dimanche 19 décembre 2010
Les intérêts occidentaux et l’instabilité politique en RDC impliqués dans un probable coup de force en Ouganda en l’an 2023
Depuis un certain temps, les quelque 250 000 télégrammes diplomatiques récupérés par WikiLeaks auprès du département d'Etat à Washington et des ambassades américaines sont en train de révéler les coulisses de la diplomatie mondiale ainsi des commentaires peu rassurants à l'égard des dirigeants de la planète. Ces télégrammes, pour le moment, n'apportent pas de révélations fracassantes sur les grandes questions internationales. Mais en revanche ils portent un coup à la crédibilité des Etats-Unis et remettent en cause la culture du secret, fondement de la diplomatie, en livrant au grand public les jugements parfois assez crus que certains diplomates américains portent sur les dirigeants de la planète. Au niveau de la région des Grands Lacs, ces télégrammes ont rapporté ce que l’on savait déjà sur les profils des présidents Kagame, Kabila, Nkurunzinza et Museveni ainsi que leurs approches dans les relatons privilégiées avec la Chine. Pour la diplomatie américaine, les trois enjeux clés qui se distinguent dans cette région sont les ressources minières, les séquelles du génocide et l’implantation de l’intégrisme musulman. Si les USA ont remercié Kagame pour les services rendus, ils voudraient également réunir d’amples informations sur l’implication du FPR (Parti du président Kagame) dans le dossier des violations de Droit de l’homme et surtout rassembler des éléments sur les divisions à l'intérieur du cercle restreint autour du président rwandais. Le Burundi est présenté comme un pays sans leadership politique et qui peut à tout moment basculé dans une nouvelle guerre civile. La RDC, le géant minier, inquiète les services américains qui le tiennent à l’œil. Dirigé par une classe de prédateurs, ce pays risque de fragiliser l’équilibre de force que Washington voudrait installer dans la région pour bloquer l’avancée du terrorisme islamique à partir de la Somalie via le Soudan. L’Ouganda, pays de la ligne de front anti-islamiste, risque de compromettre sa relative stabilité à cause de la corruption endémique du régime du président Museveni. Ce dernier qui, dans un télégramme diplomatique, a qualifié Kabila de "Jeune incompétent qui ne respecte jamais sa parole donnée", est lui-même présenté comme "un paranoïaque à la recherche d’opportunité pour soutirer l’argent au gouvernement américain". En fait tous ces dirigeants en ont eu pour leur compte, ce qui n’étonne pas vu l’état dans lequel ils ont plongé la région, et ce, pour des intérêts qui ne bénéficient pas à leurs populations respectives. Scénario imaginaire mais instructif Si nous avons voulu rappeler les révélations de Wikileaks, qualifiées par Washington de crimes graves pouvant mettre en danger la diplomatie internationale, c’est justement pour confirmer que ces câbles n’ont fait que mettre à nu la béance entre le discours et l’action du politique que plusieurs analystes n’ont cessé de stigmatiser. C’est le cas du journaliste d’investigation, le britannique Thomas Harding qui a récemment prédit un coup de force de l’armée en Ouganda en l’an 2023 pour stopper l’insurrection des populations appauvries : la reprise du pouvoir politique par l’armée ougandaise en vue de sauvegarder les intérêts occidentaux. Dans un scénario digne des fictions hollywoodiennes, cet analyste entrevoit une grave crise des terres et des mines rachetées par des détenteurs de capitaux occidentaux et chinois au détriment des populations locales qui s’appauvrissent. Excédée par la misère endémique et prenant l’exemple de la RD Congo engluée dans un chaos chronique, les populations ougandaises vont vouloir se soulever en s’attaquant aux intérêts de ces affameurs étrangers et leurs supplétifs nationaux. C’est là que l’armée ougandaise va intervenir (des avions de chasses, des troupes héliportées, des gros porteurs venus d’Europe pour assurer la logistique et reprendre leurs otages) pour mater l’action insurrectionnelle des populations au profit du capitalisme sauvage qui récupère finalement les mines et terres. Très imaginatif, l’auteur de cette fiction a fait son montage sur base des faits réels qui pourraient, dans un avenir proche, provoquer l’insurrection populaire non seulement en Ouganda mais dans tous les pays de l’Afrique centrale envahie par des capitaux prédateurs en quête d’opportunités agricoles et minières pour engranger des bénéfices. Nouvelle géopolitique de rachat de terres Les émeutes de la faim de 2008 avaient révélé l’impact désastreux de la volatilité des cours des céréales sur certains pays. Cet épisode malheureux était venu rappeler que la question de l’insécurité alimentaire était toujours présente, en particulier en Afrique. Dès lors, l’accès aux facteurs de production, et en particulier aux terres agricoles et à l’eau, seront plus que jamais des enjeux économiques importants, mais également des points de friction politique et surtout géopolitique. La nouvelle vague d’achat ou de location de terres en Afrique subsaharienne pose désormais un sérieux problème socio-économique car ces fameux investissements provoquent la délocalisation des populations entières et la réduction de leurs espaces arables pour la culture des céréales et autres produits permettant la production des biocarburants. Les chiffres des acquisition/concessions des terres frappent par leur ampleur : 40 millions d’hectares cédés au sud du Sahara en 2010. Nous sommes en pleine exportation de l’insécurité alimentaire du Nord vers le Sud. Les fonds de pension, des fonds d'investissement et les grandes banques ont trouvé de nouvelles valeurs refuges dans les bijoux de famille de populations africaines. Certains cas ont été relevé notamment l'Ethiopie qui reçoit d'une