le 5 novembre 2014
Depuis début octobre, le territoire de Beni, dans l'est de la RDC, est la cible d'attaques répétées d'individus armés qui s'en prennent aux populations civiles. Environ 120 morts en un mois. Décryptage de la situation en quatre points.
Les attaques contre les civils se suivent et se ressemblent à Beni, territoire de la province du Nord-Kivu, dans l'est de la RDC. Par armes à feu ou à la machette, les populations sont massacrées dans les quartiers périphériques de la ville éponyme et dans les villages environnants.
À en croire le bilan de la société civile locale, du "2 octobre au 2 novembre", les tueries ont fait environ 120 morts et entraîné le "déplacement massif d'au moins 10 000 ménages".
Fin octobre, Joseph Kabila lui-même s'était rendu dans la région pour essayer de rassurer la population, promettant de "vaincre" les rebelles ougandais des Forces démocratiques alliées (ADF), soupçonnés d'être responsables de cette série des massacres. Mais le passage du chef de l'État congolais n'a rien changé sur le terrain.
Dès le lendemain de son départ, entre 7 et 11 personnes ont été tuées à Beni, provoquant une violente émeute dans la ville.
Pourquoi les attaques se sont-elles multipliées depuis octobre ?
"Personne ne s'attendait à ce retour de bâton", admet une source de la Mission de l'ONU pour la stabilisation du Congo (Monusco). Ragaillardie par sa victoire sur le Mouvement du 23-Mars (M23), l'armée congolaise, appuyée par la brigade d'intervention de la Monusco, avait en effet lancé depuis le 16 janvier l'opération "Sokola" (nettoyer, en français) contre les combattants de l'ADF, actifs dans le territoire de Beni.
Très rapidement, des bastions et autres sanctuaires des rebelles ougandais avaient été repris. "Les ADF étaient en déroute", commente notre source onusienne.
Problème : "La Monusco et l'armée congolaise ont oublié qu'ils avaient affaire à un groupe armé pas comme les autres, les ADF étant une organisation terroriste", soutient Thomas d'Aquin Muiti, président de la société civile du Nord-Kivu, regrettant que l'opération "Sokola" ait été "suspendue au mois de juin" après les succès enregistrés sur le terrain.
"Cela a permis aux éléments résiduels des ADF de se réorganiser, de se renforcer - en hommes et en matériels - et de mener aujourd'hui tous ces actes de sabotage contre les civils", explique-t-il.
Du côté de la Monusco, on essaye de nuancer. "L'opération 'Sokola' a plutôt été perturbée, voire ralentie, après la mort du général congolais Bahuma, le numéro un de l'armée congolaise dans le Nord-Kivu. Mais nos troupes n'ont jamais pour autant été désengagées sur le terrain", affirme la source onusienne.
Qui sont derrière ces attaques ?
Des questions se posent cependant sur l'identité réelle des auteurs de cette série d'attaques meurtrières à Beni. "Sachant que les ADF ont été gravement affaiblis, la Monusco s'interroge sérieusement sur leur capacité aujourd'hui à mener ces massacres", confie un membre de la mission proche du dossier.
Qui sont donc réellement les auteurs de ces tueries ? Personne ne peut aujourd'hui le dire avec certitude.
"Des investigations sont en cours. Des suspects arrêtés continuent d'être interrogés", indique quant à lui un conseiller du ministère congolais de l'Intérieur. Mais "la piste d'une milice locale est aussi prise très au sérieux", ajoute-t-il.
Une milice qui serait dirigée en sous-main par une personnalité politique très influente de Beni, aujourd'hui réfugiée en Afrique du Sud : Mbusa Nyamwisi(ndlr qui salut Kagame sur la photo). Son mobile pour commanditer de tels tueries dans son fief ? "Quel était celui de Thomas Lubanga, des Enyele ou des Kata Katanga qui ont semé la terreur dans leurs fiefs ?", rétorque le conseiller, en guise de réponse.
De son côté, Mbusa Nyamwisi accuse les responsables de l'armée à Beni d'être complices des attaques contre les civils dans le grand nord.
Pour sa part, la société civile du Nord-Kivu dit "poursuivre ses investigations avant d'établir des responsabilités avec des preuves à l'appui".
En attendant, Me Omar Kavota, son porte-parole, accuse : "Les ADF ont bénéficié ces derniers mois d'un soutien important auprès de ceux qui œuvrent pour la déstabilisation de l'est de la RDC. Des jeunes ont été recrutés en Ouganda où sont réfugiés des anciens combattants du M23. Ces derniers ne sont donc pas étrangers à ce qui se passe à Beni." Et d'alerter : "c'est une nouvelle guerre qui se prépare."
