mardi 12 octobre 2010

RDC : Le « testament » d’Armand TUNGULU au peuple congolais

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Armand TUNGULU - Manif des congolais de Londres pour la mort de Armand TUNGULU
 

Un matin du 5 novembre 1967, choqué et ému (mais non pas découragé) devant tant d’attaques, tant d’incompréhensions et tant d’indifférence de la part de ses frères noirs américains vis-à-vis du mouvement de résistance qu’il menait contre les puissants lobbies financiers des colons américains blancs, le Révérend Pasteur Martin Luther King, cet illustre leader de la résistance pacifique contre la ségrégation raciale aux États-Unis d’Amérique, leur lança cette phrase désormais historique :
«Je vous le dis ce matin, si vous n’avez jamais rencontré rien qui vous soit si cher, si précieux que vous soyez prêt à mourir pour ça, alors vous n’êtes pas apte à vivre»
Martin Luther King réagissait ainsi contre l’attitude de peur et de résignation de ses nombreux frères et compatriotes noirs américains qui, préoccupés plus à protéger leur petit confort social quotidien plutôt qu’à arracher leur dignité d’homme libre, tremblaient de peur devant les menaces et les représailles des racistes blancs, puissants propriétaires des riches plantations du Sud des États-Unis. Ils redoutaient particulièrement l’extrême violence des membres odieux du tristement célèbre Ku Klux Klan créé en 1865 pour mater dans le sang et la violence l’émergence de tout leadership noir qui osait lever la tête pour lutter en faveur de l’émancipation de l’homme noir.
Quarante trois ans après, cette merveilleuse interpellation du pasteur King à la communauté noire des États-Unis interpelle encore aujourd’hui avec la même pertinence la conscience de chacun de nous. Car, ses propos de Martin Luther King résonnent à nos oreilles comme un cri de coeur, mieux, une invite à la méditation en cette période fatidique du tournant décisif de l’histoire de notre pays, la République Démocratique du Congo. Je souhaite donc humblement et de tout mon coeur que chacun de nous, civils et militaires, laïcs et religieux, étudiants et professeurs, maîtres et élèves, filles et garçons, jeunes et vieux, fasse l’effort d’une profonde introspection et s’interroge sérieusement sur le sens profond de cette interpellation du leader spirituel et politique américain en vue de savoir dans quelle catégorie il se situe.
Car, si nous arrivons réellement à intérioriser cette maxime de Martin Luther King, dont la quintessence et la pertinence dépassent les bornes des frontières de l’espace et du temps, c’est alors seulement que notre combat aura tout son sens et transcendera aussi les vicissitudes des conjonctures spatio-temporelles pour ne viser que les seuls objectifs à atteindre : la paix, la sécurité, la liberté et la dignité. Peu importe la force, la taille ou le nombre d’obstacles dressés sur notre chemin. Peu importe les critiques acerbes et les attitudes négatives des gens autour de nous. Peu importe la longueur de la nuit du combat et des épreuves. Comme des marathoniens, seul le point d’arrivée comptera pour nous.
En effet, si nous regardons au rétroviseur de l’histoire comme l’a fait Martin Luther King, nous aurons constaté que la conquête de la liberté, de la souveraineté et de la dignité des peuples ont chaque fois été rendues possibles grâce au courage et à l’abnégation d’une poignée d’hommes ou de femmes qui ont accepté de payer le prix, et parfois même le prix suprême de leur sang, comme l’a fait le pasteur King. Aujourd’hui, un américain noir trône sur la Maison Blanche. Et le monde entier a vu avec émotion, la nuit de l’annonce de la victoire d’Obama, des hommes et des femmes de toutes les couleurs brandir en larmes les effigies de Martin Luther King ! Plus qu’un symbole, un message! Un testament !

