"Joseph Kabila" à Kampala en compagnie de ses parrains ougandais et rwandais. Photo Reuters
Aubin Minaku - qui est non seulement le président de l’Assemblée nationale congolaise mais aussi le secrétaire général du cartel dit "majorité présidentielle" - serait-il un "parfait naïf" ou cherche-t-il à anesthésier l’opinion congolaise?
Une opinion qui ne dissimule plus sa soif inextinguible du Changement face à un pouvoir inefficace. Un pouvoir violent et brutal, incapable d’améliorer les conditions sociales de la population en proposant un autre avenir à celle-ci.
Dans l’interview qu’il a accordée à Radio France internationale, vendredi 11 octobre, Minaku a déclaré avec aplomb que "Joseph Kabila" "partira" à l’issue de l’élection présidentielle de 2016.
Et d’expliquer avec candeur que "selon la Constitution congolaise, une institution libère les fonctions quand il y a un autre qui a été élu de façon démocratique".
"Le jour où on organisera les élections présidentielles dans cette République, et que ce sera gagné par quelqu’un d’autre, celui-là remplacera Kabila". On doit se pincer pour ne pas s’esclaffer face à des propos qui ne sont rien moins que des élucubrations. Des rêveries.
En réalité, "Joseph Kabila" et ses "services d’études stratégiques" sont occupés actuellement à imaginer des stratagèmes. Il s’agit, pour eux, d’amener la population congolaise à avaler la pilule.
Celle-ci n’est rien d’autre que le maintien de l’actuel locataire du Palais de la Nation à la tête de l’Etat au-delà de 2016.
Comme par enchantement, le gouvernement a compris (enfin) la nécessité de démarrer les opérations de recensement général de la population avant de lancer les prochaines élections.
Quatre-vingt véhicules 4X4 ont été mis à la disposition du BCR (Bureau central de renseignement). Innovation : les prochaines élections générales débuteront au niveau local et provincial. En 2006 et 2011, c’était le contraire. L’élection présidentielle et les législatives venaient en tête. Tiens! Tiens!
Comme par enchantement également, le très "sectaire" "Joseph Kabila" se découvre la vocation de "rassembleur". Après une douzaine d’années d’exercice du pouvoir, il a réalisé la nécessité de gouverner le pays au "centre".
Dans son discours de clôture des travaux des "Concertations nationales", il a annoncé, à l’image de la cerise qu’on met sur le gâteau, "qu’il ne faut pas sacrifier les impératifs de la pacification et du développement accéléré du pays sur l’autel d’une orthodoxie démocratique qui voudrait que la majorité tienne la minorité éloignée de la gestion de la chose publique".
Il entend désormais œuvrer à "la conjugaison des efforts".
A la lumière de tous ces faits, il faut être un parfait nigaud pour croire sérieusement que "Joseph Kabila" pourrait quitter le pouvoir à la fin de la législature en cours (2011-2016) sans y être forcé. Pourquoi?
D’abord parce que la guerre dite de "libération" du 17 mai 1997 - que les Congolais célébraient chaque 17 mai - a été conçue par Yoweri Museveni et Paul Kagamé et exécutée essentiellement par des soldats venus de l’Ouganda et du Rwanda sous le commandement de James Kabarebe, alors colonel.
Ensuite, arrivés au sommet de l’Etat par la force des armes dans leurs pays respectifs, Museveni et Kagamé considèrent le pouvoir qu’ils détiennent comme un "butin de guerre".
Au motif qu’ils ont pris des risques personnels pour évincer les dictateurs qui étaient en place. Dans une interview accordée au quotidien français "Le Monde", en 2001, "Joseph Kabila" soulignait les risques qu’ils avaient pris en combattant Mobutu Sese Seko "les armes à la main".
Enfin, Museveni et Kagamé - qui demeurent les mentors de "Joseph Kabila" - n’ont jamais fait mystère de leur ambition d’installer un "régime ami" à Kinshasa. C’est-à-dire un pouvoir insusceptible de menacer la sécurité nationale tant de l’Ouganda que du Rwanda.
A voir le sourire que "Joseph" affiche à chaque rencontre avec ses deux "homologues", on peut gager que ceux-ci sont plutôt satisfaits du "travail" accompli par leur homme-lige. Leur fondé de pouvoir.
Les Congolais ont perdu de vue un des premiers actes barbares commis par les "libérateurs".
A savoir, l’envoi de plusieurs dizaines de milliers des soldats et officiers des Forces armées zaïroises à la Base de Kitona transformée en une sorte de camp de concentration.
Dieu seul sait le nombre des personnes ayant péri de maladie ou de malnutrition. Aujourd’hui encore, des milliers des militaires ex-Faz sont détenus, sans jugement, à la prison de Makala et à Buluo (Likasi). La volonté est claire : transformer l’ex-Zaïre en un Etat néant.
A Kigali, le président Paul Kagamé qui est à son second et dernier mandat reste évasif sur son avenir politique après 2017. "Le peuple rwandais tranchera", dit-il. A Kampala, le président Yoweri Museveni rêve de voir son fils Muhoozi Kainerugaba, né en 1974, promu général, lui succéder à la tête de l’Etat.
A Kinshasa, les "mauvaises langues" laissent entendre que "Joseph Kabila" et les "services d’études stratégiques" de la Présidence de la République déploieraient des talents d’imagination pour rester au pouvoir après 2016.
Au lieu de débiter des élucubrations, Aubin Minaku aurait dû commencer par interroger l’Histoire. Et se taire.
Il va sans dire que "Joseph Kabila" qui n’a jamais raté l’occasion d’ironiser, dans son proche entourage, sur la couardise et la vénalité des "Kongomani", entend rester au pouvoir aussi longtemps que ses "parrains" le lui demanderont.
L’homme ne se sent guère menacer par les forces de l’opposition. Ne veut-il pas partager son pouvoir pour faire taire les "big mouth".
Aux Congolais de choisir entre la résignation et cette phrase de Jean Jaurès: "Il ne peut y avoir révolution que là où il y a conscience".
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Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant
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