Contacté par Jeune Afrique, Amani Kabasha, porte-parole du M23, a toutefois catégoriquement réfuté ces accusations. "Nos troupes sont cantonnées en Ouganda, elles n'ont pas bougé. Au lieu de persister dans sa politique de recherche des boucs émissaires, Kinshasa doit jouer son rôle régalien de protection des populations civiles", a-t-il déclaré.
Quelle est la particularité de Beni pour les assaillants ?
Pourquoi cette "nouvelle guerre" partirait-elle, cette fois-ci, de Beni ? Les experts sont unanimes : le territoire est propice aux mouvements rebelles. Montagnes, massif de Rwenzori, forêt dense, vallées, parc national des Virunga…
Bref, l'environnement de Beni ne facilite pas le démantèlement des groupes armés. Il y aussi la rivière Semliki et tous ses affluents qui regorgent d'or, entre autres. Conséquence : depuis des années, divers groupes armés et milices locales y exploitent illégalement des ressources naturelles - le bois notamment - et des minerais. En toute impunité.
Que font l'armée congolaise et la Monusco ?
Appelant les populations locales à ne pas se constituer en groupes d'autodéfense, l'armée tente de reprendre la traque des ADF. Des combats sont signalés depuis le 3 novembre dans les faubourgs de la ville de Beni, où a eu lieu la dernière attaque contre les civils.
De son côté, la Monusco a indiqué avoir "d'ores et déjà apporté des moyens d'appui et des renseignements à la douzaine de régiments de l'armée congolaise actuellement engagées dans les combats contre les ADF".
Et les patrouilles ont été multipliées de nuit comme des jours. Une compagnie d'intervention malawite supplémentaire a été dépêchée sur place. Même le général brésilien Carlos Alberto Dos Santos Cruz, commandant de la force onusienne, est descendu sur le terrain.
Pas suffisant pour convaincre la société civile du Nord-Kivu. "La Monusco a failli dans sa mission de protection des civils à Beni. Elle ne doit pas attendre l'armée congolaise pour mener des actions contre les forces négatives", se plaint Thomas d'Aquin Muiti, qui rappelle les dispositions de la résolution 2098 du Conseil de sécurité de l'ONU, laquelle autorise la brigade d'intervention de la Monusco à "mener, seule ou avec les FARDC, des offensives ciblées et robustes" contre les forces négatives dans l'est de la RDC.
___
J.A
VERITAS
Depuis début octobre, le territoire de Beni, dans l'est de la RDC, est la cible d'attaques répétées d'individus armés qui s'en prennent aux populations civiles. Environ 120 morts en un mois. Décryptage de la situation en quatre points.
Les attaques contre les civils se suivent et se ressemblent à Beni, territoire de la province du Nord-Kivu, dans l'est de la RDC. Par armes à feu ou à la machette, les populations sont massacrées dans les quartiers périphériques de la ville éponyme et dans les villages environnants.
À en croire le bilan de la société civile locale, du "2 octobre au 2 novembre", les tueries ont fait environ 120 morts et entraîné le "déplacement massif d'au moins 10 000 ménages".
Fin octobre, Joseph Kabila lui-même s'était rendu dans la région pour essayer de rassurer la population, promettant de "vaincre" les rebelles ougandais des Forces démocratiques alliées (ADF), soupçonnés d'être responsables de cette série des massacres. Mais le passage du chef de l'État congolais n'a rien changé sur le terrain.
Dès le lendemain de son départ, entre 7 et 11 personnes ont été tuées à Beni, provoquant une violente émeute dans la ville.
Pourquoi les attaques se sont-elles multipliées depuis octobre ?
"Personne ne s'attendait à ce retour de bâton", admet une source de la Mission de l'ONU pour la stabilisation du Congo (Monusco). Ragaillardie par sa victoire sur le Mouvement du 23-Mars (M23), l'armée congolaise, appuyée par la brigade d'intervention de la Monusco, avait en effet lancé depuis le 16 janvier l'opération "Sokola" (nettoyer, en français) contre les combattants de l'ADF, actifs dans le territoire de Beni.
Très rapidement, des bastions et autres sanctuaires des rebelles ougandais avaient été repris. "Les ADF étaient en déroute", commente notre source onusienne.
Problème : "La Monusco et l'armée congolaise ont oublié qu'ils avaient affaire à un groupe armé pas comme les autres, les ADF étant une organisation terroriste", soutient Thomas d'Aquin Muiti, président de la société civile du Nord-Kivu, regrettant que l'opération "Sokola" ait été "suspendue au mois de juin" après les succès enregistrés sur le terrain.
"Cela a permis aux éléments résiduels des ADF de se réorganiser, de se renforcer - en hommes et en matériels - et de mener aujourd'hui tous ces actes de sabotage contre les civils", explique-t-il.
