dimanche 6 février 2011

ALBERT KALONJI DITUNGA SE CONFIE A MBOKAMOSIKA

Nous clôturons la commémoration du cinquantenaire ce mercredi 30 juin 2010 par la publication de l’interview que nous a accordée Albert Kalonji Ditunga Mulopwe, un des pères de l’indépendance congolaise: 
A travers celle-ci, nous avons essayé d’avoir des réponses aux questions les plus récurrentes sur le rôle d’Albert Kalonji dans l’histoire politique de la RDC.
Le questionnaire a été élaboré par Messager, complété par Claude Kangudie, et transmis à l’illustre politicien par Michel.
Mbokamosika  remercie particulièrement Claude Kangudie et Michel pour s’être énormément dépensés durant les tractations de plusieurs mois ayant abouti à la réalisation de cet entretien.
Messager
 
 
KALONJI DITUNGA SE CONFIE A MBOKAMOSIKA
 
Dans le cadre du 50èmeanniversaire de l’indépendance de la RDC, une Interview avec A.Kalonji Ditunga Mulopwe.
 
Notre blog s'efforce d'effectuer un travail de mémoire sur tous les aspects culturels de notre pays. Une tâche délicate dans un pays dépourvu de documentation et où les langues se délient difficilement. C'est pourquoi nous nous réjouissons du privilège qui est le nôtre aujourd'hui de pouvoir nous entretenir avec un des pères de notre indépendance à la veille du cinquantenaire.
Mbokamosika: Pour commencer quel bilan faites-vous des 50 années des indépendances africaines en général, et de la RDC en particulier?
Kalonji Ditunga:En bref, le bilan est mitigé; il y a eu des avancements dans certains domaines et des régressions dans d’autres, mais sachez que l’indépendance est et était la délivrance de notre peuple.Comme vous l’avez écrit dans votre introduction, je suis un des pères de l’indépendance du Congo, vous comprendrez que nous pouvons que nous réjouir de cette indépendance malgré les ratés.
 
Sur l'ensemble de ce bilan, quelle part considérez-vous comme résultant de la responsabilité des leaders politiques d'un côté, et de la collectivité de l'autre?
Sur cette question je prendrais les résultats négatifs ou ratés  comme des guerres civiles qui ont suivi les indépendances, et le manque de charisme et l’amateurisme dans la gestion de la chose publique qui est de la responsabilité des leaders politiques.
 
Et aussi la collectivité qui n’a pas su faire valoir ses droits et qui a soutenu des leaders sans vision de développement  pour le pays etc…
 
En tant que membre fondateur du MNC, estimez-vous personnellement avoir contribué à l'ascension de Mobutu, et par ricochet à l'assise de son pouvoir dictatorial ?Moi personnellement nom, mais vous devez savoir que des personnes comme MOBUTU ont contribué à nous séparer Lumumba et moi en lui répétant toujours que j’étais un concurrent et en plus Mobutu n'est devenu membre effectif du MNC qu’après notre séparation.
 
Quel fut le principal point de dissension entre vous et Lumumba au sein de votre parti, le MNC?
La forme de l’état, lui unitariste et moi fédéraliste.
Avec le recul, pourriez-vous nous expliquer le paradoxe qui a fait que le leader nationaliste que vous êtes, soit amené à diriger plus tard un Etat Autonome?
Impératif de survie d’un peuple chassé, pillé, et pourchassé de partout. Auquel il fallait donner un espace d’accueil, de paix et de développement.
En tant que grand leader national et Kasaïen quelle serait l'origine du sentiment anti -kasaïen ou anti-luba qui a prévalu longtemps au Congo jusqu'à l'avènement d'Etienne Tshisekedi ? Est-ce une stratégie coloniale ou de certains leaders congolais?... Vous semblez y faire allusion dans votre livre: la vérité du Mulopwe.Ce que je sais est que les Baluba étaient revendicatifs pendant cette période et comme
par exemple des personnes comme TSHIBUABUA RENE ET KALUBI LIEVAIN ( Père de BELTCHIKA ) anciens du grand séminaire de  KABWE qui revendiquèrent le payement de la ration en Francs et pas en nature (denrées alimentaires avariés) et par ce fait les coloniaux commencèrent à dresser les autres frères contre les Baluba , ceci n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.
 
Là vous venez de faire allusion aux soulèvements des Kasaïens contre l’Union Minière qui conduisirent aux massacres de Lubumbashi, juste à l’actuel emplacement du stade Muanke de Lubumbashi. Une certaine opinion avait prétendu que durant votre présidence à la tête de l'Etat Autonome du Sud Kasaï que vous auriez encouragé  la population à appliquer l'article 15, en d'autres termes de se débrouiller. Serait-ce une invitation tacite à l'exploitation clandestine du diamant?
Notre peuple venait de partout, dépouillé,  chassé  et notre seul souci était de leur avoir un territoire. Et leur survie était la priorité.
Pourriez-vous nous dire clairement comment s'était déroulé le fameux massacre des baluba à Mbuji-Mayi, et qui en étaient réellement les responsables ? Lumumba ou Mobutu?
Tous nos efforts de rendre l’administration proche de l’administré bien qu’acceptés majoritairement lors de la Table Ronde  Politique à Bruxelles et concrétisés par l’envoie sur place des bureaux, logements furent sabotés par l’administration de l’époque qui avait insinué l’idée fallacieuse selon laquelle les leaders baluba voulaient l’indépendance pour eux seuls et laissaient  le reste de la population en esclavage.
Pour ce qui est de la responsabilité :les deux sont responsables, le donneur d’ordre Lumumba, MOBUTU et son supérieur hiérarchique Victor LUNDULA  aussi.
 
