dimanche 13 octobre 2013

RDC : L'audit désastreux de l'aide européenne au Congo

Un rapport de la Cour des comptes épingle l'Union européenne (UE) pour la mauvaise gestion de son aide à la République démocratique du Congo. Sur les 1,9 milliards d'euros versés en 8 ans, l'audit dénonce une "évaporation des fonds" et des résultats "limités" sur le terrain.

 


Ce qui pourrait paraître une évidence ne l'est visiblement pas. L'évidence : le contrôle et la traçabilité des sommes versées par l'Union européenne (UE) à la République démocratique du Congo (RDC). 

Selon un rapport d'audit de la Cour des comptes européenne, l'Union européenne n'est pas très regardante sur le suivi des fonds d'aide à la RDC. 

Les conclusions sont cinglantes : "évaporation des aides financières" et "des progrès lents, variables et globalement limités". La Cour des comptes demande donc à l'UE de se montrer "plus exigeante envers la République démocratique du Congo" (l'audit est téléchargeable ici)

No control ?

Pendant 3 semaines les "auditeurs" de la Cour des comptes se sont rendus sur place, à Kinshasa, dans le Bas-Congo et à l'Est du pays. L'objectif était de vérifier sur le terrain les effets de l'aide européenne dans un pays "fragile", en guerre permanente depuis bientôt 20 ans. 


Une enquête un peu tardive lorsque l'on sait qu'entre 2003 et 2011, l'UE a versé 1,9 milliard d'euros... visiblement sans réel contrôle de la bonne utilisation des fonds. 

Si le rapport note la réussite de certains programmes, comme par exemple le premier recensement national de la police congolaise, il dénonce en revanche les résultats mitigés des autres aides à la RDC.

Des policiers évaporés !

La Cour des comptes s'est penchée sur l'aide financière aux deux processus électoraux de 2006 et 2011 : organisation de la présidentielle et des législatives, réforme de la police, de la justice, décentralisation... 


Sur ces soutiens financiers débloqués par l'Union européenne, l'audit est sans appel : "moins de la moitié des programmes examinés ont produit, ou sont susceptibles de produire la plupart des résultats escomptés". 

Plus inquiétant encore : "dans la plupart des cas, il est illusoire de penser que la durabilité sera assurée", remarque l'audit. En clair : l'aide ne s'inscrit pas dans la durée, ce qui rend inefficaces les sommes déjà dépensées… des aides à perte donc ! 

A titre d'exemple, l'audit pointe un programme de formation de 1.000 policiers, avant l'élection présidentielle de 2006. Après le scrutin, l'UE ne trouve "plus aucune trace" des policiers formés ! 

Pour les "auditeurs" de la Cour des comptes européennes, les causes sont multiples : mauvaise évaluation des risques, objectifs trop ambitieux, manque de coordination et surtout de "conditionnalité de l'aide" que l'Europe a attribué à la RDC.

Elections non crédibles

Ce qui étonne le plus dans l'audit de la Cour des comptes, c'est le manque de suivi des fonds engagés. Apparemment, entre 2003 et 2011, aucun mécanisme de contrôle n'a tiré la sonnette d'alarme pour rectifier le tir. 


L'UE peut donc financer 1,9 milliard d'euros d'aide pendant 8 ans sans en mesurer l'efficacité ? 

Rappelons que l'UE a également soutenu financièrement les élections chaotiques de 2011, jugées "non crédibles et entachées d'irrégularités" par une mission de l'Union européenne elle-même ! 

Etrange pour une institution aussi sérieuse. Pourquoi ne pas avoir conditionner son aide ?

Mieux vaut un peu, que pas du tout

Pour en comprendre les raisons, il faut lire les déclarations du commissaire à l'aide au développement, Andris Piebalgs, que le rapport égratigne. 


Pour lui, les "obstacles étaient sérieux" en RDC et "la mise en place d'une gouvernance dans ce pays était largement partie de zéro". Il y avait donc, selon le commissaire européen, des circonstance atténuantes. 

Quant au "conditionnement" du soutien financier conseillé par la Cour des comptes, Andris Piebalgs est plus clair : "la conditionnalité systématique pourrait être inefficace, voire contre-productive". On a donc compris que l'UE devait "composer" avec les autorités congolaises, dont le mode de gouvernance laisse encore à désirer. 

Une position singulière pour l'Europe qui défend la démocratie et les droits de l'homme, dans un pays qui peine à respecter l'une et l'autre. Le commissaire européen prône donc une politique des "petits pas" où il vaut mieux des élections "à moitié démocratique" que pas d'élections du tout. 

Alors, lorsque la Cour des comptes demande à l'UE "d'améliorer sa stratégie de coopération avec la RDC et de renforcer le recours à la conditionnalité et au dialogue politique"… on peut penser qu'il y a peu de chance que ses recommandations soient suivies. L'audit de la Cour des comptes européenne n'aura alors servi à rien.
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Christophe RIGAUD

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