Aux mamans congolaises,

L’assassinat sauvage d’Armand Tungulu me pousse d’abord à m’adresser à vous, nos mamans, source de notre vie sur terre. Les récits historiques des combats héroïques pour la libération des peuples de diverses formes d’occupation, d’agression, d’assujettissement ou d’humiliation sont remplis d’exemples des femmes de courage qui sont montées au front et ont porté l’étendard devant les hommes. Certaines d’entre elles l’ont fait au prix de leur vie.
Plus près de nous en Angola voisin, au 17e siècle, une femme intrépide, la reine Anne Zingha résista héroïquement à la pression de la corruption et des menaces exercées sur elle par le puissant royaume du Portugal. Elle repoussa donc fermement la proposition d’un ignoble marché consistant à vendre chaque année au royaume du Portugal treize mille esclaves parmi son peuple. Rejetant catégoriquement une autre proposition aussi ignoble visant à accorder à son pays le statut de vassal du roi du Portugal contre certains « avantages » personnels que Lisbonne lui offrait, Anne Zingha répliqua avec fermeté et dignité aux émissaires du roi portugais : « Quel droit a-t-il sur mes États ? En ai-je sur les siens ? Est-ce parce qu’il est aujourd’hui le plus fort? Mais la loi du plus fort ne prouve que la puissance et ne légitime jamais de telles usurpations. Le roi du Portugal ne fera donc qu’un acte de justice et pas de générosité en me restituant non quelques provinces, mais tout mon royaume sur lequel ni sa naissance, ni sa force ne lui donnerait aucun titre»! Quelle leçon de grandeur et d’intégrité!
Quel bel exemple de courage et de patriotisme ? L’histoire révèle que la reine Anne Zingha récupéra plutôt toute la partie de son royaume occupée par le Portugal suite au traité qui fut ratifié à Lisbonne le 24 novembre 1657 par le roi Alphonse VI. Voilà une femme qui a défendu l’intégrité et la souveraineté de son royaume ainsi que celle de son peuple, en sacrifiant des avantages personnels, en refusant ainsi la corruption que les puissances extérieures lui proposaient. Elle n’eut pas peur des menaces proférées contre sa sécurité et son pouvoir!
Et à l’instar de la reine Zingha, il y eut aussi plusieurs autres femmes issues des couches sociales plus modestes, et qui ont marqué l’histoire par leur courage dans le combat pour la libération de leur peuple. Tel est le cas de ces braves femmes qui se sont distinguées dans le combat de la résistance qui a conduit à la libération d’Haïti et de la Guadeloupe. Parmi elles, je citerais à titre d’illustration Marthe Rose, épouse du célèbre commandant résistant Delgrès, et surtout une certaine «Solitude», cette redoutable femme noire (mulâtresse) dont on ne connaît pas l’identité réelle. Bien que battue et violée maintes fois par ses oppresseurs, et malgré qu’elle fut enceinte de quatre mois de son ami résistant comme elle, mitraillette en mains, «Solitude» s’est battue comme une lionne au sein de la communauté clandestine de « Goyave» constituée essentiellement des «Nègres marrons» à la Guadeloupe. Arrêtée et condamnée à mort le 11 juin 1802, elle donna naissance à son enfant le 18 novembre de la même année, et le lendemain matin, soit le 19 novembre, elle monta sur l’échafaud où elle fut exécutée !
L’histoire de la résistance et de la libération est ainsi donc pleine de femmes héroïques comme Jeanne d’Arc en France, Défilée la «Folle» à Haïti, Harriet Tubman aux États-Unis d’Amérique, Kimpa Vita baptisée Dona Béatrice dans le royaume Kongo en RDC, Nanny à la Jamaïque et j’en passe. A un moment donné de l’histoire, ces femmes se sont levées d’au milieu des hommes et ont marqué de leurs empreintes le cours de l’histoire de leur peuple.
Depuis plus de quinze ans, notre pays, la République Démocratique du Congo, est agressée par des envahisseurs venus d’ailleurs. Depuis plus de quinze ans, la femme congolaise est devenue la première cible et victime de cette guerre, parce que nos agresseurs ont choisi de faire du viol de la femme congolaise leur principale arme de guerre. Parce que leur but ultime est de supprimer la source de la vie pour le peuple congolais. Malheureusement, pendant ce temps, beaucoup d’hommes congolais ont démissionné de leurs responsabilités de «chef de famille» que leurs confèrent la Bible et notre code civil congolais. Au lieu de défendre les femmes congolaises contre les agresseurs, ils préfèrent plutôt fuir ou se cacher pendant que nos soeurs, nos mères ou nos filles abandonnées subissent les horreurs de leurs agresseurs. Et une fois que ceux-ci sont partis, certains maris sortent même gaillardement de leurs cachettes pour venir «punir» ces femmes en les chassant de leurs maisons, parce qu’ils estiment qu’elles sont devenues des sujets de honte pour leurs familles ! Mais qui devrait être considéré comme l’objet réel de la honte pour la famille? Même au niveau national, le gouvernement congolais, pour autant qu’on puisse parler encore d’un gouvernement, a totalement abandonné la femme congolaise à son triste sort. Et quand bien même quelques rares voix s’élèvent de temps en temps à travers le monde pour dénoncer la descente aux enfers de la femme congolaise, le gouvernement congolais sensé la protéger se dresse plutôt contre ces ONG où ces experts de l’ONU pour fustiger leurs rapports et protester contre les « diffamations», contestant chaque fois des chiffres jugés « exagérés » du nombre des victimes. Cette attitude ne vise qu’un but avéré: minimiser la gravité des horreurs et du drame que vivent les femmes congolaises particulièrement dans des territoires occupés de l’Est du pays.
Devant tant de démission et de lâcheté avérées, les femmes congolaises doivent songer à s’assumer pleinement. Malgré la honte, l’humiliation et les violences subies de la part des agresseurs, elles doivent se lever comme « Solitude », et prendre la bannière du combat au sein de la résistance congolaise afin de se protéger, elles et leurs enfants.