Du côté de la Monusco, on essaye de nuancer. "L'opération 'Sokola' a plutôt été perturbée, voire ralentie, après la mort du général congolais Bahuma, le numéro un de l'armée congolaise dans le Nord-Kivu. Mais nos troupes n'ont jamais pour autant été désengagées sur le terrain", affirme la source onusienne.
Qui sont derrière ces attaques ?
Des questions se posent cependant sur l'identité réelle des auteurs de cette série d'attaques meurtrières à Beni. "Sachant que les ADF ont été gravement affaiblis, la Monusco s'interroge sérieusement sur leur capacité aujourd'hui à mener ces massacres", confie un membre de la mission proche du dossier.
Qui sont donc réellement les auteurs de ces tueries ? Personne ne peut aujourd'hui le dire avec certitude.
"Des investigations sont en cours. Des suspects arrêtés continuent d'être interrogés", indique quant à lui un conseiller du ministère congolais de l'Intérieur. Mais "la piste d'une milice locale est aussi prise très au sérieux", ajoute-t-il.
Une milice qui serait dirigée en sous-main par une personnalité politique très influente de Beni, aujourd'hui réfugiée en Afrique du Sud : Mbusa Nyamwisi(ndlr qui salut Kagame sur la photo). Son mobile pour commanditer de tels tueries dans son fief ? "Quel était celui de Thomas Lubanga, des Enyele ou des Kata Katanga qui ont semé la terreur dans leurs fiefs ?", rétorque le conseiller, en guise de réponse.
De son côté, Mbusa Nyamwisi accuse les responsables de l'armée à Beni d'être complices des attaques contre les civils dans le grand nord.
Pour sa part, la société civile du Nord-Kivu dit "poursuivre ses investigations avant d'établir des responsabilités avec des preuves à l'appui".
En attendant, Me Omar Kavota, son porte-parole, accuse : "Les ADF ont bénéficié ces derniers mois d'un soutien important auprès de ceux qui œuvrent pour la déstabilisation de l'est de la RDC. Des jeunes ont été recrutés en Ouganda où sont réfugiés des anciens combattants du M23. Ces derniers ne sont donc pas étrangers à ce qui se passe à Beni." Et d'alerter : "c'est une nouvelle guerre qui se prépare."
Contacté par Jeune Afrique, Amani Kabasha, porte-parole du M23, a toutefois catégoriquement réfuté ces accusations. "Nos troupes sont cantonnées en Ouganda, elles n'ont pas bougé. Au lieu de persister dans sa politique de recherche des boucs émissaires, Kinshasa doit jouer son rôle régalien de protection des populations civiles", a-t-il déclaré.
Quelle est la particularité de Beni pour les assaillants ?
Pourquoi cette "nouvelle guerre" partirait-elle, cette fois-ci, de Beni ? Les experts sont unanimes : le territoire est propice aux mouvements rebelles. Montagnes, massif de Rwenzori, forêt dense, vallées, parc national des Virunga…
Bref, l'environnement de Beni ne facilite pas le démantèlement des groupes armés. Il y aussi la rivière Semliki et tous ses affluents qui regorgent d'or, entre autres. Conséquence : depuis des années, divers groupes armés et milices locales y exploitent illégalement des ressources naturelles - le bois notamment - et des minerais. En toute impunité.
Que font l'armée congolaise et la Monusco ?
Appelant les populations locales à ne pas se constituer en groupes d'autodéfense, l'armée tente de reprendre la traque des ADF. Des combats sont signalés depuis le 3 novembre dans les faubourgs de la ville de Beni, où a eu lieu la dernière attaque contre les civils.
De son côté, la Monusco a indiqué avoir "d'ores et déjà apporté des moyens d'appui et des renseignements à la douzaine de régiments de l'armée congolaise actuellement engagées dans les combats contre les ADF".
Et les patrouilles ont été multipliées de nuit comme des jours. Une compagnie d'intervention malawite supplémentaire a été dépêchée sur place. Même le général brésilien Carlos Alberto Dos Santos Cruz, commandant de la force onusienne, est descendu sur le terrain.
Pas suffisant pour convaincre la société civile du Nord-Kivu. "La Monusco a failli dans sa mission de protection des civils à Beni. Elle ne doit pas attendre l'armée congolaise pour mener des actions contre les forces négatives", se plaint Thomas d'Aquin Muiti, qui rappelle les dispositions de la résolution 2098 du Conseil de sécurité de l'ONU, laquelle autorise la brigade d'intervention de la Monusco à "mener, seule ou avec les FARDC, des offensives ciblées et robustes" contre les forces négatives dans l'est de la RDC.
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J.A
VERITAS
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