22 octobre 2014
Le « prix Sakharov pour la liberté de l’esprit » qui vient d’être décerné au docteur Denis Mukwege est sans conteste la plus « politique » des distinctions remportées par le médecin-chef de l’hôpital Panzi, à Bukavu.
Dans son intitulé en effet, ce prix, créé en 1988, récompense des personnalités ou des collectifs qui luttent contre l’intolérance, le fanatisme, l’oppression.
Il a été créé en mémoire du physicien russe Andréi Sakharov, l’inventeur de la bombe à hydrogène, qui, après avoir dénoncé les dangers de la course aux armements nucléaires, fut aussi le fondateur du Comité pour la défense des droits de l’homme et la défense des victimes politiques.
Le célèbre dissident reçut en 1975 le prix Nobel de la Paix. Il est devenu une référence pour tous ceux qui, partout dans le monde, osent s’opposer à des régimes dictatoriaux et réclamer des droits fondamentaux, à l’instar de la jeune Pakistanaise Malala Yousafsai, aujourd’hui Prix Nobel de la Paix, qui fut agressée dans son pays pour avoir revendiqué le droit des jeunes filles à l’éducation.
Si le docteur Mukwege s’inscrit dans la prestigieuse lignée des « prix Sakharov » où l’on retrouve aussi les leaders du printemps arabe c’est parce que cet homme, gynécologue, obstétricien de formation n’est pas seulement un chirurgien exceptionnel qui, au cours des vingt dernières années, a examiné et opéré plus de 40.000 femmes dans son hôpital de Panzi, spécialisé dans le traitement des victimes de violences sexuelles et de femmes atteintes de fistule.
C’est aussi parce que, témoin de premier plan des guerres qui se sont succédé dans l’Est du Congo, praticien se portant au secours des victimes des groupes armés, le médecin, qui est aussi pasteur, a aussi ajouté l’engagement à son action thérapeutique.
Depuis plus de quinze ans, invité partout dans le monde, le Dr Mukwege harangue la « communauté internationale » et la supplie d’intervenir pour mettre fin à la violence qui vise spécifiquement les femmes du Kivu, à cette terreur sexuelle qui a pour but de détruire et d’asservir des communautés dont le seul tort est de vivre à proximité de ressources âprement convoitées.
Les plaidoyers du médecin l’ont conduit à la tribune des Nations unies, dans toutes les capitales occidentales et son engagement lui a valu pluieurs tentatives d’assassinat la dernière ayant eu lieu voici deux ans. .
In fine, s’ajoutant à d’autres témoignages, son action a mené au renforcement de la présence onusienne dans l’Est du Congo et à une action plus déterminée des autorités nationales et internationales, à tel point qu’aujourd’hui, en dépit des chiffres excessifs qui sont parfois trop légèrement diffusés, le nombre de femmes victimes de viols soignées à Panzi est en nette régression, même si de nouvelles pratiques apparaissent comme le viol de petites filles.
Médecin, témoin, Mukwege se veut également citoyen et estime qu’à ce titre, il a droit à une parole plus politique.
C’est ainsi qu’il s’est publiquement exprimé contre une modification de la Constitution congolaise, qui ouvrirait la voie à un troisième mandat présidentiel et qu’il appelle de ses vœux une « révolution morale » qui partirait de la base.
C’est en cela que, militant des droits de la femme, défenseur des droits de l’homme au sens large, exerçant pleinement sa liberté d’esprit et de jugement, le médecin congolais s’inscrit dans la logique du prix Sakharov.
Faut-il ajouter que ce prix prestigieux récompense aussi le courage de milliers de femmes congolaises qui, victimes des pires humiliations, ont cependant réussi à se redresser; à renouer avec la vie?
Un tel prix, très politique, est aussi un signal adressé à tous les Congolais, si facilement enclins à se déprécier, à raboter tous ceux qui dépassent, à croire plus aux interventions extérieures qu’à leurs propres forces: le prix Sakharov récompense un authentique héros congolais,qui n’est pas une créature de l’Occident, mais un homme simple, bon et courageux, profondément ancré dans sa propre société et qui a su se lever pour dire non à l’insupportable.
Il faut dire aussi que ce héros là, dont tous les Congolais peuvent être fiers, n’est pas un homme seul: il est le plus visible de ces “combattants de l’ombre” de ces résistants qui ont dit non à la guerre, à l’occupation, à l’exclusion.
C’est grâce à des hommes comme Mukwege que le Congo a échappé à la balkanisation, est toujours debout et peut croire en l’avenir.
AU delà de leurs jalousies, de leurs intérêts à court terme, de leurs petits calculs, puissent les hommes politiques congolais, les élus du peuple, se joindre un jour à l’hommage que le monde rend au médecin chef de Panzi…
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Le carnet de Colette Braeckman
Le « prix Sakharov pour la liberté de l’esprit » qui vient d’être décerné au docteur Denis Mukwege est sans conteste la plus « politique » des distinctions remportées par le médecin-chef de l’hôpital Panzi, à Bukavu.
