dimanche 23 janvier 2011

Tunisie : la "Caravane de la libération" entame le siège du palais du Premier ministre

Parti de Menzel Bouzaiane, un millier de manifestants a gagné la capitale tunisienne pour réclamer la démission du gouvernement de transition. 


La "Caravane de la libération" à Tunis AFP  
La "Caravane de la libération" à Tunis AFP
"Un mois, deux mois, trois mois! Jusqu'à la chute du régime!". Criant leur détermination, des milliers de Tunisiens, dont des jeunes venus du centre frondeur et déshérité du pays, ont entamé dimanche 23 janvier à Tunis le siège du palais de la Kasbah, qui abrite le Premier ministre.
"Le peuple vient faire tomber le gouvernement", proclame une banderole accrochée aux grilles du bâtiment, témoignant de la défiance de la rue à l'égard des autorités de transition, dominées par des caciques de l'ancien régime.
Menzel Bouzaiane, Sidi Bouzib, Regueb: un millier de manifestants de ces bourgades considérées comme les foyers les plus actifs d'un mois de soulèvement populaire qui a provoqué, le 14 janvier, la chute du régime honni du président Zine El Abidine Ben Ali, sont arrivés dimanche dans la capitale.

"Ils ne voleront pas notre révolution"
"Nous sommes venus pour faire tomber les derniers restes de la dictature", explique Mohammed Layani, un vieil homme drapé dans un drapeau tunisien, membre de cette "caravane de la libération", comme l'ont baptisée ses participants.
Partis samedi du centre du pays, les protestataires ont atteint dimanche matin Tunis, en dépit du couvre-feu, en alternant marche et trajets en un convoi hétéroclite de voitures, de motos, et de camionnettes.
"Ils ont volé nos richesses, ils ne voleront pas notre révolution", scandent sous les fenêtres du Premier ministre Mohammed Ghannouchi, les "marcheurs", rejoints par un flot continu de manifestants de Tunis qui ont porté leur nombre à plusieurs milliers - 3.000 selon un policier sur place.
Quelques membres des forces de l'ordre se tenaient devant les portes de bois massif du "Premier ministère", qu'un graffiti a renommé "ministère du peuple", à quelques mètres des manifestants, qui appelaient à la démission du gouvernement et chantaient l'hymne national.

"La liberté avant le pain"
Syndicalistes, opposants de gauche, islamistes, citoyens ordinaires, femmes et enfants, la foule offrait une image en miniature de la Tunisie, où les revendications politiques se mêlaient aux considérations sociales.
"Nous sommes marginalisés à l'intérieur du pays, toutes les richesses sont concentrées sur la côte. Mais notre demande principale, c'est la liberté avant le pain. On veut faire tomber ce régime fasciste et corrompu", explique Samir, un jeune venu d'un village rocailleux du centre du pays, bien loin de la Tunisie des stations balnéaires de carte postale.
Rokia est venue avec ses trois soeurs pour "dénoncer l'injustice": "On est toutes les quatre diplômées de l'enseignement supérieur et on n'a pas réussi à trouver un travail car on n'était pas membres du RCD", le Rassemblement constitutionnel démocratique, parti hégémonique de Ben Ali.
Absents de la révolte populaire, les islamistes, dont plusieurs centaines de militants sont actuellement emprisonnés, apparaissent désormais au grand jour.
"La révolution a été faite par le peuple mais c'est nous, les islamistes, qui en avons payé le prix, à travers toutes les injustices que nous avons subies pendant des années", a témoigné Mohammed Hedi Ayari, militant du parti islamiste Ennahdha, interdit et persécuté par le régime Ben Ali.
Alors que samedi, les policiers avaient rejoint en masse les manifestations, bras dessus bras dessous avec des militants qu'ils matraquaient quelques jours plus tôt, le climat est plus tendu dimanche avec les marcheurs de la "Caravane", qui brandissaient les portraits des victimes de la répression de la révolte populaire au cours de laquelle au moins 100 personnes ont été tuées selon l'ONU.
"Ce n'est pas la révolution du jasmin, c'est la révolution du sang, et elle n'est pas terminée. Nous sommes venus pour venger le sang de nos martyrs tombés pendant l'Intifada", lance un jeune homme au regard noir.

Arrestation de Larbi Nasra
Par ailleurs, Larbi Nasra, propriétaire de la première chaîne de télévision privée en Tunisie, Hannibal, a été arrêté pour "haute trahison et complot contre la sécurité de l'Etat", a annoncé dimanche l'agence officielle TAP.
"Larbi Nasra oeuvrait par le biais de sa chaîne à faire avorter la révolution des jeunes, semer la désordre, inciter à la désobéissance et à la diffusion de fausses informations dans le but de créer un vide constitutionnel et de saboter la stabilité dans le pays et le pousser vers le chaos", selon une source autorisée citée par l'Agence tunisienne de presse.
Cette action était destinée, selon cette source, "à favoriser le retour de l'ancien dictateur Zine El Abidine Ben Ali", qui a fui le pays le 14 janvier pour se réfugier en Arabie Saoudite sous la pression d'une révolte populaire d'un mois sans précédent.
(Nouvelobs.com)

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