Les combattants islamistes sont de plus en plus présents aux avant-postes de la rébellion.
Paru dans leJDD
Le mollah Hanni Terra rend visite aux rebelles qui combattent près de Brega. (Julien Fouchet)
C’est autour de la ville pétrolière de Brega cernée par le désert que le conflit libyen semble s’enliser. Parmi les rebelles fatigués par une semaine de revers face aux forces de Kadhafi, un homme, perché sur une dune, est en alerte. Son visage envahi par une longue barbe noire est tourné vers les positions ennemies. Kalachnikov en bandoulière sur une longue djellaba, il communique des ordres par téléphone satellite.
Les rebelles en treillis font cercle autour de lui et barrent le passage à quiconque veut l’approcher: "Vous ne pouvez pas lui parler. Lui, il ne combat pas pour la Libye. S’il se bat aujourd’hui, c’est pour Allah." Ce combattant est l’un de ceux qui font hésiter l’Amérique à fournir des armes aux rebelles. Al-Qaida, selon la CIA, serait en train d’infiltrer les rangs de la révolution libyenne. Au gouvernement provisoire de la rébellion, la question gêne: "Nous avons vingt-cinq combattants sur le front qui ont été liés à Al-Qaida", admet, du bout des lèvres, Iman Bugaighis, la porte-parole du Conseil national de transition. Cette ancienne dentiste, habillée à l’occidentale, s’empresse d’ajouter: "Mais ils ont fait leur peine de prison, et ils combattent aujourd’hui uniquement pour la libération de la Libye."
L’offensive de charme d’Al-Qaida
En août dernier, Kadhafi a libéré trente-sept islamistes libyens des geôles de Tripoli. Parmi eux, des anciens détenus de Guantanamo, dont l’ancien chauffeur d’Oussama Ben Laden, qui seraient tous aujourd’hui sur le front. La plupart viennent de Darna, une ville côtière dans l’est de la Libye. Cette bourgade de 80.000 habitants est celle, de tout le monde musulman, qui aurait fourni le plus de djihadistes en Irak. C’est ce que rapporte une liste de 600 combattants étrangers prise à Al-Qaida par les Américains en 2007: cinquante-deux sont originaires de cette ville libyenne, contre un de moins pour Riyad, la capitale saoudienne et ses 4 millions d’habitants.
A Darna, c’est jour de grande prière aujourd’hui. "Souvenez-vous bien que le Qatar a été le premier pays à venir nous aider", prêche le cheikh Choukri el-Hasy devant plusieurs centaines de fidèles rassemblés sous le drapeau de la révolution. Cet ancien prisonnier dirige la grande mosquée de la ville depuis deux ans. L’édifice abrite un mausolée où reposeraient 70 compagnons du prophète Mahomet. Juste à côté, sont enterrés 17 rebelles tués sur le front. "Ceux qui suivaient le prophète étaient les premiers djihadistes. C’est normal qu’on enterre nos martyrs juste à côté d’eux…"
Quant à l’éventuelle présence d’Al-Qaida sur le front, le cheikh élude la question: "Kadhafi a bien enrôlé des mercenaires tchadiens pour tuer son peuple, donc nous, on peut ramener qui on veut." Cela, Al-Qaida l’a bien compris: le premier jour de la révolution, une vidéo de l’organisation terroriste montrait quatre Jeep chargées d’armes en route pour la Libye. Après les premières frappes de la coalition, Al-Qaida saluait les rebelles tout en critiquant l’intervention étrangère qualifiée de "croisade moderne".
Sur le front, les rebelles attendent des armes
"Avant, je n’aimais pas l’Otan: ils ont envoyé des missiles en Afghanistan. Maintenant, ils nous aident en Libye, c’est différent. Mais s’il y a des problèmes avec eux, s’ils commencent à occuper le pays, alors, on peut se retourner contre eux en un claquement de doigt", prévient Hakim al-Sadi, en partance sur le front pour coordonner les opérations. Son expérience militaire, ce Libyen, marié à trois femmes dont une Afghane, l’a acquise à Khost, en Afghanistan, près de la frontière pakistanaise, au début des années 2000. "Je suis parti me réfugier chez les talibans parce que j’étais pourchassé par Kadhafi, qui n’aime pas les religieux comme moi. Je suis allé m’occuper d’une madrasa", raconte-t-il. Les Américains l’arrêtent au Pakistan en 2002, puis le remettent à Kadhafi qui l’emprisonne avec d’autres islamistes. Hakim al-Sadi, aujourd’hui libre, a remis son habit de djihadiste pour "égorger Kadhafi et construire un État islamique en Libye".
Sur le front, les rebelles attendent des armes et de nouveaux bombardements de l’Otan pour avancer sur Tripoli. Des imams passent dans leurs rangs au volant d’un pick-up équipé d’un haut-parleur pour diffuser des prêches. L’un d’eux s’enfonce dans le désert pour lire le Coran aux combattants terrés dans les dunes. Son message est simple: "Si on remercie Allah, il nous aidera. La victoire viendra de lui uniquement."
