mardi 11 novembre 2014
Le journaliste Pierre Péan. AFP/Miguel Medina
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On l’a appris hier, lundi 10 novembre, le Gabon dépose plainte contre le dernier livre de Pierre Péan, dans lequel il est écrit que le président Ali Bongo aurait été un enfant nigérian adopté par Omar Bongo pendant la guerre du Biafra. Pierre Péan connaît bien le Gabon.
Dans sa jeunesse, l’essayiste français y a vécu deux ans. En 1983, il a publié un premier livre sur ce pays, Affaires africaines. Aujourd’hui, il publie chez Fayard Nouvelles affaires africaines. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
RFI : Vous assurez que le président Ali Bongo n’est pas né Gabonais. Qu’est-ce qu’il le prouve ?
Pierre Péan : Je tiens à dire que je sais cela depuis très longtemps. Quand j’ai écrit les Affaires africaines en 1983, je parle des enfants biafrais et de Bongo. La seule chose que j’ai faite en plus, c’est de chercher des anciens qui ont un peu de mal à parler parce que la plupart ont encore des relations avec le Gabon, mais le fait qu’il soit d’origine biafraise, c’est Noël en décembre !
Ce n’est pas du tout un scoop. Et même dans le livre Kala-Kala, de Maurice Delaunay, l’ancien ambassadeur et homme de Foccart -c’est lui qui a monté toute cette affaire-, il n’y a pas le nom d’Ali là non plus. Mais les enfants biafrais, c’était un projet totalement politique parce qu’on voulait impliquer davantage celui qui s’appelait encore Albert-Bernard Bongo (Omar Bongo) dans la guerre du Biafra.
Vous fondez-vous prnicipalement sur des témoignages ou sur des documents ?
C’est essentiellement sur des témoignages. Je l’ai écrit, déjà, en 1983. Je mets un peu plus de lignes que dans le livre Affaires africaines.
Il y a des témoignages, mais il y a aussi des contre-témoignages. Et pas de n’importe qui puisque l’une des filles de l’ancien président gabonais Léon Mba, Delphine Ayo Mba, affirme aujourd’hui que bien avant la guerre du Biafra, bien avant les années 1967-1968, elle jouait dans les jardins du palais présidentiel de Libreville avec le futur Ali Bongo, qui s’appelait alors Alain Bongo.
Il y a quelque chose de très simple pour nous départager. Il suffit que le président Ali Bongo fasse un test ADN. Même chose pour Patience Dabany qui est censée être sa mère, mais qui est pour moi sa mère adoptive. Et là, ce sera fini.
Autre chose : il y a l’acte de naissance. Personne ne peut contester que l’acte de naissance qu’il a produit avant le démarrage de la campagne en 2009, même quelqu’un qui a dix ans, douze ans, peut voir que c’est un faux. Pourquoi, si véritablement il est né à Brazzaville, ne pas donner l’acte de naissance véritable de Brazzaville ou un acte qui se situe probablement à Nantes ?
Vous dites que l’élève Alain Bongo n’a jamais été à l’école à Alès, dans le sud de la France, car vous n’avez trouvé aucune place de son inscription dans un établissement de la ville. N’est-ce pas une preuve un peu faible ?
J’ai vu le président de l’association des anciens élèves, j’ai vu le patron du collège Cévenol pendant quinze, vingt ans. Cette affaire-là, ça ne me gêne pas du tout. Si véritablement on m’amène la preuve que cet aspect-là était faux, je le reconnaîtrais sans problèmes.
Pascaline Bongo, sa soeur aînée, prend sa défense alors qu'ils ont des rapports compliqués depuis 2009. Cet élément n'est-il pas à prendre en compte ?
C’est le moins qu’on puisse dire, oui. Mais la famille s’est resserrée pour des raisons qui sont assez compréhensibles. Elle n’a pas eu le choix : il fallait bien qu’elle fasse quelque chose. Mais voilà, ça ne me trouble pas outre mesure.
Qu’est-ce qui vous prouve que Ali Bongo a menti sur ses diplômes universitaires ?
(Rires). Alors là, sur les diplômes universitaires, je peux dire que j’ai vu la personne qui a monté l’opération. Effectivement je ne cite pas son nom, mais je cite les autres participants. Ca s’est passé par le cabinet de Pierre Abelin, qui était ministre de la Coopération sous Giscard. C'est probablement remonté jusqu’à Valéry Giscard d'Estaing. On peut me dire que je n’ai pas le papier, ok. Par contre, je suis totalement sûr de mon coup.
Des élections présidentielles truquées en 2009 ? Le vrai vainqueur aurait été André Mba Obame. Là aussi, quelles preuves avez-vous ?
