gouvernement dans lequel « tous » rêvent de faire fortune.

Sur le front, la population du Nord-Kivu découvre, pour la première fois, des soldats congolais exceptionnels. Sous le commandement d’un certain colonel Mamadou Ndala, on découvre des soldats congolais disciplinés, combattifs, qui ne pillent pas et ne violent pas. 


Le moment clé pour déclencher le mouvement patriotique d’une nation soudée derrière ses soldats. On a rarement vu des soldats pareils au Congo. Mais tout le monde commence à s’inquiéter sur leur sort. 

Parce qu’ils sont juste laissés là et ne reçoivent pas les ordres pour aller chasser l’ennemi. Les combattants rwandais en profitent et sont en train de reprendre du poil de la bête[1].

Le Président n’a pas mis le pied dans la province, pourtant stratégique, du Nord-Kivu depuis avril 2012. Une éternité pour un peuple et une armée en guerre. 


Le Président Bush effectua plusieurs visites en Irak et en Afghanistan. Il en va du moral des troupes. Barack Obama visita l’Afghanistan avant même d’être élu Président. On l’a vu jouer au basket et déjeuner avec les soldats pour les rassurer. Le Président Hollande s’est dépêché au Mali aussi vite qu’il a pu pour remonter le moral des soldats français.

Au Congo, rien… La population locale et peut-être même les soldats engagés en première ligne ne se font plus d’illusion. Le Président n’est pas là. 


Aux côtés des blessés dans les hôpitaux ou des familles des victimes ? Non plus. Le pays est en guerre mais le Président est absent de là où il devrait se trouver.

Alors, à Goma, on manifeste dans les rues en transportant les corps des victimes. 



Les Congolais ne manifestent pas contre le ministre de l’intérieur et le ministre de la défense qui n’auraient pas pris les mesures qui s’imposaient pour prévenir les bombardements du M23. 

C’est quoi déjà le nom du ministre congolais de la défense ?...

Le peuple de l’ONU

Les Congolais ne manifestent pas non plus contre leur Président. Il n’est pas là. Plus grave, ils ne manifestent même pas contre l’Etat congolais. Ils manifestent contre l’ONU. On n’a jamais vu ça.

Un peuple manifeste contre l’Organisation des nations Unies, parce que les casques bleus de l’ONU ne l’auraient pas assez protégé. Le peuple congolais devient probablement le premier peuple à effectuer son entrée, sans formalité, dans le monde de la « gouvernance mondiale ».

Certains théoriciens avaient annoncé que les Etats disparaîtraient un jour au profit d’une seule autorité mondiale exerçant des pouvoirs régaliens sur l’ensemble des peuples de la planète. Les Congolais sont peut-être en avance sur le temps.

Alors les casques bleus « uruguayens » tirent dans le tas pour repousser les manifestants. C’est l’indignation dans la ville. Pas contre les autorités congolaises qui auraient déjà dû interpeler ces « Uruguayens » qui tuent des Congolais dans leur propre pays. 


Les soldats uruguayens en profitent pour nier toute responsabilité dans la mort des deux manifestants. Où sont les autorités de l’Etat congolais pour donner à leur population la version exacte de l’incident ? Nulle part. 

José Mujica, le Président uruguayen, en profite pour accuser, sans enquête ni preuve, la police congolaise. Le gouvernement congolais ne publie aucun démenti et laisse l’image de sa police nationale se faire salir par un dirigeant étranger.

Une fois de plus, les Congolais reprennent leur chemin de croix, seuls. Ils redescendent dans la rue pour manifester, non pas contre « leur » Etat en école buissonnière, mais contre le seul Etat qui leur reste, l’ONU.

Trop demander à l’ONU

Une mise au point devient nécessaire. Le Représentant de l’ONU au Congo, l’Allemand Matin Kobler, est obligé de faire ce qu’il ne croyait jamais devoir faire. Assumer les fonctions du Chef d’un Etat disparu.

Il doit rassurer la population en promettant que l’ennemi, même s’il a réussi à bombarder Goma, ne mettra jamais le pied dans la ville.  


Martin Kobler doit également monter au front pour remonter le moral des soldats congolais et des casques bleus engagés dans les combats contre le M23. Il revient à Goma et visite les hôpitaux où sont soignés les blessés. Des civils, des soldats congolais et les trois casques bleus.

Ouf ! Le peuple congolais tient enfin son Président venu tout droit d’Allemagne. Lui au moins se tient aux côté de la population en détresse et remonte le moral des troupes. Il visite les hôpitaux et s’assure que les blessés sont soignés.

Mais, hélas ! Martin Kobler ne peut pas être le Président de ce peuple-là, abandonné dans la savane africaine. Il n’est qu’un fonctionnaire de l’ONU. 


Il aime bien les Congolais, mais il ne peut pas être leur président. Il est obligé de leur dire la vérité tout de suite pour éviter de laisser prospérer des espoirs insensés.

La Mission des nations-Unies au Congo n’est pas venue s’occuper de tous les problèmes du Congo. La Monusco a pour mission d’appuyer l’Etat congolais dans ses missions de sécurisation du pays. 


« Appuyer », et que les choses soient claires. Autrement dit, s’il n’y a plus d’Etat congolais à « appuyer », les Onusiens restent les bras croisés, comme en novembre 2012. L’armée nationale avait abandonné la ville. Les autorités civiles aussi (gouverneur, maire,…). Il n’y avait donc plus d’Etat à appuyer. 

Le M23 s’installa dans la ville sous la barbe des casques bleus qui, naturellement, n’ont pas vocation à se substituer à l’Etat. A qui la faute ?

Tout ceci renvoie à la responsabilité des faiseurs des rois pour l’Afrique, tapis quelque part dans les salons huppés en Europe[2] et en Amérique. 


La prochaine fois que des personnalités comme Louis Michel[3] ou Javier Solana[4] envisageront de redistribuer les cartes en Afrique centrale et dans la région des Grands-Lacs, il faudra quand même se montrer un peu plus exigeant. 

Le Congo est trop important pour être délaissé dans un vide d’Etat aussi ahurissant.

Le pays a besoin d’un Président, un Président présent, un Président qui fait face aux défis et se tient fermement aux côtés de sa population, surtout en des moments difficiles. 


Qu’il puisse être, par ailleurs, un ami de la Belgique et des affairistes occidentaux[5], pourquoi pas. Mais un Président présent avant tout. Juste ce qu’il faut pour épargner à l’ONU des critiques souvent injustifiées.

On demande trop à la Mission de l’ONU au Congo et au « pauvre » Martin Kobler. Ce n’est pas lui le Président du Congo.

Mais où est donc passé le « Président » Kabila ?
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Boniface MUSAVULI

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[1] Jean-Jacques Wondo sur www.ingeta.com (http://www.ingeta.com/quand-le-m23-...)

[2] Pierre PEAN, Carnage - Les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique, Éditions Fayard, 2010, p. 418.

[3] Charles ONANA, Europe, Crimes et Censure au Congo - les documents qui accusent, Ed. Duboiris, 2012, pp. 180 et svts.

[4] Charles ONANA, op. cit. pp. 230 et svts.

[5] http://www.forbes.com/profile/dan-g...

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