Des femmes seins nus éplorées face à des douaniers et des policiers médusés.
Cette scène pour le moins étonnante s’est passée dans un marché de Bujumbura, la capitale du Burundi, où les forces de l’ordre intervenaient pour saisir des pagnes importés illégalement.
C’est en signe de protestation que les commerçantes ont ainsi décidé de se dévoiler.
Au Burundi, à l’instar d’autres pays d’Afrique, le pagne fait partie intégrante du patrimoine. Aujourd’hui, la plupart de ces pièces de tissu sont importées de République démocratique du Congo, pays limitrophe, car le prix y est moins élevé.
À Bujumbura, le pagne est vendu sur les marchés par les "mamans commerçantes" depuis plusieurs générations.
Mais vendredi 27 septembre, au marché Chez Siyoni, tous les stocks ont été mis sous scellé au motif que leurs propriétaires ne s’étaient pas acquittées des droits de douane, une taxe obligatoire sur tous les produits importés.
Les vendeuses de pagnes sont allées jusqu'à dévoiler leur poitrine pour crier leur désespoir. Photo prise par Iwacu.
"La vente de pagnes est notre unique moyen de survie"
Maman Yvette est vendeuse de pagnes au marché Chez Siyoni. Elle vit à Bujumbura.
Les douaniers de l’OBR sont venus accompagnés de policiers et ont fait fermer tous les stands du marché. Cette décision nous a terrassées car la vente de pagnes est notre unique moyen de survie.
C’est en désespoir de cause que nous avons montré nos poitrines, on ne savait sur le moment plus quoi faire pour les dissuader de saisir nos marchandises.
2013 est pour nous l’année de tous les malheurs. Le 27 janvier, un incendie s’est déclaré dans le marché central de Bujumbura. Les stands et une grande partie de nos stocks sont partis en fumée, ce qui a mis en extrême difficulté des milliers de commerçants.
Certaines "mamans" ont alors déménagé au marché Chez Siyoni, un marché privé [le marché central était municipal] où la location d’un stand est beaucoup plus élevée. Tous les mois, je paye 50 000 FBU [environ 24 euros] contre 15 000 FBU au marché central.
Mais depuis le 27 septembre et l’intervention des douaniers, nous sommes dans la rue et nous ne savons plus quoi faire. C’est la première fois qu’une telle saisie a lieu, je n’avais jamais vu ça. Qu’allons-nous devenir maintenant ?
Au Burundi, les pagnes sont surtaxés. L’État a augmenté la taxe sur ce produit de 70% [entrée en vigueur le 1er juillet 2013 d’après l’OBR], ce n’est plus tenable. Et cela ne peut qu’encourager la fraude.
Aujourd’hui, nous demandons à l’OBR de s’asseoir autour de la table des négociations afin de s’entendre sur une taxe qui convienne financièrement à tout le monde.
Contacté par FRANCE 24, un responsable de l’Office burundais des recettes (OBR, les douanes burundaises) précise que cette opération "a été menée dans le cadre de la lutte contre la fraude.
Tout officier de douane peut, selon la loi, procéder à une perquisition de lieu dès lors qu’il a des renseignements sérieux sur l’existence de marchandises frauduleuses.
Il se trouve qu’au Burundi, les déclarations de pagnes sont inexistantes alors que les marchés en regorgent et que c’est l’un des produits les plus vendus. Étonnant, n’est-ce pas ?"
Et d’ajouter : "La taxe sur les pagnes est là pour favoriser le tissu économique local. Étant donné qu’il s’agit d’une marchandise massivement importée, on la taxe plus qu’une autre."
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Grégoire Remund, journaliste à France 24.
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