J’ai un papier de la Céna, l’organisation de contrôle des élections. Document qui rend quasiment impossible la victoire d’Ali. Mais surtout, j’ai quelqu’un qui était dans la mécanique et qui m’a raconté les détails.
Et comme il est encore proche du pouvoir, je ne peux évidemment pas donner son nom. Ca serait une trahison à son égard. Mais il a participé et m’a expliqué pourquoi : tout simplement parce qu’on ne voulait pas un Fang. C’est aussi clair que ça.
Vous dites qu’à l’époque, Ali Bongo était soutenu par Nicolas Sarkozy et que deux ans plus tôt, la campagne du futur président français aurait été alimentée par les caisses gabonaises à hauteur de plusieurs millions d’euros ?
Oui. Evidemment si vous me demandez les preuves, je ne les ai pas. C’est toujours par du liquide évidemment que ça arrive. Mais là aussi, ce sont des gens qui sont dans l’intérieur du système qui me l’ont dit.
Ce lundi, l’Etat gabonais a annoncé qu’il portait plainte contre vous pour des « propos gravement diffamatoires ». Quelle est votre réaction ?
Enfin une bonne nouvelle ! Parce que ça va être sur la place publique donc on va voir ce sur quoi ils m’attaquent et moi, ma capacité à me défendre. Donc j’attends cela très sereinement et j’ai tendance à penser que c’est une bonne nouvelle.
La semaine dernière, le site Mediapart a écrit que les hommes d’affaires Ziad Takieddine et Fara M’Bow auraient proposé à la présidence gabonaise en échange de la coquette somme de 10 millions d’euros que votre ouvrage ne soit jamais publié. Comment réagissez-vous ?
C’est totalement scandaleux que des journalistes puissent reprendre ça en laissant le soupçon sur ma participation à cette opération. Ca, ça me tord les tripes. La chose essentielle, c’est qu’en novembre, décembre, il y a un an, il n’y avait pas de livre prévu sur le Gabon. J’ai signé mon contrat avec Fayard le 31 juillet de cette année.
Mais si jamais cette opération a eu lieu, est-ce que vous envisagez de porter plainte contre ses auteurs ?
Je suis en train d’y réfléchir. Qu’est-ce qui s’est passé ? Il y a bien eu un protocole d’accord par Ziad Takieddine. Mais je n’étais évidemment pas au courant.
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Christophe Boisbouvier
Le journaliste Pierre Péan. AFP/Miguel Medina
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On l’a appris hier, lundi 10 novembre, le Gabon dépose plainte contre le dernier livre de Pierre Péan, dans lequel il est écrit que le président Ali Bongo aurait été un enfant nigérian adopté par Omar Bongo pendant la guerre du Biafra. Pierre Péan connaît bien le Gabon.
Dans sa jeunesse, l’essayiste français y a vécu deux ans. En 1983, il a publié un premier livre sur ce pays, Affaires africaines. Aujourd’hui, il publie chez Fayard Nouvelles affaires africaines. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
RFI : Vous assurez que le président Ali Bongo n’est pas né Gabonais. Qu’est-ce qu’il le prouve ?
Pierre Péan : Je tiens à dire que je sais cela depuis très longtemps. Quand j’ai écrit les Affaires africaines en 1983, je parle des enfants biafrais et de Bongo. La seule chose que j’ai faite en plus, c’est de chercher des anciens qui ont un peu de mal à parler parce que la plupart ont encore des relations avec le Gabon, mais le fait qu’il soit d’origine biafraise, c’est Noël en décembre !
Ce n’est pas du tout un scoop. Et même dans le livre Kala-Kala, de Maurice Delaunay, l’ancien ambassadeur et homme de Foccart -c’est lui qui a monté toute cette affaire-, il n’y a pas le nom d’Ali là non plus. Mais les enfants biafrais, c’était un projet totalement politique parce qu’on voulait impliquer davantage celui qui s’appelait encore Albert-Bernard Bongo (Omar Bongo) dans la guerre du Biafra.
Vous fondez-vous prnicipalement sur des témoignages ou sur des documents ?
C’est essentiellement sur des témoignages. Je l’ai écrit, déjà, en 1983. Je mets un peu plus de lignes que dans le livre Affaires africaines.
Il y a des témoignages, mais il y a aussi des contre-témoignages. Et pas de n’importe qui puisque l’une des filles de l’ancien président gabonais Léon Mba, Delphine Ayo Mba, affirme aujourd’hui que bien avant la guerre du Biafra, bien avant les années 1967-1968, elle jouait dans les jardins du palais présidentiel de Libreville avec le futur Ali Bongo, qui s’appelait alors Alain Bongo.
