Plusieurs sénateurs belges ont réclamé mardi d’entendre la position du gouvernement à propos de la situation en République démocratique du Congo (RDC) et plus particulièrement sur les préparatifs des élections générales prévues entre fin 2011 et la mi-2013, alors que le parlement congolais a révisé samedi à la hussarde la Constitution pour instaurer un scrutin présidentiel à un seul tour.
Armand De Decker (MR) a suggéré d’inviter les ministres des Affaires étrangères et de la Coopération au développement - Steven Vanackere (CD&V) et Charles Michel (MR) - à venir exposer la position du gouvernement fédéral face à une dérive qualifiée de « dangereuse» par certains experts.
« Nous serons évidemment impliqués dans le processus électoral» en RDC, a-t-il fait valoir en commission des relations extérieures de la haute Assemblée, rejoignant ainsi l’opinion du sénateur Jacky Morael (Ecolo).
Celui-ci s’est déclaré inquiet de la « passivité» du gouvernement belge face à la révision projetée de la Constitution congolaise pour instaurer, sous l’impulsion de la majorité soutenant le président Joseph Kabila, une présidentielle à tour unique, «le pire des systèmes» électoraux car il ne donne qu’une faible légitimité au candidat élu et risque d’entraîner des contestations violentes. «Notre gouvernement est amorphe et complice», a lancé l’élu écologiste.
La sénatrice Marie Arena (PS) a quant à elle souligné que la Belgique et son parlement auraient, naturellement, «sans aucune volonté d’ingérence», un «rôle d’accompagnement» du cycle électoral 2011-2013.
Le parlement congolais réuni en Congrès (l’Assemblée nationale et Sénat) a adopté samedi une révision de la Constitution portant sur huit articles, dont l’organisation d’une élection présidentielle à un seul tour, une disposition de nature à favoriser la réélection du chef de l’Etat sortant en novembre prochain, et contestée par l’opposition.
Sur 608 députés et sénateurs que compte le parlement, 485 ont voté à main levée pour la modification de huit articles de la Constitution promulguée en février 2006, tandis que huit ont voté contre et onze se sont abstenus. Plus d’une centaine d’élus de l’opposition ont boycotté cette séance.
Proposés par le camp du président Kabila à dix mois de la présidentielle du 27 novembre, ces amendements concernent notamment l’alinéa 1 de l’article 71 relatif au mode de scrutin présidentiel, qui stipulait que le président est élu â la majorité absolue au second tour.
Le professeur Pierre Verjans, de l’université de Liège (ULg), l’un des experts ayant contribué à la rédaction de la Constitution congolaise en 2005, a qualifié la révision constitutionnelle de «modification malhonnête et même incertaine» (quant à son effet sur une réélection de M. Kabila), prise «in tempore suspecto», à dix mois de la date du 27 novembre prévue pour la présidentielle - une échéance qui risque d’être difficile à tenir.
Le directeur d’EurAc (le Réseau des ONG européennes pour l’Afrique centrale), Kris Berwouts, a dénoncé l’évolution du pouvoir à Kinshasa vers un régime présidentiel, alors que la Constitution de 2005, adoptée par référendum et promulguée en 18 février2006, définit un régime semi-présidentiel. ((Un tour, cela réduit considérablement les chances de l’opposition», a-t-il souligné.
Le politologue Wamu Oyatambe, chercheur à l’université de Bruxelles (VUB), a évoqué le «désenchantement» qui s’est emparé de la population congolaise, après le «miracle» électoral de 2006, en raison de l’insécurité persistante à l’est du pays et de l’absence d’amélioration des conditions de vie, malgré une stabilisation macro-économique.
« Les cinq chantiers (de reconstruction annoncés par M. Kabila après son élection), cela donne des résultats » qui commencent à se voir, a-t-il dit. Mais il a regretté l’abandon d’un sixième chantier, celui du « changement des mentalités » prôné par le chef de l’Etat dans sa lutte contre la corruption.
Il a aussi accusé M. Kabila d’avoir mis en place «une sorte de gouvernement parallèle», un «gouvernement de l’ombre» apparemment plus actif que celui dirigé par le Premier ministre Adolphe Muzito.
La journaliste Colette Braeckman a elle aussi critiqué un «durcissement du régime» et une «dérive autoritaire», après l’assassinat de défenseurs des droits de l’Homme et de journalistes.
M. De Decker a suggéré une visite d’une délégation parlementaire en RDC avant les élections « pour ressentir le climat» à l’approche des scrutins multiples prévus dans l’ex-Zaïre, une proposition qui a reçu le soutien de Mme Arena au nom de la coopération parlementaire existant entre Bruxelles et Kinshasa.
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