(La Libre 08/10/2010)
Recherché par la Cour pénale internationale, il collabore avec la Mission.
Les Casques bleus de l’Onu au Congo collaborent militairement, au Kivu, avec des troupes congolaises dont le "numéro 2" est recherché par la Cour pénale internationale (CPI). C’est en tout cas ce qu’affirme le principal intéressé, Bosco Ntaganda, dans une interview accordée mercredi soir à Reuters.
La Monusco (Mission de l’Onu pour la stabilisation du Congo) déclare, elle, avoir reçu de Kinshasa l’assurance que Ntaganda, sous le coup d’un mandat d’arrêt international de la CPI, ne participerait pas aux opérations que les Casques bleus mènent avec l’armée congolaise au Kivu (dans l’est du Congo) contre les groupes terroristes FDLR (rebelles hutus rwandais issus du génocide) et LRA (rébellion mystique ougandaise).
La Monusco - comme la Monuc (nom antérieur de l’opération) avant elle, comme l’avait exigé le Conseil de sécurité dans sa résolution 1906 du 23 décembre 2009 - a l’obligation de s’assurer qu’elle ne collabore pas militairement avec des unités congolaises qui sont, de manière persistente, "soupçonnées de violations graves des droits de l’homme", à plus forte raison avec une personne recherchée pour crime contre l’humanité par la CPI.
Or, c’est le cas, depuis 2006, de Bosco Ntaganda, pour son rôle dans le recrutement d’enfants-soldats en Ituri en 2002-2003, pour le compte du seigneur de la guerre Thomas Lubanga, actuellement jugé devant la CPI à La Haye. C’est après que Ntaganda avait rejoint le CNDP de Laurent Nkunda, rébellion, qui affirmait défendre les droits des Tutsis au Kivu, avant de renverser celui-ci - ce qui avait facilité son arrestation par le Rwanda en janvier 2009 - et de se rallier à Kinshasa.
Un rapport d’experts de l’Onu de mai 2009 (voir LLB du 26 mai 2009) indiquait qu’il était de facto le "numero deux" opérationnel de l’armée de Kinshasa au Kivu, alors lancée dans l’opération Kimia II contre les FDLR au Kivu. Le 20 octobre 2009, "La Libre Belgique" publiait le fac-similé de la signature de Ntaganda en tant que tel (voir photo).
Samedi dernier, le ministre congolais de la Justice, Luzolo Bambi, indiquait que Kinshasa "n’exécuterait pas le mandat d’arrêt" de la CPI à l’encontre de Ntaganda. "Nous avons des raisons internes au gouvernement", ajoutait-il. "Il y a plusieurs raisons qui ont fait que finalement nous avons dit : nous suspendons - non pas la coopération (avec la CPI) mais par rapport à cette situation" (sic).
Le Congo a clairement instrumentalisé la CPI : seuls des Congolais figurent parmi les détenus de celle-ci, mais seulement des adversaires politiques du pouvoir kabiliste, comme Jean-Pierre Bemba, chef de l’opposition, ou des gêneurs, tels d’autres chefs de guerre de l’Ituri qui n’ont pas eu, comme Bosco Ntaganda, l’intelligence de négocier leur ralliement à Kinshasa.
Dans l’interview donnée à Reuters le 4 octobre à Walikale (Nord-Kivu), près d’un terrain de football qui sert de piste d’atterrissage aux hélicoptères de la Monusco, Ntaganda dit être "coordinateur militaire des opérations" "Amani Leo" (qui ont succédé à Kimia II) menées par l’armée congolaise et la Monusco contre les FDLR. Son supérieur, le général Amuli, et la Monusco nient qu’il ait un rôle officiel. Mais des sources diplomatiques et militaires savent qu’il est de facto numero deux de l’opération, comme il le fut pour Kimia II.
L’entrée de Ntaganda et d’une partie de l’ex-rébellion CNDP dans l’armée congolaise a été appréciée par Kinshasa en ce qu’elle a renforcé la combativité de son armée contre les FDLR et parce qu’elle a mis fin à une rébellion qui a deux fois mis en fuite l’armée de Kinshasa dans le passé. Toutefois, les bénéfices de ce ralliement sont en train de pâlir dans la mesure où les hommes de Ntaganda refusent - ce fut une des raisons du soulèvement du CNDP - d’être envoyés dans d’autres provinces que la leur avant le retour chez eux des exilés tutsis chassés du Kivu et l’éradication des FDLR de la région. S’y ajoute aujourd’hui le fait que ce sont les ex-CNDP ralliés à l’armée qui, pour l’essentiel, ont mis la main sur les mines exploitées jusque-là illégalement par les FDLR.
Marie-France Cros
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