main l'aide du Programme alimentaire mondial (PAM) et permet, d'un autre côté, à l'Arabie saoudite de cultiver sur son sol du blé, du riz et de l’orge sur 1,2 millions d’hectares, au Soudan ce sont 3,9 millions d’hectares bradés aux Chinois et Coréens alors que le pays peine à assurer la suffisance alimentaire à sa population. Des entreprises chinoises seraient en train de négocier des contrats portant sur 4,8 millions d’hectares en République démocratique du Congo (RDC), surfaces qu’elles destinent à des plantations de palmiers à huile, et sur 2 millions d’ha en Zambie destinés à la culture du jatropha, pour la production de biocarburant. Ce phénomène de braderie des terres arables pourrait entrainer des tensions/soulèvements populaires car les gouvernements africains et les sociétés acheteuses sont en train d’utiliser la force ou la ruse en achetant les chefs traditionnelles locaux ayant un poids dans la gestion du droit d’accès à la terre. Dans ce complexe jeu d’acteurs, les paysans se sentiront doublement floués de leurs terres et de l’usufruit de la vente de leurs terres. Tout ceci fait déjà le lit de multiples soulèvements de paysans qui risquent de coalisés avec des groupes politico-militaires exploitant les frustrations sur un registre ethnico-régional. Une frustration qui sera d’autant plus forte que, dans bien des terroirs, les terres participent symboliquement à la perpétuation du groupe. Quitter le terroir, c’est quitter ses ancêtres et briser la lignée. Les réfugiés de l’écologie À Cancun, si les négociations sont sorties de l’impasse, c’est au prix de nombreux sacrifices. Les pays riches ont refusé de réduire leur pollution en optant pour la formule de compensation : acheter le droit de polluer si l’on plante ou sauve des forêts. En grandissant, un arbre absorbe du dioxyde de carbone, l’un des principaux gaz à effet de serre. C’est pour ça que les entreprises l’adorent : ce droit permet de continuer à polluer tranquillement en « compensant ». Le système REDD (Réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts) discuté à Cancun, propose de créer des crédits carbone accordés à ceux qui luttent contre la déforestation et plantent des arbres. Tant que le carbone est stocké sous forme de roche (charbon) ou de liquide (pétrole) dans le sous-sol, il est inerte d’un point de vue climatique. C’est sa libération dans l’atmosphère au moment de la combustion qui est problématique. Le piège de la compensation carbone, c’est de faire croire l’inverse. Il suffirait que les arbres absorbent le carbone émis lors de la combustion du pétrole pour le neutraliser. Mais un arbre n’a une durée de vie que de quelques dizaines ou centaines d’années. Quand l’arbre sera incendié ou que le bois sera décomposé, le carbone stocké sera émis à nouveau dans l’atmosphère. D’un point de vue climatique, l’intérêt est donc quasiment nul. Malgré cette évidence, l’ère du chantage écologique est officiellement ouverte : plus vous menacez de sortir les tronçonneuses, plus vous pourrez vendre de crédit carbone (équivalant à l'émission d'une tonne de dioxyde de carbone et permet à son détenteur d'émettre davantage de gaz à effet de serre ) si finalement, vous vous engagez à éviter le massacre. Des consultants comme McKinsey ou ONF International se livrent une concurrence acharnée pour aider les pays du Sud à établir des scenarii de déforestation catastrophe. Malheureusement, les plus pauvres risquent de subir de plein fouet les changements climatiques et de voir leurs droits restreints par une nouvelle forme de colonialisme climatique. Quand General Motors achète des forêts au Brésil, les populations locales n’ont plus le droit d’y mettre les pieds. Un villageois qui a essayé de couper du bois pour réparer sa maison a passé onze jours en prison. En Ouganda, autour du Mont Elgon, un groupement d’entreprises énergétiques des Pays-Bas a expulsé des paysans pour planter des arbres à croissance rapide capable de stocker du carbone. Des exemples d’expulsion liée à ce nouveau business du carbone comme ceux-là sont légion et personne ne sait l’approche adoptée par les autorités congolaises dont le pays dispose d’une des plus grandes forêts tropicales au monde. Il n’est pas impossible qu’un bon matin des paysans congolais se réveillent en constatant que leurs villages ont été occupés nuitamment par des Chinois devenus propriétaires des lieux comme ce fut le cas dans certaines mines de cuivre au Katanga. Dans sa fiction du genre "Apocalypse now", le journaliste d’investigation Thomas Harding a voulu faire passer un message qui pourrait inspirer les démocraties naissantes en Afrique : le capitalisme sauvage, face aux problèmes de l’industrie alimentaire et de l’écologie, pourrait entrainer des déchirures sociopolitiques aux conséquences désastreuses non seulement pour les Etats africains mais également pour l’équilibre géostratégique que l’Occident voudrait instaurer face à la montée des puissances comme la Chine et l’Inde. Toutefois, la diversité des situations est telle qu’il est aujourd’hui difficile de tirer des conclusions globales et qu’il vaut mieux avoir conscience des différentes dimensions avant de s’y engager. Dans le scénario de Thomas Harding, il est intéressant de constater que l’instabilité chronique de la RD Congo a été épinglée comme endémique et l’un des éléments déclencheurs de la chute du régime ougandais dans un avenir proche. De quoi faire réfléchir l’élite congolaise engluée dans l’enrichissement sans cause, la jouissance bref l’éphémère et pourtant, comme l’a si bien dit Blaise Pascal :" La seule chose qui nous console de nos misères est le divertissement et c'est pourtant la plus grande de nos misères ". Marcellin Sole Consultant Bureau d’Etudes et de développement (BED)
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