A l’élite congolaise,

Dans un paragraphe de la « Proclamation du 10 mai 1802 », un leader de l’histoire de la résistance, Louis Delgrès pour ne pas le citer, a trouvé des mots justes pour donner à la résistance sa vraie signification et sa véritable place dans la vie d’un homme. Il a écrit: « La résistance à l’oppression est un droit naturel. La divinité même ne peut être offensée que nous défendions notre cause ; elle est celle de la justice et de l’humanité ».
Le martyr d’Armand Tungulu doit nous rappeler qu’aucune libération d’un pays ne peut s’obtenir sans le réveil préalable d’un peuple. Et aucun réveil d’un peuple ne peut s’opérer sans qu’un homme ou un groupe d’hommes et de femmes se lève pour braver le danger jusqu’au sacrifice du sang s’il le faut. Si nous avons accédé à l’indépendance de notre pays en juin 1960, c’est parce que des années et des mois auparavant, il y a eu des Simon Kimbangu, Kasa-Vubu, Lumumba, Bolikango et d’autres pionniers de l’indépendance qui ont bravé et conjuré le complexe d’infériorité et de la peur vis-à-vis du « Mondele » ou « Muzungu » et ont crié très fort : «Dipanda ! Dipanda!»; C’est aussi parce qu’il y a eu des martyrs du 4 janvier 1959 qui ont bravé la violence légendaire du colon belge! Et si nous avons arraché et sauvegardé tant bien que mal cette indépendance au lendemain du 30 juin 1960 malgré les vaines tentatives de récupération de cette souveraineté par des voies détournées, c’est parce qu’il y a eu un certain Lumumba avec une poignée de patriotes et de nationalistes qui ont résisté jusqu’au prix de leur sang.
Cependant, de tout temps, il y a toujours eu des citoyens réputés respectables qui ont préféré collaborer avec les agresseurs ou les oppresseurs de leur peuple en combattant les patriotes et les résistants. De tout temps, les patriotes résistants ont toujours été minoritaires par rapport à la masse de spectateurs et de curieux sceptiques qui refusent de s’engager. Cette majorité des citoyens qui ont accepté la servitude et la honte plutôt que le risque du danger, de la prison ou de la mort. De tout temps, pour protéger leurs intérêts égoïstes, il y a toujours eu des « collabos » qui ont composé avec l’ennemi et ont trahi leurs frères de la résistance. De tout temps, le combat de la résistance a été considéré par beaucoup d’autres compatriotes comme perdu d’avance, à cause du déséquilibre des rapports de force en faveur de l’oppresseur. De tout temps, les rangs de la résistance se sont souvent effilochés avec le temps, suite à des nombreuses désertions de ceux qui décrochent au cours du chemin, parce qu’ils ne croient plus à l’issue victorieuse du combat, ou parce qu’ils ont peur de perdre. L’histoire montre que presque tous les leaders de la résistance ont dû, à un moment donné de leur combat, faire face à cette incontournable problématique de la peur, de l’angoisse et de la déprime collectives et individuelles des patriotes. Même parfois les plus engagés.
Aimé Césaire à pointer clairement du doigt cette catégorie d’hommes et de femmes dans son «Discours sur le colonialisme» lorsqu’il a dit: «Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme. » Quant à nous en République Démocratique du Congo, le geste héroïque d’Armand Tungulu s’adresse aujourd’hui à ces Congolais qui ont peur de la férocité du dictateur rwandais «Joseph Kabila», ce jeune taximan rwandais qui est parvenu en quelques années seulement à réduire au silence la majorité de l’élite politique congolaise. Cette même élite jadis très bruyante contre la dictature de Mobutu! La pierre d’Armand s’adresse particulièrement à eux. Elle ne s’adresse pas aux Ngyke, ni aux Chebeya: cette catégorie des patriotes résistants qui étaient déjà débout et prêts au sacrifice. Le sang d’Armand crie plutôt à l’adresse de ces millions de compatriotes congolais qui ont peur de prendre les rues de Kinshasa et de l’intérieur du pays, et préfèrent plutôt rester « sagement » tapis dans l’ombre de leur maison, par lâcheté, par égoïsme ou par incrédulité. Le sacrifice d’Armand s’adresse aussi aux patriotes qui se sont découragés ou qui sont en passe de l’être par doute ou par impatience. Il leur demande seulement de considérer le chemin que nous avons déjà parcouru ensemble en quelques années seulement de combat, et qu’ils prennent confiance en eux-mêmes. Car, «quelle que soit la durée de la nuit, le jour finit toujours par se lever ». Et seuls ceux qui scrutent avec confiance l’aube du matin ont la capacité de persévérer jusqu‘au bout. Jusqu’à la victoire finale. Il ne suffit donc pas de commencer la marche, il faut persévérer jusqu’au bout comme dit l’Ecclésiaste dans la sainte Bible: «Mieux vaut la fin d’une chose que son commencement»!