Dans votre livre «Congo 1960» la sécession du Sud-Kasaï, la véritée du Molopwe vous affirmez avoir courageusement empêché l’avion transportant Lumumba et ses trois collaborateurs de se poser à Bakwanga, mais pourquoi avoir accepté plus tard la patate chaude de Léopoldville en accueillant et en mettant à mort les autres membres de l’entourage de Lumumba?
Ces personnes étaient envoyées à Bakwanga sans mon consentement et sans mon accord
et ce qui est encore grave, car  avec la complicité de mon gouvernement.
 
J'étais absent, car nous étions à Tananarivo, au Madacascar pour assister à la conférence
sur la réconciliation nationale.
 
C'est une affaire qui a été montée pour me discréditer et nuire à ma carrière politique; voilà ce que je peux dire ce cette regrettable affaire.
 
Après votre participation au gouvernement de Moïse Tshombé, on a eu l'impression que vous étiez dégoûté par le pouvoir politique au profit du pouvoir spirituel ? A cet égard pourquoi les politiciens congolais faisant partie des mouvements initiatiques se distinguent-ils par un égoïsme exacerbé par rapport à leurs collègues occidentaux issus pourtant des sociétés individualistes?
Non, quand j’étais dans le gouvernement j’avais les deux occupations. Je suis mystique avant l’indépendance, seulement c’est le pouvoir politique de l’époque qui m’avait éloigné pour les raisons que lui seul savait. Mais je crois que c’était par peur et concurrence.
 
Pour ce qui est des mouvements initiatiques je considère que c’est un engagement personnel alors je ne cherche pas à savoir qui l’est ou pas  mais je sais qu’il y a eu un mouvement  émanant du professeur DOUCY.
 
Après la réunion de Tanzanie, vous vous êtes retrouvés à Elisabethville pour célébrer la réconciliation. Il y avait les délégations du Sud Kasaï, du Katanga et du Gouvernement Central. Pourquoi cette réconciliation avait-elle avorté?
Par la faute de la délégation de Léopoldville, elle préconisait une solution de force contre le Sud Kasaï et le Katanga. Mais prochainement je reviendrai sur nos travaux de la conférence sur la recherche de l’unité nationale de TANANARIVE (Madagascar).
Moïse Tshombé était-il réellement sécessionniste?
Oui et non, oui avant l’exile de Madrid, non après son retour et son accession à la primature, en bref il était fédéraliste comme moi.
 
Quelle est la part de la Belgique ou des politiciens belges dans les événements du Sud Kasaï? Ne vous ont-ils pas induits en erreur en appliquant la règle de «diviser pour mieux régner» Comme ils avaient déjà opposé les Lulua et les Luba à Luluabourg…?
Non la Belgique tenait à sa thèse de 6 provinces.
 
Que reconnaissez-vous de positif à votre génération? Et qu’a-t-elle de négatif aussi? Par votre génération, j’entends les Kasa-Vubu, Lumumba, Ngalula, Tshombé, Bolikango, Bomboko, Kamitatu, Adula…
Je remarque que dans votre question et dans la liste il y a des personnes qui n’avaient pas en commun la forme de l’état, les uns étaient unitaristes et les autres fédéralistes.
 
Quel conseil prodigueriez-vous aux jeunes politiciens?L’amour du peuple, opposé à l’action égoïste et individualiste.
 
Parmi vos actes politiques, quels sont ceux dont vous assumez la responsabilité et ceux dont vous regrettez aujourd'hui?
J’assume tout, car tout été justifié.
 
Avec Moïse Tshombé, étiez-vous des sécessionnistes? Ou avez-vous une autre vision du Congo, qui n’a pas été comprise à l’époque? Ou étiez-vous manipulés par les Belges?
Non nous n’étions pas manipulés par les Belges. Nous étions de nationalistes opposés à la concentration du pouvoir à Léopoldville, bref des fédéralistes pour le bien du Congo.
 
De votre génération des pionniers de l’indépendance, combien êtes-vous encore en vie? Avez-vous des contacts entre vous?
A ce que je sache, je suis le seul membre effectif. Losembe Cardoso était conseiller de Lumumba, et Bomboko celui de Paul Bolia.
 
Hormis Cléophas Kamitatu, Aubert Mukendi Kizito et vous-même, vos collègues pionniers de l’indépendance n’ont pas écrit pour les générations futures. Et pourtant, vous avez tous fait de brillantes études. Nous lorgnons, sans grand espoir vers Justin Marie Bomboko, Etienne Tshisekedi ou Jonas Mukamba…dans l’espoir qu’ils ne s’en iront pas en silence. Comment expliquez-vous cette situation? Pourquoi cette omerta?
Je me suis toujours forcé de laisser aux générations futures le sens de notre combat politique pour la liberté et l’indépendance.
 
Pouvez-vous nous donner les titres de vos livres? Pour ceux qui désirent se les procurer, comment doivent-ils le faire?
- Ma lutte, au Kasaï, pour la vérité au service de la Justice. (Publier à Barcelone en 1964)
- Congo 1960, La cession du Sud Kasaï, la vérité du Mulopwe (Harmattans)
 
Avez-vous encore des fonctions politiques ou des ambitions politiques?
Fonction oui, je suis sénateur honoraire. Ambition non, mais souhait oui.
 
Nous vous remercions au nom de tous les mbokatiers.
 
 
 
Interview réalisé par Mbokamosika le│18.Avril.2010
50552864
Albert Kalonji (debout avec des lunettes) en compagnie de Moïse Tshombe 
 
 
 
Indépendance Cha Cha, par Kallé et l'African-Jazz 
 
 
 

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