mercredi 1 juin 2011

Lobbying convaincre sans corrompre ?

Corruption 









La nature du lobby demeure extrêmement discutée. Même si les multiples groupes d’intérêt à l’œuvre à travers le monde s’en défendent, plusieurs y voient une manœuvre indue permettant d’influencer des décisions et obtenir des avantages. Si la corruption donne clairement l’impression d’acheter une décision en influençant un choix, c’est manifestement parce que c’est le moyen le plus efficace de convaincre. Est-il cependant plus moral ou légitime d’utiliser l’arme du lobbying pour parvenir à ses fins ?
Le lobbying s’exerce généralement sur les gens de pouvoir et peut se décliner sous plusieurs formes dont la plus connue est celle dite des entreprises. Ces dernières entretiennent des rapports serrés avec le milieu politique, administrateurs et élus, tous ensemble.
On retrouve généralement à la manœuvre les regroupements des corps de métiers de la société civile ou encore des militants du milieu associatif dans lequel les Organisations non-gouvernementales sont très actives. L’influence de toutes ces entités sont à but essentiellement socio-économique et dans une très grande proportion, elles le font pour des retombées, surtout financières, assez importantes. Comme le résument les analystes, le champ d'action des lobbyistes se résume à trois choses : une représentation des intérêts auprès du gouvernement, un « service de rencontre » et des processus décisionnels adaptés aux clients contre rémunération à « très haut intérêt ».
Derrière toutes ces opérations, il a été recensé un très grand nombre d’industriels et de multinationales. L’accès à leurs demandes ne se traduit pas seulement contre une rémunération en bonne et due forme des lobbyistes, mais aussi par des retours d’ascenseurs intéressants envers les « cibles ». Il n’est donc pas rare de voir dans des conseils d’administration ou dans les organigrammes de certaines entreprises, d’anciens élus ou ministres, voire présidents ou premiers ministres.
Cela devrait-il être associé à de la corruption ? Tout semble n’être qu’un jeu de mots. Comment interprèterait-on des « avances » d’entrepreneurs qui souhaitent obtenir des faveurs en miroitant une reconnaissance future ? On n’est certainement pas dans des cas grossiers de corruption, mais les ficelles sont les mêmes. Voilà pourquoi, par extension de langage, on a appelé cela de la corruption légale. Parce que Parlementaires et autres représentants de la population bradent carrément leur indépendance contre des piges futures dans les douillets refuges administratifs.
Influencer ou tenter d’influencer un individu par rapport à une loi, une décision gouvernementale ou un projet de société, est clairement en faux avec l’éthique dont se gargarisent les sociétés démocratiques. Il n’y a qu’à rappeler qu’à ses débuts aux États-Unis, le lobbying consistait en une action d’individus qui essayaient d'orienter les projets de loi du Congrès et du Parlement en hantant les halls des chambres d'assemblée pour exercer une influence sur les législateurs lorsque ces derniers s'y rendaient pour les débats et les votes. Rien n’a pratiquement bougé depuis. Si ce n’est pas corrompre, ça y ressemble étonnamment.
Croire donc que le lobbying est un rouage essentiel à la démocratie, parce qu’il permet l’expression de plusieurs points de vue, apparaît désormais bien naïf. Tout comme affirmer que cela ne s’apparente pas à du trafic d’influence. En droit oui, mais en esprit non. Du reste, de nombreux scandales ont fini par convaincre les plus sceptiques sur la nature de cette activité. La manipulation de l’opinion publique dans les conflits armés a quelquefois permis de voir la main de l’industrie de l’armement dans l’ombre. Les grandes corporations dans la construction n’ont pas toujours su cacher leur jeu dans les projets impliquant la dégradation de l’environnement ou encore les campagnes hallucinantes des multinationales de l’agro-alimentaire qui modulent à volonté cette industrie, des semences au « prêt à réchauffer ».
Du coup, la politique, champ de bataille des lobbyistes, n’est plus une vocation. C’est un métier dans lequel les investissements sont importants. Ici aussi, investir pour les corporations est un placement amortissable en un mandat législatif. Le jeu en vaut la chandelle et il ne reste généralement qu’à essayer de convaincre. Sans corrompre ?

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