A la jeunesse congolaise,

J’ai connu Armand Tungulu, parce qu’en tant que patriote engagé, il a assisté à plusieurs de mes sorties politiques à Bruxelles. Armand fut un homme de paix. Un non-violent. Mais il fut surtout un homme d’idéal, un patriote courageux et intrépide. Ainsi, à une certaine étape de sa vie et de son combat, il fut placé devant un choix : vivre dans la lâcheté ou poser un acte de courage, fut-il risqué, pour sortir de l’opprobre. Car devant certains impératifs de la vie des peuples, la paix ou la non-violence n’exclut plus la violence. En 1920, même cet icône et figure emblématique de la non-violence, le très célèbre résistant Mahatma Ghandi, face au dilemme de la non-violence et de la lâcheté, a tranché sans ambages: «Là où il n’y a que le choix entre la lâcheté et la violence, je conseillerais la violence. (…) Je préférerais que l’Inde eut recours aux armes pour défendre son honneur plutôt que de la voir, par lâcheté, devenir ou rester l’impuissant témoin de son propre déshonneur. Mais je crois que la non-violence est infiniment supérieure à la violence ».
Or durant son court séjour en RDC, Armand Tungulu s’est trouvé justement devant ce choix cornélien dont parle Ghandi, c’est-à-dire le choix entre vivre dans la lâcheté et l’humiliation ou briser les chaînes de l’occupation pour recouvrir la dignité et la souveraineté perdue. Et Armand a fait son choix ! Il nous le laisse comme un testament. Son testament. Car il a compris que l’ennemi qui occupe notre pays ne nous laisse aucune autre alternative possible. Sa hargne à éliminer systématiquement par des méthodes sauvages et sanguinaires tous ceux qui s’opposent à son pouvoir d’occupation ne nous laisse plus la possibilité d’une quelconque autre alternative.
Durant son bref séjour au pays, Armand a observé l’attitude du peuple congolais (des kinois) face à l’oppresseur. Il a compris que si aujourd’hui le Grand Congo est dominé, humilié, bafoué, exploité et mortifié par des agresseurs venus de certains pays voisins, si aujourd’hui le Grand Congo est devenu un marché public de la sous/région ou les armées des pays voisins entrent, tuent, violent, pillent et occupent de force nos terres, si aujourd’hui toutes nos institutions politiques sont noyautées par des étrangers qui briment les Congolais et les asservissent comme des esclaves des temps modernes, si aujourd’hui les structures économiques et commerciales du pays, jusqu’au niveau des petits détaillants sont complètement confisquées entre les mains des étrangers au point que le Congolais est devenu étranger dans son propre pays, si tout cela arrive aujourd’hui, a conclu Armand, c’est parce que l’élite dirigeante congolaise a démissionné de ses responsabilités. Et si cette élite se complait impunément dans son égoïsme, son inconscience et son indifférence aux misères du peuple congolais, c’est parce que de nombreux congolais eux-mêmes y compris au sein de la jeunesse ont choisi la voie de la lâcheté et de la résignation. Car sous d’autres cieux, on a vu le peuple se lever et changer de dirigeants politiques pour une simple hausse du prix du pain! On a vu ailleurs des jeunes gens et jeunes filles s’opposer aux chars étrangers à mains nues pour protéger la stabilité et la souveraineté de leurs institutions (Côte-d’Ivoire). Alors Armand Tungulu dépité et excédé, a choisi de sortir du sentier battu, celui de la torpeur et de la peur collective. Il a choisi de donner un signal fort aux jeunes de sa génération pour marquer un ras-le-bol général que personne n’ose exprimer publiquement. Par peur !
Tel est à mon avis, le sens profond du geste martyr d’Armand Tungulu. Tel est aussi le testament qu’il lègue à chacun des fils et filles du Grand Congo qu’il a connu et tant aimé.

