lundi 14 juillet 2014

CPI : Que reste-t-il de l’affaire Bemba ?


La procureure près la CPI Fatou Bensouda

Six années après l’arrestation et le transfert du leader du MLC (Mouvement de libération du Congo), Jean-Pierre Bemba Gombo, à la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye, cette juridiction internationale - placée sous la tutelle du Conseil de sécurité de l’Onu – donne l’impression d’accomplir une «mission». 


Le bureau du procureur autant que les juges paraissent décidés non pas à faire éclater la vérité sur les événements survenus, entre 2002 et 2003, en Centrafrique, mais à faire expier des boucs émissaires. 

Lorsqu’on parcourt l’acte d’accusation transmis à la CPI, en avril 2005, par les autorités judiciaires centrafricaines, Bemba est présenté comme co-accusé. 

Le principal accusé n’était autre que l’ancien président Ange-Félix Patassé. Où sont passés les protagonistes centrafricains ? 

Pourquoi le Congolais est toujours poursuivi alors que François Bozizé et Ange-Félix Patassé s’étaient réconciliés, sous l’égide de la France de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy, passant ainsi par "pertes et profits" les faits reprochés à Bemba ? 

Il va sans dire que le dossier Bemba n’est plus aujourd’hui qu’une coquille vide. «Jean-Pierre» serait-il devenu le «prisonnier personnel» de la procureure Fatou Bensouda? Qui manipule cette dame ? Toute la question est là.

La CPI, la FIDH, l’AFP et RFI

Une parenthèse. En août 2009, la CPI donne un avis favorable - bien que conditionné - pour accorder la liberté provisoire à Jean-Pierre Bemba dont la famille vit pourtant en Belgique et les enfants scolarisés à Bruxelles. 


Le procureur d’alors Luis Moreno-Ocampo s’y était opposé arguant que le leader du MLC pourrait menacer certains témoins à charge. 

Cet avis a été appuyé par la FIDH (Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme). «La FIDH rappelle que la situation sur le terrain, tant en République Centrafricaine qu’en République démocratique du Congo, est très tendue, et que les témoins et victimes des crimes dont Jean-Pierre Bemba est accusé se trouvent dans une situation extrêmement précaire», pouvait-on lire dans un communiqué. 

«La FIDH craint que l’extrême vulnérabilité des acteurs sur le terrain ne soit aggravée par une éventuelle libération provisoire de Jean-Pierre Bemba.» 

Après le tir de barrage de la FIDH, l’Agence France Presse d’enchaîner en annonçant que les résidences des ministres ex-MLC José Endundo et Alexis Thambwe auraient été attaquées par des inconnus. 

Les assaillants auraient laissé un message accompagné d’une balle : «Si tu témoignes contre Jean-Pierre Bemba, tu mourras». Il semble que d’autres personnalités, transfuges du MLC, auraient reçu le même avertissement par texto. 

Il est assez étrange de constater la «collaboration» développée entre la CPI, la FIDH – très proche du Quai d’Orsay -, l’AFP et la Radio France Internationale. Ce dernier média a été le premier à annoncer la fameuse histoire des «pygmées mangés » par Bemba et ses hommes. Fermons la parenthèse.

Incohérence

Sur appel interjeté par le Bureau du procureur, la Cour pénale internationale a refusé, en ce mois de juillet 2014, d’accorder la liberté provisoire au député national Fidèle Babala Wando ainsi qu’aux avocats Aimé Kilolo-Musamba et Jean-Jacques Mangenda, membres de l’équipe de défense l’ancien vice-président de la République Jean-Pierre Bemba Gombo. Celui-ci se trouve en détention préventive depuis six ans.

Comme dans le cas de la liberté provisoire sollicitée par Bemba, les juges de la CPI n’ont pas fait preuve de «sophistication» dans la motivation de leur refus. Selon eux, la liberté provisoire à accorder à Fidèle Babala Wando «risquerait d’influer sur les témoins».

Etrangement, la CPI n’a pas eu les mêmes scrupules en donnant son
«onction» à l’expulsion et le renvoi au Congo de «Joseph Kabila» des trois témoins au procès de Mathieu Ngudjolo Chui et Germain Katanga. 


A savoir : Floribert Ndjabu, Pierre Célestin Mbodina et Manda Charif. Des témoins dont l’intégrité physique pourrait être menacée par le satrape congolais. Lors de leur audition, ces ex-miliciens ituriens avaient mis en cause le dictateur "Kabila" et ses soldats déployés dans le district de l’Ituri (Province Orientale).

Depuis quelques jours, Ndjabu, Mbodina et Charif sont détenus à la prison militaire de Ndolo. Où est la cohérence ? "Joseph Kabila" serait-il devenu un grand défenseur des droits de ses contradicteurs?

Le « duel à mort » Bemba-Bensouda

Entre la procureure Fatou Bensouda et Jean-Pierre Bemba Gombo, c’est le
«duel à mort». 


