Vous avez commandité des rapports et même soutenu le processus démocratique au Togo, mais pour finalement servir aux togolais en 2007, une élection « crédible et juste » que vous avez applaudi des deux mains. En Guinée, l’armée qui régimente le pays depuis l’indépendance, donne un sérieux coup de pouce à Alpha Condé, que je soutiens, malgré tout. A travers moult artifices juridiques et contorsions politiques, les militaires donnent du temps à Alpha, lui permettant ainsi de renverser la vapeur en sa faveur. La donne est claire, l’armée n’a aucune envie de voir les peuls contrôler le pouvoir politique, parce que le lourd contentieux entre ces derniers et les militaires ne cesse d’évoluer depuis que Sékou Touré a tué Diallo Telli. L’équation est donc simple, un peul au pouvoir, c’est des règlements de compte assuré ; c’est le chaos programmé et tout cela n’est pas bon pour les affaires en perspective. Suite à la validation de ce scrutin « clean » par la cour constitutionnelle, la communauté internationale acclame de toutes ses forces des élections exemplaires.
En Côte d’ivoire, Gbagbo, que je soutiens, fait un djakass pour mettre la proclamation des résultats de la CEI hors la loi. Glama glama, la cour constitutionnelle le proclame légalement vainqueur. La communauté internationale s’indigne, s’agite et cri scandale. Cela se comprend !
Gbagbo n’est pas en odeur de sainteté auprès de la communauté internationale : c’est un président nègre qui n’est pas docile ; il est rusé, sait tutoyer les présidents grands et il a une vision politique pour son pays. La communauté internationale n’aime pas ce genre de président africain qui se prend pour un vrai président. Elle décrète irrecevables les résultats de la cour constitutionnelle et qualifie celle-ci d’être « aux bottes de Gbagbo ». Tiens, tiens… Alors au Togo, comment qualifier une cour constitutionnelle qui reçoit le serment d’un président issu d’un coup d’état, et proclame quelques jours plus tard, ce même président, « élu » après un hold up électoral ? Par ailleurs, je ne savais pas que la communauté internationale sait monter aussi vite aux créneaux pour déclarer un candidat vainqueur ?! Mieux, qu’elle aille jusqu’à affirmer qu’en vertu des accords de Ouaga, la décision de l’ONUCI est au dessus des lois ivoiriennes. Je rêve ! Que fait-elle quand Israël foule aux pieds toutes les résolutions prises par l’ONU ? En 2005 au Togo, où était la communauté internationale quand on avait proclamé vainqueur un président dont les partisans n’ont pas hésité à jouer des machettes pour garder le pouvoir ? Ah ! Elle avait quand même pris le soin d’anesthésier les togolais avec des condamnations diplomatiques, afin qu’ils ne ressentent pas trop vivement la douleur, puis elle leur a servi l’accord de Ouaga.
Je suis un partisan de la démocratie, mais à condition qu’elle ne soit pas à géométrie variable ; c’est-à-dire qu’elle n’évolue selon les intérêts et la loi du plus fort. La démocratie ne doit pas être cette somme d’intérêts coalisés qui cherchent à noyer les systèmes politiques africains gênant et à encenser les systèmes politiques larbins qui plient sous vos dictaks. Tant que la communauté internationale persistera vouloir imposer une forme de démocratie tronquée, des coups fourrés à la Gbagbo feront légion.
Gbagbo, à l’instar de Mugagbé, que je ne supporte plus et de Kagamé que je n’aime guère, ont eu au moins le culot d’oser vous encul… Ils ont retenu vos leçons de cynisme politique et ces élèves sont en passe de dépasser les maîtres. Malheureusement dans ces aventures, c’est toujours les peuples qui trinquent.
Bien sûr, sur un plan éthique, je n’approuve pas l’acte posé par Gbagbo ; mais politiquement je suis en accord total avec lui. Son combat pour démontrer l’hypocrisie qui gouverne le monde est le mien. Quand quelqu’un fait semblant de mourir, il faut faire semblant de l’enterrer.
Sinon comment expliquer que la communauté internationale dise aujourd’hui que Gbagbo risque de replonger la Côte d’Ivoire dans la guerre ! Cela démontre qu’il n’y a jamais eu désarmement conformément aux dispositions de l’accord de Ouaga !? S’il n’y a pas eu désarmement, donc il y’a eu violation de l’accord de Ouaga . Alors pourquoi a-t-on pressé Gbagbo d’aller aux élections ?
Dans cette affaire, Gbagbo sait qu’il n’y a que deux solutions soit perdre un jour le pouvoir et la vie sous vos balles ou soit vous laisser aboyer, le temps que la réal politik reprenne ses droits et vous amène hypocritement et sans vergogne à baisser culotte, comme ce fut le cas devant Kagamé et Mugagbé… Vous êtes trop avertis pour savoir qu’on ne tue jamais la poule aux œufs d’or, sans un minimum de précautions.
Veuillez agréer, Monsieur, mes salutations distinguées.
Roger Vignona
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