La semaine dernière, Paul Kagamé, président du Rwanda, a effectué une visite de quelques jours au Canada précisément à Toronto, au cours de laquelle il s’est entretenu avec les hommes d’affaires canadiens pour présenter les opportunités d’affaires dans son pays et avec la diaspora rwandaise pour commémorer le «Rwanda Day» au Park Downsview de Toronto.
Cette visite prévue de longue date, a non seulement été un non-événement sur le plan politique, mais s’est soldée par quelques échauffourées de la part des opposants rwandais établis au Canada et des Congolais d’origine qui accusent Paul Kagamé de soutenir les différents groupes rebelles qui commettent les crimes contres l’humanité et les crimes de guerre à l’Est du pays et d’entretenir la prédation des ressources minières congolaises.
Au cours de cette visite présidentielle, aucune autorité tant fédérale que provinciale du Canada n’a voulu s’afficher avec lui, arguant simplement qu’il s’agissait d’une visite privée.
Or, il est difficile d’établir qu’une visite d’un chef d’État est privée lorsque celui-ci rencontre publiquement les hommes d’affaires pour parler Business : «Business is business» dit-on.
En tant qu’analyste avisé de la situation politico-sécuritaire de la région des Grands lacs africains, nous pouvons, sans risque de nous tromper, faire un lien direct avec les différents rapports documentés par les experts des Nations Unies sur les violations graves des droits de la personne qui ont fait plus de 5 millions de morts et des centaines de milliers des femmes violées en RD Congo.
En effet, depuis la publication en août 2010 du rapport du projet « Mapping » du Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, qui a dressé un état des lieux sans complaisance des crimes et violations graves des droits de la personne et du droit international humanitaire commis entre mars 1993 et juin 2003 en RD Congo, très peu des chefs d’État occidentaux n’acceptent de s’afficher publiquement avec l’homme fort de Kigali.
Le deuxième rapport publié en juin 2012, avec force détails, par les experts des Nations Unies démontrant clairement l’implication et le soutien avéré du Rwanda aux rebelles du M23 en RD Congo, a été l’élément capital qui a suscité une levée de boucliers d’indignation de la part de la communauté internationale.
En juillet 2012, Washington, qui avait longtemps entretenu des relations privilégiées avec Paul Kagame, a décidé immédiatement de suspendre toute aide militaire au Rwanda en raison du soutien de celui-ci aux rebelles du M23.
La porte-parole du département d’État, Darby Holladay, déclarait : « Le gouvernement des États-Unis est gravement préoccupé par les preuves selon lesquelles le Rwanda est impliqué dans la fourniture d’un soutien aux rebelles congolais, dont le M23 ».
Le Pays-Bas et l’Allemagne ont également suspendu leur aide au développement évaluée respectivement à 6 millions US et 26 millions US, suite au rapport documenté des experts des Nations Unies qui mettaient en cause les autorités rwandaises pour leur soutien aux rebelles du M23.
En septembre, l’Union européenne a, à son tour, suspendu toute nouvelle aide au Rwanda en raison de son ingérence dans les affaires internes de la RD Congo.
En novembre 2012, La ministre de la coopération internationale de Grande Bretagne, Justine Greening, annonçait l’annulation de son aide budgétaire au Rwanda évaluée à 33 millions US, en affirmant les inquiétudes du gouvernement britannique suite aux rapports crédibles et irréfutables des experts des Nations Unies sur l’implication rwandaise aux côtés du M23.
La Belgique, ancienne puissance coloniale, a suspendu également sa coopération militaire avec le Rwanda. Le chef de la diplomatie belge, Didier Reynders, annonçait à l’agence Belga : «On ne va pas former des militaires qui pourraient contribuer à la déstabilisation de la RD Congo».
Il est important de noter que le budget national de ce petit pays d’Afrique centrale, qui n’a que très peu de ressources naturelles et dont l’agriculture traditionnelle occupe 90% de la population, est constitué à plus de 45% de l’aide provenant des donateurs occidentaux, dont le Canada. La suspension en cascade des aides extérieures a porté un coup dur aux différents projets qui assistent les paysans rwandais à sortir de la pauvreté.
Celui qui était longtemps considéré comme le champion de la bonne gouvernance en Afrique centrale, s’est avéré être le tortionnaire des droits fondamentaux de la personne.
Du coup, plus personne en Occident n’aimerait s’afficher publiquement avec lui.
Les visites du président Kagamé en Occident suscitent de plus en plus des manifestations des communautés africaines. On l’a vu également en mai dernier à Londres lors du «Rwanda Day ».
Cette tragique situation nous rappelle une autre, celle du feu président Mobutu du Zaïre (actuellement RD Congo), au pouvoir pendant 32 ans, qui était un grand ami de l’Occident pendant la période de la guerre froide et qui a été lâché suite aux prétendus «massacres» des étudiants sur le campus universitaire de Lubumbashi au Katanga.
Comme qui dirait, on a beau être ami, mais quand on excelle dans la violation des droits fondamentaux de la personne, plus personne n’accepterait ta compagnie.
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Isidore Kwandja Ngembo
© Congoindépendant
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