L’enjeu? Incapable de démontrer que Bemba continuait à exercer l’autorité hiérarchique sur ses combattants envoyés en Centrafrique, la procureure a fini par recourir à des moyens illégaux notamment en obtenant la mise à l’écoute des conversations entre le «chairman» et ses avocats. 

« Depuis 2008, le téléphone de Me Kilolo était sur écoute, s’enrage Me Guylain Mafuta Laman, conseil d’Aimé Kilolo. Grâce à ces écoutes, l’accusation a pu découvrir que les avocats de la défense avaient découvert que les « témoins à charge » avaient été corrompus». 

Corrompus par qui ? Par la procureure. 

Pour l’avocat Mafuta, la procureure s’est précipitée à mettre aux arrêts l’équipe de défense de Bemba juste pour empêcher celle-ci de l’accuser de «subornation des témoins». 

Une requête récusant la procureur était prête. « La procureure savait que Me Kilolo s’apprêtait à dénoncer le fait que des témoins à charge ont été soudoyés» souligne Mafuta.

Il n’est donc pas exagéré de clamer, comme l’a fait Maître Jean Flamme, conseil de Jean-Jacques Kabongo Mangenda, en disant au cours de l’audience de première comparution que Fatou Bensouda a désormais un intérêt personnel à la détention des membres de l’équipe de défense de Bemba. 


Ceux-ci sont devenus, en réalité, ses « adversaires ». Elle a intérêt à gagner.

Dans une tribune publiée dans le quotidien français «Libération», daté du 3 septembre 2008, le juriste français Claude Jorda, ancien président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et ancien juge à la CPI parlent de «dysfonctionnement» qui affecte cette juridiction internationale. 


Jorda de mettre en exergue la dépendance de la CPI à l’égard du Conseil de sécurité de l’Onu. Il cite en guise d’illustration le fait que la saisine de la CPI sur le Darfour (Soudan), ait été initiée par le Conseil de sécurité.

Faire passer la paix avant la justice

Dans un article intitulé «La France marchande l’inculpation d’Omar Al-Bachir», le quotidien français «Le Monde» daté du 20 septembre 2008, écrit, sous les plumes de Philippe Bolopion et Natalie Nougayrède, que la France, appuyée par le Royaume-Uni, envisageait de faire suspendre les poursuites de la Cour pénale internationale contre le président soudanais Omar Al Bachir. 


Motif invoqué par Paris : «Faire passer la paix avant la justice». Tiens! Tiens!

C’est un secret de Polichinelle que d’affirmer qu’en Centrafrique c’est encore la France – celle de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy – qui tirait les ficelles dans l’affaire Bemba. 


Les Etats ont des intérêts conjoncturels et des intérêts permanents. Chirac et Sarkozy ont incité les partisans de Bozizé et ceux de Patassé à se réconcilier faisant ainsi passer la paix avant la justice. 

C’est ainsi que le procureur Moreno-Ocampo avait annoncé urbi et orbi qu’il ne disposait pas d’éléments pour lancer des mandats d’arrêt à l’encontre de Patassé et compagnie. Bizarre. 

Question : Pourquoi les Congolais restent-ils poursuivis à La Haye alors que les Centrafricains ont tourné la page? Qui a intérêt à maintenir Bemba en détention ?

Depuis le renversement du régime de François Bozizé par les rebelles de la Séléka, la Centrafrique est à feu et à sang. Les chrétiens des anti-Balaka et les musulmans s’entretuent avec un «plaisir» morbide. 


Incapable de rétablir l’ordre public dans ce pays en proie à la folie collective, la « communauté internationale », représentée par l’Union africaine, examinerait très sérieusement de "faire passer la paix avant la justice" en incitant le gouvernement de Bangui à amnistier les criminels des deux camps.

Les chefs de ces milices pourraient se retrouver le 21 juillet prochain à Brazzaville. Objectif : «conclure la paix». Selon diverses sources, Levy Yaketé, coordonnateur des milices chrétiennes anti-Balaka, Noureddine Adam, ex-patron des services de sécurité sous le régime Séléka, seraient attendus au Congo d’en face. 


Et ce dépit du fait qu’ils ont été « sanctionnés » par le Conseil de sécurité. Ici encore, la France se trouve en première ligne.

Les « crimes contre l’humanité » que la procureure Fatou Bensouda tente désespérément d’imputer à Jean-Pierre Bemba seraient-ils pires que les tueries barbares qui se déroulent sous nos yeux tant à Bangui que dans l’arrière-pays ? 


Pourquoi maintient-on Bemba en détention alors que les politiciens centrafricains ont déjà "fait la paix" à la demande de la France? Peut-on franchement faire éclater la vérité dans l’affaire Bemba en l’absence des co-accusés centrafricains? Les Congolais seraient-ils devenus les nouveaux damnés de la terre?
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Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant

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