Paru dans leJDD
Le mollah Hanni Terra rend visite aux rebelles qui combattent près de Brega. (Julien Fouchet)
C’est autour de la ville pétrolière de Brega cernée par le désert que le conflit libyen semble s’enliser. Parmi les rebelles fatigués par une semaine de revers face aux forces de Kadhafi, un homme, perché sur une dune, est en alerte. Son visage envahi par une longue barbe noire est tourné vers les positions ennemies. Kalachnikov en bandoulière sur une longue djellaba, il communique des ordres par téléphone satellite.
Les rebelles en treillis font cercle autour de lui et barrent le passage à quiconque veut l’approcher: "Vous ne pouvez pas lui parler. Lui, il ne combat pas pour la Libye. S’il se bat aujourd’hui, c’est pour Allah." Ce combattant est l’un de ceux qui font hésiter l’Amérique à fournir des armes aux rebelles. Al-Qaida, selon la CIA, serait en train d’infiltrer les rangs de la révolution libyenne. Au gouvernement provisoire de la rébellion, la question gêne: "Nous avons vingt-cinq combattants sur le front qui ont été liés à Al-Qaida", admet, du bout des lèvres, Iman Bugaighis, la porte-parole du Conseil national de transition. Cette ancienne dentiste, habillée à l’occidentale, s’empresse d’ajouter: "Mais ils ont fait leur peine de prison, et ils combattent aujourd’hui uniquement pour la libération de la Libye."
L’offensive de charme d’Al-Qaida
En août dernier, Kadhafi a libéré trente-sept islamistes libyens des geôles de Tripoli. Parmi eux, des anciens détenus de Guantanamo, dont l’ancien chauffeur d’Oussama Ben Laden, qui seraient tous aujourd’hui sur le front. La plupart viennent de Darna, une ville côtière dans l’est de la Libye. Cette bourgade de 80.000 habitants est celle, de tout le monde musulman, qui aurait fourni le plus de djihadistes en Irak. C’est ce que rapporte une liste de 600 combattants étrangers prise à Al-Qaida par les Américains en 2007: cinquante-deux sont originaires de cette ville libyenne, contre un de moins pour Riyad, la capitale saoudienne et ses 4 millions d’habitants.
A Darna, c’est jour de grande prière aujourd’hui. "Souvenez-vous bien que le Qatar a été le premier pays à venir nous aider", prêche le cheikh Choukri el-Hasy devant plusieurs centaines de fidèles rassemblés sous le drapeau de la révolution. Cet ancien prisonnier dirige la grande mosquée de la ville depuis deux ans. L’édifice abrite un mausolée où reposeraient 70 compagnons du prophète Mahomet. Juste à côté, sont enterrés 17 rebelles tués sur le front. "Ceux qui suivaient le prophète étaient les premiers djihadistes. C’est normal qu’on enterre nos martyrs juste à côté d’eux…"
Quant à l’éventuelle présence d’Al-Qaida sur le front, le cheikh élude la question: "Kadhafi a bien enrôlé des mercenaires tchadiens pour tuer son peuple, donc nous, on peut ramener qui on veut." Cela, Al-Qaida l’a bien compris: le premier jour de la révolution, une vidéo de l’organisation terroriste montrait quatre Jeep chargées d’armes en route pour la Libye. Après les premières frappes de la coalition, Al-Qaida saluait les rebelles tout en critiquant l’intervention étrangère qualifiée de "croisade moderne".
Sur le front, les rebelles attendent des armes
"Avant, je n’aimais pas l’Otan: ils ont envoyé des missiles en Afghanistan. Maintenant, ils nous aident en Libye, c’est différent. Mais s’il y a des problèmes avec eux, s’ils commencent à occuper le pays, alors, on peut se retourner contre eux en un claquement de doigt", prévient Hakim al-Sadi, en partance sur le front pour coordonner les opérations. Son expérience militaire, ce Libyen, marié à trois femmes dont une Afghane, l’a acquise à Khost, en Afghanistan, près de la frontière pakistanaise, au début des années 2000. "Je suis parti me réfugier chez les talibans parce que j’étais pourchassé par Kadhafi, qui n’aime pas les religieux comme moi. Je suis allé m’occuper d’une madrasa", raconte-t-il. Les Américains l’arrêtent au Pakistan en 2002, puis le remettent à Kadhafi qui l’emprisonne avec d’autres islamistes. Hakim al-Sadi, aujourd’hui libre, a remis son habit de djihadiste pour "égorger Kadhafi et construire un État islamique en Libye".
Sur le front, les rebelles attendent des armes et de nouveaux bombardements de l’Otan pour avancer sur Tripoli. Des imams passent dans leurs rangs au volant d’un pick-up équipé d’un haut-parleur pour diffuser des prêches. L’un d’eux s’enfonce dans le désert pour lire le Coran aux combattants terrés dans les dunes. Son message est simple: "Si on remercie Allah, il nous aidera. La victoire viendra de lui uniquement."
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