Mieux vaut mourir pour une cause que de vivre sans cause

Comme Armand, beaucoup d’autres martyrs avant lui ont choisi cette voie. Quant à nous autres, l’histoire retiendra demain la part de responsabilité d’un peuple amorphe et apathique, qui a refusé de se lever pour répondre à l’appel de quelques rares héros parmi ses fils et ses filles qui ont eu le courage de braver l’ennemi, au prix de leur vie. L’histoire nous demandera demain ce que nous avons fait du sang de l’archevêque Kataliko, du Cardinal Etsou, du Pasteur Lukusa, des journalistes et hommes des médias Franck Ngyke (et son épouse), Kayilu Mutombo, Louis Mwamba Bapwa, Serge Maheshe, Bruno Chirambiza, ainsi que du sang des activistes des droits de l’homme Pascal Kabungulu, Floribert Chebeya et son chauffeur dont le corps n’a jamais été retrouvé, sans compter le sacrifice suprême des nombreux officiers et militaires congolais dont la liste est très longue.
Oui ! L’histoire nous demandera : Qu’avez-vous fait du sang versé de vos martyrs? Et aujourd’hui, qu’allons-nous faire du sang encore frais d’Armand Tungulu ? Allons-nous une fois de plus le laisser couler et se noyer dans le fleuve de l’amnésie et de l’indifférence populaire? Armand Tungulu vient de payer de sa vie son expression de colère qui traduit le ras-le-bol de toute la jeunesse congolaise. Son geste de colère, d’impuissance et d’impatience nous interpelle tous autant qu’il stigmatise la responsabilité de chacun de nous. Deux jours après l’annonce officielle de la mort d’Armand Tungulu, un officier supérieur des FARDC m’a dit d’une voix cassée (de honte ou de douleur ?): « le geste de ce jeune homme nous a tous humiliés plus qu’il nous a interpellés. Car ce qu’il a fait, c’est plutôt à nous, militaires et officiers congolais, qu’il revient de le faire, parce que nous avons été formés et outillés pour libérer la nation congolaise de l’occupation étrangère. » Un mea culpa qui ne doit pas rester au niveau des simples mots, lui ai-je répondu.

La pierre de David à Goliath

Je considère en esprit la pierre d’Armand Tungulu comme celle que David lança à Goliath! Il faut qu’aujourd’hui et demain, des centaines de milliers de Tungulu sortent des campus universitaires, des écoles secondaires, des camps militaires, des services d’administration publique, des entreprises, des marchés, des wenze et de partout jusqu’au fond des campagnes… pour instaurer cette « intifada » à la congolaise dont le coup d’envoi vient d’être donné par la pierre désormais historique et symbolique d’Armand Tungulu. Mais nos pierres à nous ne seront pas que des cailloux!
Ainsi, sur la tombe d’Armand Tungulu et de Floribert Chebeya, nous pourrons fièrement leur paraphraser, en guise d’épitaphe ces derniers propos que l’officier et figure emblématique de l’histoire de la résistance, le très célèbre Toussaint-Louverture adressa le 7 juin 1802 à son bourreau, le chef de division du navire Le Héros qui l’emportait en exil en France où il mourut un an après:
«En me renversant, on n’a abattu à Kinshasa en RDC que le tronc de l’arbre de la libération des Congolais; il poussera par les racines, parce qu’elles sont profondes»
Paris, le 12 octobre 2010
Honoré Ngbanda-Nzambo ko Atumba
Président National de l’APARECO

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