Dans son intitulé en effet, ce prix, créé en 1988, récompense des personnalités ou des collectifs qui luttent contre l’intolérance, le fanatisme, l’oppression.
Il a été créé en mémoire du physicien russe Andréi Sakharov, l’inventeur de la bombe à hydrogène, qui, après avoir dénoncé les dangers de la course aux armements nucléaires, fut aussi le fondateur du Comité pour la défense des droits de l’homme et la défense des victimes politiques.
Le célèbre dissident reçut en 1975 le prix Nobel de la Paix. Il est devenu une référence pour tous ceux qui, partout dans le monde, osent s’opposer à des régimes dictatoriaux et réclamer des droits fondamentaux, à l’instar de la jeune Pakistanaise Malala Yousafsai, aujourd’hui Prix Nobel de la Paix, qui fut agressée dans son pays pour avoir revendiqué le droit des jeunes filles à l’éducation.
Si le docteur Mukwege s’inscrit dans la prestigieuse lignée des « prix Sakharov » où l’on retrouve aussi les leaders du printemps arabe c’est parce que cet homme, gynécologue, obstétricien de formation n’est pas seulement un chirurgien exceptionnel qui, au cours des vingt dernières années, a examiné et opéré plus de 40.000 femmes dans son hôpital de Panzi, spécialisé dans le traitement des victimes de violences sexuelles et de femmes atteintes de fistule.
C’est aussi parce que, témoin de premier plan des guerres qui se sont succédé dans l’Est du Congo, praticien se portant au secours des victimes des groupes armés, le médecin, qui est aussi pasteur, a aussi ajouté l’engagement à son action thérapeutique.
Depuis plus de quinze ans, invité partout dans le monde, le Dr Mukwege harangue la « communauté internationale » et la supplie d’intervenir pour mettre fin à la violence qui vise spécifiquement les femmes du Kivu, à cette terreur sexuelle qui a pour but de détruire et d’asservir des communautés dont le seul tort est de vivre à proximité de ressources âprement convoitées.
Les plaidoyers du médecin l’ont conduit à la tribune des Nations unies, dans toutes les capitales occidentales et son engagement lui a valu pluieurs tentatives d’assassinat la dernière ayant eu lieu voici deux ans. .
In fine, s’ajoutant à d’autres témoignages, son action a mené au renforcement de la présence onusienne dans l’Est du Congo et à une action plus déterminée des autorités nationales et internationales, à tel point qu’aujourd’hui, en dépit des chiffres excessifs qui sont parfois trop légèrement diffusés, le nombre de femmes victimes de viols soignées à Panzi est en nette régression, même si de nouvelles pratiques apparaissent comme le viol de petites filles.
Médecin, témoin, Mukwege se veut également citoyen et estime qu’à ce titre, il a droit à une parole plus politique.
C’est ainsi qu’il s’est publiquement exprimé contre une modification de la Constitution congolaise, qui ouvrirait la voie à un troisième mandat présidentiel et qu’il appelle de ses vœux une « révolution morale » qui partirait de la base.
C’est en cela que, militant des droits de la femme, défenseur des droits de l’homme au sens large, exerçant pleinement sa liberté d’esprit et de jugement, le médecin congolais s’inscrit dans la logique du prix Sakharov.
Faut-il ajouter que ce prix prestigieux récompense aussi le courage de milliers de femmes congolaises qui, victimes des pires humiliations, ont cependant réussi à se redresser; à renouer avec la vie?
Un tel prix, très politique, est aussi un signal adressé à tous les Congolais, si facilement enclins à se déprécier, à raboter tous ceux qui dépassent, à croire plus aux interventions extérieures qu’à leurs propres forces: le prix Sakharov récompense un authentique héros congolais,qui n’est pas une créature de l’Occident, mais un homme simple, bon et courageux, profondément ancré dans sa propre société et qui a su se lever pour dire non à l’insupportable.
Il faut dire aussi que ce héros là, dont tous les Congolais peuvent être fiers, n’est pas un homme seul: il est le plus visible de ces “combattants de l’ombre” de ces résistants qui ont dit non à la guerre, à l’occupation, à l’exclusion.
C’est grâce à des hommes comme Mukwege que le Congo a échappé à la balkanisation, est toujours debout et peut croire en l’avenir.
AU delà de leurs jalousies, de leurs intérêts à court terme, de leurs petits calculs, puissent les hommes politiques congolais, les élus du peuple, se joindre un jour à l’hommage que le monde rend au médecin chef de Panzi…
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Le carnet de Colette Braeckman
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