Il y a quelque chose de très simple pour nous départager. Il suffit que le président Ali Bongo fasse un test ADN. Même chose pour Patience Dabany qui est censée être sa mère, mais qui est pour moi sa mère adoptive. Et là, ce sera fini.
Autre chose : il y a l’acte de naissance. Personne ne peut contester que l’acte de naissance qu’il a produit avant le démarrage de la campagne en 2009, même quelqu’un qui a dix ans, douze ans, peut voir que c’est un faux. Pourquoi, si véritablement il est né à Brazzaville, ne pas donner l’acte de naissance véritable de Brazzaville ou un acte qui se situe probablement à Nantes ?
Vous dites que l’élève Alain Bongo n’a jamais été à l’école à Alès, dans le sud de la France, car vous n’avez trouvé aucune place de son inscription dans un établissement de la ville. N’est-ce pas une preuve un peu faible ?
J’ai vu le président de l’association des anciens élèves, j’ai vu le patron du collège Cévenol pendant quinze, vingt ans. Cette affaire-là, ça ne me gêne pas du tout. Si véritablement on m’amène la preuve que cet aspect-là était faux, je le reconnaîtrais sans problèmes.
Pascaline Bongo, sa soeur aînée, prend sa défense alors qu'ils ont des rapports compliqués depuis 2009. Cet élément n'est-il pas à prendre en compte ?
C’est le moins qu’on puisse dire, oui. Mais la famille s’est resserrée pour des raisons qui sont assez compréhensibles. Elle n’a pas eu le choix : il fallait bien qu’elle fasse quelque chose. Mais voilà, ça ne me trouble pas outre mesure.
Qu’est-ce qui vous prouve que Ali Bongo a menti sur ses diplômes universitaires ?
(Rires). Alors là, sur les diplômes universitaires, je peux dire que j’ai vu la personne qui a monté l’opération. Effectivement je ne cite pas son nom, mais je cite les autres participants. Ca s’est passé par le cabinet de Pierre Abelin, qui était ministre de la Coopération sous Giscard. C'est probablement remonté jusqu’à Valéry Giscard d'Estaing. On peut me dire que je n’ai pas le papier, ok. Par contre, je suis totalement sûr de mon coup.
Des élections présidentielles truquées en 2009 ? Le vrai vainqueur aurait été André Mba Obame. Là aussi, quelles preuves avez-vous ?
J’ai un papier de la Céna, l’organisation de contrôle des élections. Document qui rend quasiment impossible la victoire d’Ali. Mais surtout, j’ai quelqu’un qui était dans la mécanique et qui m’a raconté les détails.
Et comme il est encore proche du pouvoir, je ne peux évidemment pas donner son nom. Ca serait une trahison à son égard. Mais il a participé et m’a expliqué pourquoi : tout simplement parce qu’on ne voulait pas un Fang. C’est aussi clair que ça.
Vous dites qu’à l’époque, Ali Bongo était soutenu par Nicolas Sarkozy et que deux ans plus tôt, la campagne du futur président français aurait été alimentée par les caisses gabonaises à hauteur de plusieurs millions d’euros ?
Oui. Evidemment si vous me demandez les preuves, je ne les ai pas. C’est toujours par du liquide évidemment que ça arrive. Mais là aussi, ce sont des gens qui sont dans l’intérieur du système qui me l’ont dit.
Ce lundi, l’Etat gabonais a annoncé qu’il portait plainte contre vous pour des « propos gravement diffamatoires ». Quelle est votre réaction ?
Enfin une bonne nouvelle ! Parce que ça va être sur la place publique donc on va voir ce sur quoi ils m’attaquent et moi, ma capacité à me défendre. Donc j’attends cela très sereinement et j’ai tendance à penser que c’est une bonne nouvelle.
La semaine dernière, le site Mediapart a écrit que les hommes d’affaires Ziad Takieddine et Fara M’Bow auraient proposé à la présidence gabonaise en échange de la coquette somme de 10 millions d’euros que votre ouvrage ne soit jamais publié. Comment réagissez-vous ?
C’est totalement scandaleux que des journalistes puissent reprendre ça en laissant le soupçon sur ma participation à cette opération. Ca, ça me tord les tripes. La chose essentielle, c’est qu’en novembre, décembre, il y a un an, il n’y avait pas de livre prévu sur le Gabon. J’ai signé mon contrat avec Fayard le 31 juillet de cette année.
Mais si jamais cette opération a eu lieu, est-ce que vous envisagez de porter plainte contre ses auteurs ?
Je suis en train d’y réfléchir. Qu’est-ce qui s’est passé ? Il y a bien eu un protocole d’accord par Ziad Takieddine. Mais je n’étais évidemment pas au courant.
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Christophe Boisbouvier
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